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TD RELATIONS INDIVIDUELLES DU TRAVAIL

2010/2011
GROUPE G8

CORRIGE DU GALOP D’ESSAI

INTRODUCTION

Spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de la choucroute,


l’entreprise strasbourgeoise SA CHOUC’ALSACE emploie 125 salariés. Pour
subvenir à ses besoins, elle a recruté M. WURST en qualité d’ouvrier, le 15 fébrier
2011. Conformément à un usage d’entreprise, une période d’essai de deux mois
est prévue alors que la convention collective prévoit une période d’essai d’un
mois. Le 31 mars, le contrat de M. WURST est rompu oralement par M. KRAUT à
la suite d’un retard de 15 minutes.

La période d’essai de M. WURST est-elle opposable au salarié ? En d’autres


termes, les conditions de validité sont-elles réunies ? Quel est le régime juridique
applicable à la rupture du contrat de travail ? Les règles de rupture applicables
sont-elles respectées ?

Parallèlement, M. KLEIN a été embauché le 24 février 2011 en qualité de


commercial. Comme M. KLEIN est indisponible jusqu’au 15 juin 2011, M. KRAUT
embauche, pour cette période, en contrat à durée déterminée M. GROSS. Malgré
l’article 8 de son contrat, M. GROSS est informé de la modification de ses
horaires de travail le conduisant à travailler le samedi. Avant de refuser cette
modification, M. GROSS s’interroge sur les conséquences d’un tel refus.

Le contrat à durée déterminée de M. GROSS est-il valable ? La modification de


ses horaires constitue-t-elle une modification de son contrat ou un changement
des conditions de travail ? Quelles sont les conséquences d’un refus du salarié ?

Il convient d’analyser, dans un premier temps, la rupture du contrat de M. WURST


(I) puis, dans un second temps, les conséquences du refus par M. GROSS de la
modification de ses horaires de travail (II).

I. LA RUPTURE DU CONTRAT DE M. WURST

Avant d’étudier la régularité de la rupture du contrat (B), il convient de se


prononcer sur la validité de la période d’essai (A).

A. La validité de la période d’essai


La validité de la période d’essai implique de déterminer sa durée (1) et de
s’interroger sur les conditions de sa mise en place (2).

1. La durée de la période d’essai

L’article L.1221-19 du Code du travail prévoit la possibilité de prévoir une


période d’essai d’une durée maximale de 2 mois pour les ouvriers et employés.

L’article L.1221-22 du Code du travail précise que cette durée a un caractère


impératif à l’exception de durées plus courtes fixées par des accords collectifs
conclus après la date de publication de la loi du 25 juin 2008.

Selon la jurisprudence, la durée de la période d’essai peut être fixée, à défaut


de convention collective, par référence aux usages (Cass. soc., 24 juin 1965, note
3 sous L. 1221-19).
De même, la non-conformité du contrat aux dispositions de la convention
collective a seulement pour effet de ramener la période d’essai à la durée de
ladite convention (Cass. soc., 4 avril 1979, note 2 sous L.1221-19).

En l’espèce :
M. WURST a été engagé en qualité d’ouvrier. La durée de la période d’essai de
deux mois est conforme à la durée légale maximale.
Comme la convention collective a été conclue le 28 septembre 2009,
postérieurement à la publication de la loi du 28 septembre 2009, elle peut
prévoir une période d’essai plus courte, d’un mois en l’occurrence.
Sur ce point, l’usage ne saurait primer l’application de la convention collective et
ce d’autant plus qu’il est moins favorable que la convention collective.

Par conséquent, en application des dispositions conventionnelles, la période


d’essai de M. WURST devait prendre fin le 14 mars à minuit.

Encore faut-il que la période d’essai ait été régulièrement mise en place.

2. La mise en place de la période d’essai

Selon l’article L.1221-23 du Code du travail, la période d’essai ne se présume


pas. Elle doit être expressément stipulée dans la lettre d’engagement ou le
contrat de travail.

Selon un arrêt du 23 novembre 1999 (note 4 sous L.1221-23), une période


d’essai ne peut être instituée par un usage.

En l’espèce :
Soit la période d’essai est prévue au contrat et, dans ce cas, elle est
régulièrement mise en place et prend fin le 14 mars à minuit.
Soit le contrat de travail ne mentionne pas la période d’essai. L’usage ne permet
pas de pallier ce manque et rendrait la période d’essai inopposable au salarié dès
le début de l’exécution du contrat soit le 15 février 2011.

