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Le contrôle juridictionnel
de l´administration
Ce contrôle n´est qu´une forme de contrôle parmi d´autres (contrôles internes par les corps
d´inspection par ex., contrôle du médiateur, contrôle parlementaire). Mais il est bien sûr
l´élément fondamental de ce contrôle. Il est une pièce essentielle du droit administratif dans
la mesure où il est le contrôle exclusivement juridique de l´administration et que donnant lieu
à des décisions revêtues de l´autorité de chose jugée, il est la forme de contrôle dont les
effets juridiques sont les plus puissants. La jurisprudence des juridictions administratives et,
plus précisément du Conseil d´Etat forme un ensemble de principes directeurs de l´action
administrative dont les services administratifs doivent tenir le plus grand compte.
On rappelle la caractéristique du droit français : l´activité administrative des collectivités
publiques et, dans une certaine mesure, des personnes privées participant à l´exécution de
missions de SP est soumise à un ordre spécialisé de juridictions qui appliquent un droit
spécifique, exorbitant du droit commun, l´ordre des juridictions administratives. On
examinera d´abord cet ordre de juridictions, dans sa structure et son fonctionnement
(chapitre 1).
Le second chapitre sera consacré à l´institution clé du droit administratif, le Recours pour
excès de pouvoir (REP). Celui-ci est l´instrument même à travers lequel le « principe de
légalité » trouve sa garantie fondamentale : Le REP, affirme le CE, a pour effet « d´assurer,
conformément aux PGD, le respect de la légalité » (CE 17 fév. 1950, Dame Lamotte, GAJA).
Chapitre 1
La juridiction administrative.
Institué par la Constitution de l´An VIII, art. 52 : « Sous la direction des consuls, un CE est
chargé de rédiger les projets de lois et les règlements d´administration publique, et de
résoudre les difficultés qui s´élèvent en matière administrative. »
S´il est juste de dire que la juridiction suprême de l´ordre administratif est le CE, il est faux de
dire que le CE est la juridiction suprême de l´ordre administratif si l´ion entend par là que
cette qualité le définirait entièrement : à côté de sa mission juridictionnelle, aujourd´hui
encore, il exerce une mission consultative qui n´est (certainement !) pas moins importante.
Principe de la dualité fonctionnelle du CE.
A. L´organisation du CE
La présidence est assurée par le vice-pdt (art. L 121-1 CJA) (=VP). La présidence
protocolaire est assurée par le chef du gouvernement qui, toutefois, et pour des motifs
évidents de séparation des fonctions juridictionnelles et gouvernementales, ne saurait
participer aux formations de jugement du CE, seulement à ses formations administratives
(voir : CE 13 janv. 1997, Seidel, D.1997.IR.109).
Le CE est désormais divisé en 7 « sections ». 5 Sections administratives, participant
exclusivement à l´exercice de la fonction consultative (Finances, Travaux publics, Intérieur,
Section sociale, Section de l’administration créée par le décret du 6 mars 2008), auxquelles
s´ajoutent la Section du rapport et des études ainsi que la « Section du contentieux ». La
délibération des affaires administratives, consultatives se fait normalement en section mais
peut être portée devant l´Assemblée générale du CE, soit en formation plénière (tous les
conseillers d´État participent) soit en formation « ordinaire » (28 membres). L´AG est
toujours saisie s´agissant de l´examen des projets de lois ; elle est saisie pour les autres
affaires sur renvoi de la question par la Section à raison de sa difficulté et de son
importance. Une commission permanente de l´AG, composée de 15 membres rend le cas
échéant les avis en urgence.
La section du contentieux se compose d´un président et de trois pdts adjoints, de 12
conseillers d´Etat y siégeant à titre exclusif, 18 conseillers partageant leur activité avec une
scetion administratives ainsi que de tous les maîtres des requêtes et auditeurs qui sont
également rattachés à une section administrative.
La section du contentieux est divisée en 10 sous-sections qui forment les cellules de base du
travail juridictionnel. Elles instruisent les affaires et les jugent lorsqu´elles ne présentent pas
de difficultés sérieuses. Le plus souvent, toutefois, l´affaire instruite par une sous-section est
renvoyée pour jugement aux sous-sections réunies (deux ou trois). En cas de difficulté
particulière l´affaire peut être portée devant la formation solennelle de jugement appelée
« section » qui ne se confond toutefois pas avec la section du contentieux elle-même. Il
s´agit alors d´une formation composée de 17 membres : le Président de la Section du
Contentieux, ses trois présidents adjoints, les 10 présidents des sous-sections, 2
représentants des sections administratives et un rapporteur de la sous-section d´instruction.
Lorsque le problème est particulièrement important l´Assemblée du contentieux est saisie et
là aussi elle ne se confond pas avec l´AG du CE : il s´agit d´une formation de jugement que
le décret du 6 mars 2008 a porté de 12 à 17 membres, composée du VP du CE, des 7 pdts
de section, des trois pdts adjoints de la Section du contentieux, du pdt de la sous-section
d´instruction et du rapporteur issu de la ss-section d´instruction et 4 autres présidents de
sous-section (voix départitrice du VP si partage).
B. Les attributions contentieuses du CE
Juge de cassation
CE / fév. 1947, D´Aillières : le recours en cassation est un recours de droit commun ouvert
même sans texte. La cassation n´est pas un troisième ressort : le juge n´est pas ressaisi du
procès, mais saisi seulement du jugement dont il contrôle la régularité (mais voir infra section
3).
Le CE est le juge de cassation de toute décision rendue en dernier ressort (par une
juridiction d´appel) ou en premier et dernier ressort (lorsque l´appel n´est pas possible, par
ex : les arrêts de la Cour de discipline budgétaire et financière, les arrêts en premier et
dernier ressort de la Cour des comptes, les ordonnances de TA rendues en premier et
dernier ressort, sans appel possible, dans certaines procédures d´urgence). Il n´y a pas
d´autre juridiction de cassation dans l´ordre administratif.
Juge d´appel
Cette compétence apparaît résiduelle depuis la loi du 31 déc. 1987 qui a créé les CAA. Elle
était auparavant beaucoup plus importante que la compétence du CE comme juge de
cassation.
Le CE reste cependant juge d´appel (statue donc en dernier ressort) s´agissant du
contentieux des élections municipales et cantonales, des jugements en interprétation ou en
appréciation de légalité rendus par les TA sur renvoi préjudiciel des juridictions judiciaires
(voir infra) et dans certaines procédures d´urgence.
Il faut toutefois indiquer ici que, saisi par un pourvoi en cassation le CE se transforme en
juge d´appel s´il estime l´affaire « en état » : la décision de la juridiction inférieure étant
cassée, si l´affaire ne nécessite pas de nouvelles mesures d´instruction, elle est en état
d´être jugée au fond par le CE, le renvoi à une CAA apparaissant, « dans l´intérêt d´une
bonne administration de la justice » inopportun.
Introduits par la loi du 31 déc. 1987, ils sont désormais codifiés à l´art. L 113-1 CJA.
Lorsqu´un TA ou une CAA se trouve saisi d´une question de droit nouvelle, qui présente une
difficulté sérieuse et qui est susceptible de se poser dans de nombreux litiges, cette
juridiction peut saisir le CE d´une demande d´avis relativement à cette question. Il s´agit d´un
avis simple qui ne lie pas la juridiction qui a renvoyé la question ni d´ailleurs aucune autre
juridiction. Il s´agit de donner aux juridictions inférieures, dès qu´elles sont saisies d´un
contentieux compliqué et nombreux une orientation générale permettant de liquider plus
rapidement et facilement ce contentieux, de donner très vite la ligne directrice que devrait
suivre la jurisprudence et d´éviter ainsi un contentieux ultérieur inutile (les requérants
potentiels évalueront aussi vite que possible leurs chances de succès et l´administration
peut, le cas échéant corriger une pratique dont elle voit à travers l´avis rendu rapidement
qu´elle risque de déboucher sur de multiples procédures qu´elle va perdre). La jurisprudence
peut ainsi être uniformisée a priori. Mais on peut aussi faire valoir que cette pratique est un
moyen pour les juridictions inférieures d´éviter de prendre pleinement leurs responsabilités et
pour le CE de mettre au pas préventivement les juridictions inférieures. Cette procédure a
cependant été plus tard introduite dans l´ordre des juridictions judiciaires (avis contentieux
rendus par le Cour de cassation).
Créées par la loi du 31 déc. 1987, elles sont aujourd´hui au nombre de 8 (Bordeaux, Douai,
Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris et Versailles). Elles sont les juridictions d´appel de la
plupart des jugements rendus par les TA (dans quelques matières, l´appel est formé par
exception devant le CE directement, voir supra) ainsi que de ceux qui sont rendus par
certaines juridictions spécialisées (lorsqu´il n´existe pas de juridictions d´appel spécialisées).
Elles n´exercent que des compétences d´appel (ne jugent jamais en premier ressort et ne
peuvent être jamais saisies par un pourvoi en cassation). Elles exercent également des
compétences consultatives auprès du préfet de région qui peut les consulter sur toute
question juridique de sa compétence.
On signalera que la règle du double degré de juridiction n´est pas un principe général du
droit et que, en conséquence, le CE a jugé qu´un simple décret pouvait l´écarter dans
certains types de contentieux. CE 17 déc. 2003, Meyet : demande rejetée d´annulation pour
incompétence du décret du 24 juin 2003 relatif aux CAA et modifiant la partie réglementaire
du CJA qui supprimait entre autres la voie de l´appel pour certains types de contentieux.
Les TA ont été créés par le décret du 31 sept. 1953, entré en vigueur au 1er janvier 1954.
Les TA ont ainsi remplacé les anciens Conseils de préfecture qui remontaient à la loi du 28
pluviôse an VIII. Il en existe aujourd´hui 39 dont ceux de Mamoudzou et de Mata-Utu
(l´étudiant curieux d´approfondir sa culture générale recherchera la localisation
géographique de ces deux TA, utilisant même, si nécessaire, les ressources de l´effroyable
machine Google…). Le décret du 21 août 2008 a créé le 39ème TA, celui de Toulon.