Dans tous les cas, la rupture du contrat étant intervenue le 31 mars 2011, celle-ci
est intervenue alors que le salarié était définitivement engagé à durée

2
indéterminée. La rupture constitue un licenciement soumis au régime
juridique de droit commun du licenciement. Plus précisément, il s’agit d’un
licenciement pour motif personnel, disciplinaire, l’employeur reprochant une
faute au salarié.

B. La régularité de la rupture du contrat

Il convient de déterminer le bien fondé du licenciement (1) pour ensuite


envisager les éventuelles indemnités auxquelles peut prétendre M. WURST (2).

1. Le bien fondé du licenciement

Selon l’article L.1232-1 du Code du travail, tout licenciement pour motif


personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse inhérente à la personne du
salarié.

La cause doit être réelle. Elle doit exister : les faits doivent être loyalement
établis. Elle doit être objective, en d’autres termes, reposer sur des faits
matériellement vérifiables imputables au salarié. Enfin, elle doit être exacte : les
faits invoqués doivent être la véritable cause du licenciement.

La cause doit être sérieuse. Elle doit être suffisamment importante pour justifier
la rupture du contrat. S’agissant d’un licenciement disciplinaire, la faute
reprochée doit être au moins sérieuse, a fortiori grave ou lourde.

Selon la jurisprudence, les griefs reprochés au salarié ne doivent pas être


minimes, non établis ou peu sérieux (Cass. soc. 23 mars 1977, note 12 sous
L.1232-1).

En l’espèce :
La réalité de la cause n’est pas contestée. Le retard de 15 minutes peut être
prouvé par l’employeur (pointeuse, relevé d’heures, témoins). Il est bien
imputable au salarié (peu importe que le salarié soit à l’origine ou non de
l’embouteillage) et semble être la cause exacte du licenciement, M. KRAUT étant
très à cheval sur la ponctualité.

En revanche, le sérieux de la cause n’est pas caractérisé. Le retard est minime


(15 minutes), inhabituel pour le salarié et sans conséquences pour l’entreprise.
L’origine du retard est indépendante de la volonté de M. WURST.

[NB : le programme du galop ne portant pas sur la procédure de


licenciement, le développement qui suit était possible, admis mais pas
attendu]

Ajoutons encore que le licenciement disciplinaire implique le respect d’une


procédure de licenciement qui s’articule avec la procédure disciplinaire.
L’employeur doit non seulement convoquer le salarié à un entretien préalable
(art. L.1232-2) au cours duquel le salarié peut se faire assister (L.1232-4) mais
encore il doit notifier et motiver par écrit le licenciement (L.1232-6).

Selon la jurisprudence, « même si les faits reprochés au salarié sont graves, le


licenciement prononcé verbalement est sans cause réelle et sérieuse » (Cass.

3
soc. 23 juin 1998, note 4 sous L.1232-6). « Le licenciement verbal, même motivé,
ne satisfait pas à l’exigence légale de motivation » (Cass. soc. 9 février 1999,
note 4 sous L.1232-6).

Par conséquent, le licenciement de M. WURST est dépourvu de cause réelle et


sérieuse.

2. Les conséquences indemnitaires

a) Les indemnités de rupture

L’indemnité de licenciement :
Selon l’article L.1234-9 du Code du travail, le salarié en CDI qui a au moins un
an d’ancienneté dans l’entreprise, a droit à une indemnité de licenciement, sauf
faute grave du salarié.

En l’espèce, M. WURST n’a pas l’ancienneté requise et ne peut donc pas


prétendre à cette indemnité.

L’indemnité compensatrice de préavis :


Selon l’article L.1234-5, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit
sauf faute grave à une indemnité compensatrice. En vertu de l’article L.1234-1
du Code du travail, sauf disposition contractuelle ou conventionnelle plus
favorable, l’indemnité de préavis est d’un mois si le salarié a entre 6 mois et
moins de 2 ans d’ancienneté et de deux mois au-delà.

En l’espèce, M. WURST n’a pas l’ancienneté suffisante pour avoir droit à cette
indemnité.

L’indemnité compensatrice de congés payés :


L’article L.3141-26 du Code du travail prévoit l’allocation d’une indemnité
compensatrice de congés payés au salarié qui n’a pas pu bénéficier de la totalité
de ses congés avant la rupture de son contrat. Cette indemnité est due sauf
faute lourde du salarié.