Les TA ont, en premier ressort, pour les affaires mettant en cause l’exercice des fonctions
administratives (voir supra) une compétence de droit commun (c’est ce qui les distingue
essentiellement des anciens Conseils de préfecture qui n’avaient qu’une compétence
d’attribution). Ils sont donc compétents en premier ressort pour toute affaire relevant de la
juridiction administrative, sauf si un texte donne compétence spéciale soit au CE, soit à une
juridiction spécialisée.
Les TA exercent leurs attributions dans un cadre territorial déterminé, un « ressort ». Il faut
donc examiner les règles de leur compétence territoriale. Le principe est le suivant : est
compétent territorialement le TA dans le ressort duquel siège l’autorité qui a pris l’acte. Il
existe toutefois, à ce principe, de nombreuses exceptions. Peuvent jouer : le lieu de
résidence du requérant (ex. : mesures individuelles de police) ; le lieu de situation d’un bien
lorsque le litige porte sur un immeuble ; le lieu d’affectation de l’agent pour les litiges relatifs
aux mesures individuelles touchant les agents publics ; pour le contentieux contractuel, en
principe le lieu d’exécution du contrat ou, si ce lieu dépasse le ressort d’un TA, le lieu où
siège l’autorité signataire, etc.
Les TA exercent eux aussi une fonction consultative, auprès des préfets des départements
situés dans leurs ressorts respectifs.
A. Présentation générale
Elles sont nombreuses et très diversifiées quant à leurs domaines de compétence. Elles se
rattachent aux juridictions ordinaires soit par la voie de l’appel, soit par la voie du pourvoi en
cassation. Le premier cas est rare. On peut citer la Commission du contentieux de
l’indemnisation des rapatriés, dont les décisions sont susceptibles d’appel devant la CAA ; le
Conseil des prises (maritimes – à la suite de faits de guerre - et non électriques…) dont les
décisions sont portées en appel directement devant le CE (mais son activité est pour le
moins réduite…). Le cas général est donc le rattachement par le pourvoi. Il y a deux cas :
Soit il existe un double niveau de juridictions spécialisées et les décisions de la juridiction
spécialisée d’appel sont portées devant le CE par un pourvoi (ex. : les décisions du Cons.
nat. Ordre médecins rendues en appel des décisions du Cons. régional ; décisions de la
Cour des comptes, lorsque celle-ci statue en appel des décisions rendues par les Chambres
régionales des comptes)
Soit une juridiction spécialisée unique statue en premier et dernier ressort, le pourvoi étant
porté devant le CE. Ex. : la Cour des comptes lorsqu’elle statue en premier et dernier
ressort ; la Cour de discipline budgétaire et financière, la Commission des recours des
réfugiés.
Quoi qu’il en soit de leurs structures, les juridictions spécialisées sont nombreuses et
interviennent dans les domaines les plus divers.
Juridictions financières : Cour des comptes juge les comptes des comptables publics,
déclare et apure la gestion de fait et juge en appel les décisions rendues par les Chambres
régionales des comptes ; Cour de discipline budgétaire et financière juridiction
disciplinaire qui sanctionne les fautes de gestion des fonctionnaires commises au détriment
de l’État, des personnes publiques ou de personnes privées bénéficiant de concours publics.
Juridictions ordinales : sections disciplinaires des ordres professionnels. Remarque : vu
leurs fonctions particulières, le contentieux disciplinaire des avocats relève des cours d’appel
de l’ordre judiciaire.
Commission des recours des réfugiés statuant en premier et dernier ressort sur le
contentieux des décisions rendues par l’Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA),
autorité administrative.
Nombreuses juridictions disciplinaires : Conseil supérieur de la magistrature (dont les
décisions, bien que touchant à la discipline des magistrats de l’ordre judiciaire relève, par la
voie de la cassation, du CE : CE ass., 12 juillet 1969, L’Étang, Rec. 388) ; Sections
disciplinaires des Universités (pour la discipline des étudiants et des professeurs…).
La liste est loin d’être close.
Il s’agit ici de présenter la répartition matérielle des compétences entre les juridictions de
l’ordre administratif et celles de l’ordre judiciaire. Le juge administratif, comme on l’a vu, en
première approximation, est le juge des « opérations administratives » (supra intro générale).
Cette juridiction générale il l’exerce de multiple manière. Il est ainsi le juge de la validité des
actes administratifs des autorités françaises et de leur exécution ; le juge des responsabilités
administratives susceptibles d’être engagées à l’occasion des opérations administratives et,
notamment, dans l’exécution des contrats administratifs ; il est aussi un juge disciplinaire et,
pour une part limitée, un juge répressif (contraventions de grande voierie) ; il est aussi un
juge électoral et généralement le juge du contrat administratif.
La loi des 16/24 août 1790 comme celle du 16 fructidor an III, n’on pas par elle-même valeur
constitutionnelle. Mais il existe un PFRLR qui contient une certaine « conception française
de la séparation des pouvoirs » et de ce point de vue une certaine constitutionnalisation de
la séparation des autorités administratives et judiciaires. Mais cette séparation même n’a de
sens que si l’on peut définir un domaine garanti où les juridictions administratives disposent
d’une compétence exclusive de celle des juridictions judiciaires. C’est à une telle définition
que se livre le CC. Cette réserve constitutionnellement garantie est ainsi définie :
« l’annulation et la réformation des décisions prises dans l’exercice de prérogatives de
puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les
collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité
ou leur contrôle. »
Interprétation :
C’est un principe qui fixe une réserve de compétence : la compétence des juridictions
administratives n’est pas ainsi constitutionnellement limitée à ce domaine ; celui-ci est en
revanche le domaine dans lequel le législateur ne peut pas en principe donner compétence à
l’autorité judiciaire. La loi peut donner compétence à la juridiction administrative au-delà de
ce domaine, dans la limite des compétences éventuellement réservées par la Constitution à
l’autorité judiciaire.
Ce domaine réservé concerne, d’abord, l’annulation et la réformation des décisions
administratives unilatérales. C’est-à-dire qu’il s’agit du contentieux dans lequel un juge peut
modifier le contenu de la volonté unilatérale de la puissance publique en annulant un acte (le
contenu de cette volonté est modifié en tant qu’il disparaît) ou en en changeant le contenu.
C’est le contentieux qui touche directement et affecte immédiatement l’exercice de la
puissance publique dans sa plus pure expression (la volonté unilatérale). Le Tribunal des
conflits, se fondant sur la même idée directrice, a d’ailleurs étendu cette réserve de
compétence à toute procédure dans laquelle le juge peut être à même de prononcer à
l’encontre de l’administration une injonction ou prononcer la suspension des effets d’un acte
unilatéral : TC 12 mai 1997, Préfet de police de Paris c. Ben Salem et Taznaret, Rec. 528.
Le point commun, dans tous ces cas : la volonté du juge est susceptible d’arrêter, détruire,
modifier ou diriger la volonté unilatérale de l’administration.
Le principe vise exclusivement le contentieux de l’annulation et de la réformation des AAU.
Cela veut dire que ne font partie de la réserve constitutionnelle, notamment et
principalement, ni le contentieux de contrats, ni le contentieux de la responsabilité. Ces
contentieux n’échappent pas à la compétence du juge administratif mais ils sont à la
disposition du simple législateur : celui-ci pourrait, sans heurter la Constitution, transférer ces
contentieux à la compétence de l’autorité judiciaire.
Enfin, le principe vise le contentieux des AAU pris par les personnes publiques : une fois
encore cela signifie non pas que le contentieux des AAU des personnes privées (voir supra)
échappe au juge administratif, mais que le législateur pourrait le confier au juge judiciaire.
B. Limites et assouplissements
La limite constitutionnelle à la compétence du juge administratif est celle des domaines dont
la compétence revient « par nature » à la juridiction judiciaire : il faut comprendre ici la
sauvegarde de la liberté individuelle (art. 66 C), l’état des personnes, le fonctionnement des
services judiciaires, la gestion du domaine privé. Dans ces domaines, le JJ doit être à même
d’exercer pleinement sa fonction et être en mesure, le cas échéant, de procéder à
l’annulation et à la réformation d’AAU.
L’assouplissement est ainsi formulé par le CC : « Dans la mise en œuvre de ce principe ;
lorsque l’application d’une législation ou d’une réglementation spécifique pourrait engendrer
des contestations contentieuses diverses qui se repartiraient, selon les règles habituelles de
compétence, entre la juridiction jud. et la juridiction adm., il est loisible au législateur, dans
l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’unifier les règles de compétence
juridictionnelle au sein de l’ordre de juridictions principalement intéressé. » Il doit s’agir d’un
aménagement de ce ces règles « précis » et limité ». Le but est d’éviter qu’un partage des
contentieux n’aboutisse à des conflits ou divergences de jurisprudence dans l’application
d’une même réglementation. C’était le cas dans l’affaire jugée par le CC en 1987 : le Conseil
de la concurrence est une AAI, organe de l’État, qui prend des décisions dans l’exercice de
prérogative de puissance publique (police économique) et rentreraient donc normalement
dans la compétence de la juridiction administrative ; mais la loi confiait ce contentieux des
AAU du Conseil de la concurrence à la Cour d’appel de Paris, JJ ; or, principalement,
l’application de la législation sur la concurrence est une affaire des juridictions judiciaires, au
pénal (répression des pratiques anticoncurrentielles) comme au civil (actions en
responsabilité à raison de pratiques anticoncurrentielles, ou en nullité des actes – contrats –
portant atteinte aux règles de la concurrence) ; conférer de surcroît la connaissance des
actes administratifs de l’autorité de régulation de la concurrence au juge jud. par dérogation
au principe constitutionnel de réserve de la compétence administrative c’est introduire un
aménagement précis et limité des règles de répartition de la compétence dans l’intérêt d’une
bonne administration de la justice.
Remarques préalables :
La question de savoir devant quel ordre de juridictions doit être porté un litige fait partie des
« garanties accordées aux citoyens pour l’exercice de leurs libertés publiques » au sens de
l’art. 34. Dès lors la fixation par un texte de l’ordre de juridictions compétent pour connaître
de certaines catégories de litiges relève de la compétence du législateur (dans les limites
constitutionnelles déjà étudiées). Voir : CE ass. 30 mai 1962, Ass. Nat. de la Meunerie à
seigle, Rec. 233. On doit donc considérer que les règles jurisprudentielles déterminant la
répartition des compétences juridictionnelles ont valeur de PGD (seule une loi peut y
déroger).