En l’espèce, M. WURST a droit à cette indemnité si l’employeur ne lui a pas


encore versé.

b) La sanction de l’absence de cause réelle et sérieuse

L’application de l’article L.1235-5 du Code du travail :


La SA CHOUC’ALSACE emploie au moins 11 salariés (125 pour être exact) et M.
WURST a moins de deux ans d’ancienneté. Par conséquent, ce sont les
dispositions de l’article L.1235-5 du Code du travail qui s’appliquent.

En cas d’absence de cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à des dommages


et intérêts appréciés en fonction du préjudice subi.

L’article L.1235-5 du Code du travail précise expressément que les dispositions


relatives aux irrégularités de procédure de l’article L.1235-2 du Code du travail,

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à l’absence de cause réelle et sérieuse de l’article L.1235-3 (proposition de
réintégration ou indemnité d’au moins 6 mois de salaire) ainsi que le
remboursement des indemnités de chômage de l’article L.1235-4 ne
s’appliquent pas lorsque le salarié a moins de deux ans d’ancienneté et/ou que
l’entreprise a moins de 11 salariés.

NB : Le salarié pourrait également prétendre à des dommages intérêts pour


irrégularité de procédure qui se cumulent avec l’indemnité pour absence de
cause réelle et sérieuse lorsque (et seulement dans ce cas) l’article L.1235-5
s’applique.

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LES CONSEQUENCES DU REFUS PAR M. GROSS DE LA
MODIFICATION DE SES HORAIRES

Avant de qualifier juridiquement la modification des horaires de M. GROSS (B) et


d’envisager les conséquences de son éventuel refus (C), il convient au préalable
de s’assurer de la validité du contrat à durée déterminée (CDD) conclu (A).

La validité du contrat à durée déterminée de M. GROSS

Cette première étape est importante car elle permet de déterminer le régime
juridique applicable aux conséquences d’un refus du salarié.

S’agissant d’un CDD, il convient d’envisager la régularité du cas de recours (1),


de la durée et du terme du CDD (2) et enfin du respect des conditions de forme
(3).

1. Le cas de recours du CDD

Selon l’article L.1242-1 du Code du travail, quel que soit son motif, le CDD « ne
peut ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité
normale et permanente de l’entreprise ».

L’article L.1242-2 fixe limitativement les cas de recours au CDD et prévoit


notamment le remplacement d’un salarié en cas « d’attente de l’entrée en
service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée ».

Le CDD de remplacement nécessite le remplacement d’un salarié déterminé


(Cass. soc., 24 févr. 1998, note 7 bis sous L.1242-2).

Selon un arrêt du 9 mars 2005 (note 12 sous L.1242-2), ce cas de recours


suppose que le salarié indisponible et à remplacer soit déjà recruté en CDI au
moment de la conclusion du CDD.

En l’espèce, le cas de recours au CDD de M. GROSS est régulier. Il s’agit d’un


CDD de remplacement et le salarié remplacé, M. KLEIN, est bien identifié et a
déjà été engagé la veille en CDI.

2. La durée et le terme du CDD

La durée du CDD
Selon l’article L.1242-8, al.2 du Code du travail, la durée totale du CDD « est
réduite à neuf mois lorsque le contrat est conclu dans l’attente de l’entrée en
service effective d’un salarié recruté par contrat à durée indéterminée ».

En l’espèce, le CDD de M. GROSS a été conclu le 25 février 2011 et prend fin en


principe le 15 juin 2011, date de l’entrée en fonction effective de M. KLEIN. La
durée maximale du CDD est donc respectée.

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Le terme du CDD
En principe, le CDD comporte un terme précis, de date à date, sauf lorsqu’il est
conclu dans l’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par
contrat à durée déterminée (art. L.1247, 3° du Code du travail).

Dans l’hypothèse d’un terme imprécis, le CDD « est alors conclu pour une durée
minimale. Il a pour terme la fin de l’absence de la personne remplacée ou la
réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu ».

En l’espèce, le CDD de M. GROSS peut être conclu pour un terme imprécis. Le


terme imprécis est régulier puisque son contrat prévoit une durée minimale d’un
mois et prendra fin à l’arrivée de M. KLEIN.

3. Les conditions de forme

Selon l’article L.1242-12 du Code du travail, le CDD doit être écrit, comporter la
définition précise de son motif, et en cas de terme imprécis, la durée minimale
pour laquelle il a été conclu. En cas de CDD de remplacement, le contrat doit
indiquer le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée.