Si un juge, adm. ou jud., saisi d’un litige pour lequel il est normalement compétent se trouve
confronté à une question dont la solution est nécessaire à la résolution du litige mais qui
relève de la compétence de l’autre ordre de juridiction (ex. : devant le JA, déterminer la
capacité d’une personne, vérifier l’existence d’un titre de propriété privée, établir une
filiation ; devant certaines juridictions judiciaires, apprécier la légalité d’un acte administratif),
cette question doit être renvoyée à titre préjudicielle à une juridiction de l’autre ordre de
juridictions compétente à l’intérieur de cet ordre de juridictions.
On a vu déjà le principe constitutionnel qui réserve, sauf aménagement lilimité dans les
conditions examinées. Dès qu’un acte unilat. est qualifié « administratif », le contentieux de
son annulation ou de sa réformation, sauf exception due à un tel aménagement, ressortit à la
compétence du JA. Il faut donc se reporter à la partie du cours consacrée à l’AAU. Not.
quant aux actes adm. unilat. des personnes privées (JP Monpeurt, Bouguen, Narcy, Capus
etc.). Parmi les exceptions législatives à la compétence administrative : actes de certaines
aut. adm. indépendantes à caractère éco., autorités de « régulation » (Conseil concurrence,
Commission de régulation de l’électricité, Autorité de régulation des télécommunications),
dont le contentieux des actes est confié à la juridiction jud. Autre exception traditionnelle : le
JJ est compétent en matière de contributions indirectes et donc aussi pour l’annulation de
décisions administratives prises dans ce domaine.
Mais si le JJ est en principe incompétent pour prononcer l’annulation ou la réformation d’un
AAU, d’autres questions se posent quant à sa compétence relativement aux AAU. Saisi d’un
litige relevant de sa compétence, le JJ peut être confronté à des questions concernant un
AAU dont la solution détermine l’affaire : un AAU est-il légale (question de l’appréciation de
légalité) ? Comment un AAU doit-il être interprété ? (question d’interprétation d’un AAU). Le
JJ. est-il compétent pour répondre à ces questions. Il faut distinguer selon qu’elles se posent
au juge pénal ou au juge civil.
Le juge pénal dispose d’une plénitude de juridiction. Elle est consacrée à l’art. 111-5 du Code
pénal : « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs,
réglementaires ou individuels, et pour en apprécier la légalité lorsque de cet examen dépend la
solution du procès qui leur est soumis. » Pas de question préjudicielle au juge administratif.
Le juge civil en revanche ne peut exercer qu’une compétence limitée à l’égard des AAU. Les
principes sont fixés par la déc. TC 16 juin 1923, Septfonds, GAJA : le juge civil est tenu d’appliquer
les actes administratifs ; sinon il violerait le privilège de juridiction de l’administration ? Il
s’immiscerait dans l’adm. active.
Donc, il n’est, en principe jamais compétent pour apprécier la légalité d’un AAU quel qu’il soit et en
écarter l’application. Evidemment il faut réserver le cas spécial de l’acte inexistant. De plus s’est
posé le problème suivant : le JJ est compétent pour écarter l’application d’une loi contraire à une
convention internationale ou au droit communautaire ; qui peut le plus peut le moins. Pourquoi ne
pourrait-il pas, de la même manière écarter l’application d’un règlement contraire aux mêmes
normes. La Cour cass. a affirmé cette compétence en écartant l’application d’un règlement
contraire au droit communautaire : Cass. com. 6 mai 1996, France Télécom c. Communication
Média Services, RFDA 1996, p. 1161, note Seiller. Cette doctrine semble avoir été cependant
condamnée par le TC : TC 19 janv. 1998, Union française « L’express », Rec. 534. Mais on se
gardera de toute certitude sur ce point. On retiendra que, en principe et sous réserve de ce cas
douteux, la question de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif applicable à un litige civil
(au sens large : aussi travail, commercial etc.) doit être renvoyée au JA à titre préjudiciel.
Le juge civil est en revanche compétent pour interpréter tout acte réglementaire. En effet il
appartient à la mission de tout juge d’interpréter le droit objectif applicable aux litiges qui lui sont
soumis (voyez la réaction de la Cour eur. droits ho. à la doctrine de l’arrêt Rekhou, aujourd’hui
abandonnée par le CE et relative à l’interprétation des traités). Un règlement « participe du
caractère de l’acte législatif » à raison de la nature générale et abstraite des normes qu’il contient. Il
fixe du droit objectif qui doit pouvoir être, comme la loi, interprété par tout juge. Donc : Pas de
renvoi préjudiciel en interprétation d’un acte réglementaire. En revanche, le juge civil n’est
jamais compétent pour interpréter un acte adm. non réglementaire. Il y a lieu, dans ce cas, à
renvoi préjudiciel devant le JA.
Par application de certaines théories ou notions fondamentales sont fixés certains blocs de
compétences judiciaires ou administratives. A la marge de ces blocs, toutefois, on trouve
souvent des solutions dérogatoires.
1. Le SPA
Le contentieux des SPA est en principe administratif, sauf dérogation législative spéciale. On
peut distinguer selon que le SPA est géré par une personne publique ou une personne
privée. Dans le premier cas, il y a un bloc de compétences assez homogène au profit du JA :
contentieux des AAU et contrats, contentieux des agents statutaires ou contractuels
(simplifié depuis l’arrêt précit. Berkani), contentieux à l’égard des usagers, contentieux de la
responsabilité à l’égard des tiers, tous ces contentieux relèvent sauf application d’un régime
législatif dérogatoire et spéciale de la juridiction administrative. Il faut réserver le cas
particulier du SPA de la justice judiciaire : on a vu que ce qui relève du fonctionnement du
SP judiciaire relève le la compétence exclusive de la juridiction judiciaire, parce que cela
touche à l’exercice même des fonctions judiciaires et que celles-ci sont séparées des
fonctions administratives (cf. supra). Si en revanche le SPA est géré par une personne
privée, une large partie de ce contentieux passe alors dans la main du juge judiciaire : si
pour l’exercice de leurs fonctions de SPA ces personnes prennent des actes unilatéraux
administratifs (voir supra), leurs contrats sont (sauf exception rare) toujours privés, leur
personnel est privé ; leur responsabilité extracontractuelle peut être engagée devant la
juridiction administrative si et seulement si le dommage est causé à l’occasion de l’exercice
même de la mission de SPA et dans la mise en œuvre de prérogatives de puissance
publique : CE 23 mars 1983, Sté Bureau Véritas, Rec. 134.
2. Le SPIC
C’est un bloc de compétence du JJ. Mais attention : l’organisation du SPIC fait l’objet d’actes
nécessairement qualifiés réglementaires et qui sont donc unilatéraux (même s’ils sont
contenus dans une convention, par ex. de délégation de SP) et aussi administratifs, leur
régime contentieux suit donc celui des actes administratifs unilatéraux et réglementaires
(comp. JA). Le personnel des SPIC est un personnel privé (comp. JJ) sauf le directeur du
service et le comptable s’il a la qualité de comptable public (voir obs. GAJA sous CE 26 janv.
1923, De Robert Lafrégeyre). Les relations avec les usagers sont toujours de droit privé
(supra : aff. Dame Bertrand), quelles que soient lles clauses des contrats qui les lient au
service. Sont qualifiés usagers : le candidat usager ou l’usager sans titre (ex : TC 5 déc.
1983, Niddam, Rec. 541 : la resp. à l’égard de l’usager sans titre de la SNCF est engagée
devant le JJ). Les rapports avec les tiers sont également régis, en principe, par le droit privé.
Les marchés des SPIC (si pas EPIC de l’Etat) devant être passés dans les conditions du
code des marchés, sont des marchés publics et donc des contrats adm. par application de la
Loi MURCEF (supra) : contentieux adm.
3. Les travaux publics et ouvrage public
Définition des TP donnée supra à revoir. L’ouvrage public est le résultat d’un travail public de
construction à condition que l’immeuble dont il s’agit appartienne à une collectivité publique.
On sait que les contrats portant sur des opérations de TP sont administratifs (interprétation
extensive de la loi du 28 pluviôse an VIII). Caractère attractif des TP : Tout litige portant sur
ou causé par un travail pub ou un ouvrage pub ressortit, en principe à la compétence du JA.
On a donc un bloc de compétence administrative. Cependant : il peut exister des
dérogations législatives :
Par exemple la loi du 31 déc. 1957 dispose que le JJ est exclusivement compétent pour statuer sur
les demandes de réparations formées à raison des « dommages causés par un véhicule ». Lorsque
le dommage de TP est causé par un véhicule (un engin mobile de chantier, par ex : camion,
bulldozer, mais pas la grue fixe !!!) la compétence sera donc judiciaire.
Il peut aussi avoir lieu à appliquer les théories de l’emprise ou de la voie de fait qui
prévaudront sur le critère du TP et entraîneront si elles s’appliquent et dans les limites où
elles s’appliquent la compétence du JJ.
Cas pratiques : deux exemples (Tc 17 oct. 1966 Dame Canasse, Rec. 834 ; CE 24 nov.
1967, Delle Labat, RDP 1968, p. 659, Rec. 444).
1. Monsieur Canasse se dirige vers la gare SNCF de Somains (Nord, département magnifique et
toujours ensoleillé) afin d’expédier un colis. On le trouve mort au pied du quai d’accès au bâtiment
de la gare, manifestement victime d’une chute accidentelle. La veuve Canasse saisit le TGI qui se
déclare incompétent. Elle saisit le TA qui saisit le TC. Réponse du TC : compétence JJ.
2. Madame Labat assiste dans la gare de Vic-en-Bigorre aux cérémonies gigantesques célébrant le
centenaire de la ligne sncf Morceux-Tarbes. Des spectateurs nombreux sont grimpés sur la
Marquise de la Gare (la Marquise de la Gare n’est pas, ici, une dame de la haute dont les yeux
seraient susceptibles de faire mourir d’amour M. Jourdain, mais un auvent au-dessus de l’entrée et
destiné à protéger, un peu, de la pluie). La marquise s’effondre alors que la Delle Labat se trouve
en-dessous. La compétence est adm.