Selon l’article L.1242-13 du Code du travail, le contrat doit être transmis au


salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche.

Si ces conditions ne sont pas respectées, le CDD peut être requalifié en CDI (art.
L.1245-1).

En l’espèce, le CDD de M. GROSS est bien écrit (l’article 8 du contrat). On


suppose que le nom et la qualification de M. KLEIN sont bien indiqués dans le
contrat et qu’il en est de même pour la durée minimale et le motif du recours.

Par conséquent, le CDD de M. GROSS est valable.

La qualification juridique de la modification des horaires de M. GROSS

La jurisprudence distingue la modification du contrat de travail du changement


des conditions de travail. Cette distinction est importante car elle conditionne
l’application d’un régime juridique différent.

En cas de modification d’un élément essentiel du contrat, l’employeur doit


recueillir l’accord exprès et non équivoque du salarié sur le fondement de l’article
1134 du Code civil. Il ne peut imposer une modification unilatérale au salarié. Le
refus du salarié n’est jamais fautif.

Le changement des conditions de travail relève au contraire du pouvoir de


direction de l’employeur. Celui-ci peut donc imposer de manière unilatérale la
modification qui s’impose au salarié. Le refus du salarié constitue un acte de
subordination considéré comme fautif, justifiant le licenciement du salarié pour
faute. Cette faute n’est pas nécessairement grave.

Selon la jurisprudence, le changement d’horaires qui n’entraîne pas de


modification de la durée et de la rémunération, constitue en principe un simple
changement des conditions de travail (Cass. soc. 22 févr. 2000, note 213 sous

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L.1221-1), sauf s’il entraîne un bouleversement de l’économie générale du
contrat (exemple du passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit – Cass.
soc. 31 oct. 2000, note 213 sous L.1221-1).

Les parties peuvent toutefois décidé de contractualiser un élément qui est à leurs
yeux essentiels dans la relation de travail. Lorsque les horaires sont
expressément précisés dans le contrat de travail et, à la demande du salarié,
acceptés par l’employeur, ils présentent un caractère contractuel (Cass. soc. 11
juill. 2001, note 213 sous L.1221-1).

Ainsi, selon un arrêt du 27 juin 2001 (note 213 sous L.1221-1), l’employeur
qui demande au salarié de travailler le samedi, jour ouvrable, fait, à défaut de
clause expresse dans le contrat de travail l’excluant, usage de son pouvoir de
direction.

En l’espèce :
L’article 8 du contrat de M. GROSS exclut expressément le travail le samedi. Cet
élément a été contractualisé. Par conséquent, la modification des horaires
obligeant M. GROSS à travailler le samedi constitue une modification de son
contrat de travail.

Par conséquent, M. GROSS est en droit de refuser cette modification (Cass. soc. 7
juill. 1998, note 231 sous L.1221-1).

Les conséquences du refus de la modification du contrat de travail

Lorsque le salarié refuse une modification de son contrat de travail, il incombe à


l’employeur, soit de maintenir les conditions contractuelles convenues, soit de
tirer les conséquences du refus opposé par l’intéressé (Cass. soc. 4 févr. 1988,
note 235 sous L.1221-1).

Le seul refus par le salarié d’une modification du contrat de travail ne justifie pas
en soi la rupture du contrat (cf. à propos d’un licenciement – Cass. soc. 25 janvier
2005, note 237 sous L.1221-1). En revanche, il peut être tenu compte du motif à
l’origine de la proposition de modification du contrat. « Il appartient aux juges du
fond de rechercher si la nécessité pour l’employeur de procéder à la modification
du contrat de travail était justifiée » (Même jurisprudence).

Les cas de rupture anticipée d’un CDD sont strictement encadrés par la loi.
Selon l’article L.1243-1 du Code du travail, « sauf accord des parties, le
contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du
terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure ».

En l’espèce, le refus de M. GROSS ne constitue pas une faute et a fortiori une


faute grave. La proposition de modification du contrat n’entre dans aucun des
cas limitativement prévus par la loi.

M. KRAUT ne peut qu’abandonner son projet de modification des horaires de


travail. S’il venait à rompre le CDD de manière anticipée, cette rupture serait
nécessairement abusive.

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Le salarié aurait alors droit, sur le fondement de l’article L.1243-4 du Code du
travail, à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux
rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.

Cette indemnité est perçue sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat


prévue à l’article L.1243-8.

Enfin, M. GROSS a également droit à l’indemnité compensatrice de congés payés


(art. L.1242-16).

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