Dans ces deux affaires un ouvrage public est en cause, à savoir une partie des bâtiments formant
la gare. Pourquoi la solution est-elle différente ? Parce que M. Canasse est un candidat usager et
est donc traité comme un usager. Le lien de droit privé SPIC (SNCF) / Usager prévaut sur
l’imputation de la cause du dommage à l’ouvrage public. Melle Labat, elle est tiers par rapport au
SPIC, pas un usager. L’implication de l’ouvrage public dans le dommage emporte donc la
compétence administrative.
§ 1. Le recours
Un contentieux administratif n’est lié càd apte à être jugé que s’il existe dans l’affaire une
décision de l’administration, préalable donc à l’introduction de l’instance, cette exigence
s’effaçant dans la matière particulière des travaux publics. Il faut donc que l’administration ait
manifesté sa volonté nettement. On n’attaque pas l’administration tant qu’elle n’a pas décidé.
C’est aussi une certaine manifestation du « privilège du préalable ».
S’agissant du contentieux de l’annulation, cette règle ne pose ordinairement pas de
problème : ‘est une décision qu’on attaque et donc celle-ci existe. Il faut seulement vérifier
que l’acte attaqué a bien le caractère d’une décision et est constitutif d’un AAU. La règle de
la décision préalable impose donc une exigence spéciale en matière de responsabilité. Il
faut, sauf en matière de travaux publics, avant toute action en responsabilité dirigée contre
l’administration devant la juridiction administrative, obtenir une décision préalable de
l’administration sur la demande de réparation : c’est le refus de réparer ou l’insuffisance de la
réparation proposée qui lie le contentieux.
Les recours adm contentieux sont enfermés dans des délais souvent brefs. Le délai
applicable en principe, à défaut de texte spécial, est de deux mois à partir de la notification
ou de la publication de la décision (sauf en mat. de travaux publics). Le délai est toujours
franc : commence à courir le lendemain du jour de la notification ou de la publication et
s’achève y compris le dernier jour. Le recours administratif, gracieux ou hiérarchique,
interrompt (et non pas suspend) le délai : le délai de deux mois recommence à courir
intégralement à partir de l’autorité saisie. Il existe de nombreux délais spéciaux,
généralement plus courts. Ex. : Contentieux électoral (5 ou 10 jours, selon les cas, à compter
de la proclamation des résultats) ; le contentieux de la reconduite à la frontière des étrangers
en situation irrégulière (48 h). Ill faut ensuite mentionner que s’agissant des décisions
individuelles, le délai ne commence à courir que si les voies de recours et les délais ont été
expressément indiqués dans la notification de la décision. S’agissant des décisions
implicites, les voies de recours et délais doivent être précisées dans l’accusé de réception de
la demande de l’intéressé. L’expiration du délai entraîne la forclusion de l’intéressé. Il ne
pourra pas faire courir un nouveau délai en demandant la confirmation d’une décision
ancienne (cf. supra, la décision confirmative n’a pas le caractère d’un AAU et n’est donc pas
attaquable par la voie du REP).
1. La capacité à agir.
Cette capacité dépend des règles générales du droit civil qui détermine la capacité des
personnes physiques et morales. Les incapables doivent agir par représentation.
2. La qualité à agir
Lorsque la personne physique agit en son nom propre, il n’y a guère de difficulté. La capacité
détermine la qualité. Le représentant légal de l’incapable doit démontrer sa qualité de
représentant. Les personnes morales agissent par l’intermédiaire d’un organe : peut agir au
nom de la personne morale l’organe qui a statutairement (conformément aux statuts de la
personne) le pouvoir d’agir en son nom (pour un cas de difficulté : CE 3 avr. 1998,
Fédération de la plasturgie, Rec. 412.) Une personne physique ou morale peut agir par
l’intermédiaire d’un mandataire, not. par l’intermédiaire d’un avocat. Celui-ci doit démontrer
l’existence et la validité de son mandat. Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire (mais
possible) pour l’introduction d’un recours pour excès de pouvoir.
3. L’intérêt à agir
C’est la question la plus importante : le requérant, quel que soit le type de recours introduit,
doit démontrer l’existence d’un intérêt qui conditionne son droit à agir, l’exercice de son droit
au recours. L’action devant la juridiction administrative, même en excès de pouvoir n’est pas
ouverte à tous : pas d’action populaire. L’intérêt doit présenter certaines qualités qu’on
énonce de suite pour les détailler plus bas : il doit être personnel, légitime, direct et
certain. Dans certains types de contentieux le cercle des requérants potentiels est fixé
d’avance par la loi (ex. les électeurs et candidats pour le contentieux électoral). Dans ce cas
l’intérêt à agir peut être dit faire l’objet d’une présomption légale irréfragable.
La question de la reconnaissance de l’intérêt Ne se pose guère dans les contentieux
subjectifs (responsabilité, contentieux contractuel) : la personne dont les droits (à
réparation, droits contractuels) sont en cause est facilement identifiable (victime du
dommage, cocontractant). La question devient parfois délicate s’agissant de l’identification
d’un intérêt à agir en excès de pouvoir. Sans doute l’identification de l’intérêt n’est-elle pas
difficile lorsque le destinataire d’une décision individuelle défavorable attaque cette décision :
les caractères précédemment énumérés sont faciles à établir. Le problème est plus délicat
lorsque le destinataire attaque une décision qui semble lui être favorable (son intérêt est-il
« certain » ?), lorsqu’une personne attaque un règlement et n’est donc pas le destinataire
identifiable de l’acte (son intérêt est-il « personnel » ?) ou lorsqu’un tiers à l’acte attaque la
décision individuelle qui ne lui est pas destinée (son intérêt est-il « direct » et
« personnel » ?). Dans ce dernier cas se pose spécialement la question des recours formé
par des groupements et associations qu’on distinguera donc du recours formé par le
requérant individuel.
a. Le requérant individuel
L’intérêt doit être personnel.
Il ne suffit pas d’invoquer une qualité vague celle de citoyen par ex., ou de contribuable de l’État ou
de consommateur, pour être admis à attaquer tout règlement ou tout acte. Il faut invoquer une
qualité qui démontre un rapport un lien avec l’objet de l’acte attaqué. Il faut démontrer que par
son objet l’acte attaqué entre bien dans une sphère d’intérêts particuliers et propres à la personne
du demandeur. L’appréciation se fait nécessairement in concreto.
Ex. : Prenons le cas d’un permis de construire. Quels sont les tiers recevables à demander
l’annulation d’un tel PC ? Invoquer sa qualité d’habitant de la commune sera en principe insuffisant.
Il faut démontrer un lien de voisinage qui s’apprécie concrètement en fonction de la distance
d’avec la construction projetée et de l’importance de cette construction. Plus la construction est
importante, plus les troubles de voisinage sont susceptibles de s’étendre sur une aire géographique
importante. Ce n’est pas la même chose la construction d’un centre commercial et la construction
d’un garage individuel. Il faut toujours bien analyser l’objet de l’acte. Par ex. le schéma directeur
d’aménagement de l’île de Corse s’applique à l’ensemble de ce merveilleux territoire insulaire. La
qualité d’habitant de la Corse (domicile) suffit alors à donner un intérêt personnel à agir (CE 14
janv. 1994, Coll. territ. de Corse, Rec. 16. Mais la qualité d’élu régional ne donne aucun intérêt
personnel à agir contre un décret réglementant la procédure civile (CE 5 juil. 2000, Tête, Rec. 302),
quand le député national se voit reconnaître un intérêt à ce que la législation à l’adoption de
laquelle il a participé soit correctement exécutée et se trouve donc recevable à agir contre une
mesure d’exécution de la loi (CE Ass. 24 nov. 1978, Schwartz, Rec. 467).
Il appartient au requérant d’invoquer la qualité adéquate. Prenons deux actes touchant à une
même opération d’ensemble : autorisation d’ouverture d’un magasin de grande surface et le permis
de construire ce magasin. Imaginons le commerçant voisin. S’il attaque l’autorisation d’ouverture,
l’intérêt personnel qui peut être touché c’est son intérêt commercial à raison de la concurrence de
la grande surface et il lui faut invoquer sa qualité de « commerçant ». S’il attaque le permis de
construire, la construction peut entraîner des troubles de voisinage, mais n’a pas pour objet précis
de permettre l’implantation d’un commerce, c’est donc la qualité de « voisin » qu’il faut invoquer.
Il faut aussi que le caractère strictement personnel de l’intérêt soit démontré, un simple intérêt
moral général et abstrait n’étant pas suffisant : l’intérêt est personnel lorsqu’il est concrètement
susceptible d’être atteint par la mesure. Ex. : s’agissant d’un visa d’exploitation d’un film
l’interdisant aux seuls mineurs de mois de 16 ans, la qualité de parent d’enfant mineur donne
intérêt à agir car même s’ils n’ont pas encore 16 ans, ils ont une vocation raisonnable d’atteindre
cet âge et de pouvoir être ainsi confronté à la projection du film « Baise moi » (CE 30 juin 2000,
Ass. promouvoir, Rec. 265). La décision d’autoriser la délivrance de la pilule contraceptive dans
des établissements scolaires de ll’enseignement public ne peut être attaquée par une association
de parents d’élèves de l’enseignement privé (CE 30 juin 2000, Ass. choisir la vie, Rec. 248).
L’intérêt doit être direct, c’est-à-dire directement lésé par l’acte attaqué.
Cette condition fait ordinairement l’objet d’une appréciation libérale de la part du juge. L’arrêt le plus
célèbre en la matière qui pousse le libéralisme au plus loi est CE 28 mai 1971, Damasio, Rec. 391.
Un hôtelier est recevable à attaquer l’arrêté du ministre de l’éducation nationale fixant la date des
vacances scolaires. Son activité professionnelle spécifique n’est pas trop indirectement concernée
par la fixation de ces dates. On peut ajouter : CE 4 oct. 1974, Mme David, Rec. 464 : une
journaliste, chroniqueuse judiciaire est recevable à attaquer le décret &élargissant les conditions
dans lesquelles un tribunal peut prononcer le huis clos. Cette décision touche directement l’activité
journalistique de la demanderesse.
§ 2. L’instance
Instance = processus (se déroule dans le temps) qui conduit de la demande introductive
d’instance à l’acte qui la clôture et qui peut être soit le jugement, soit une décision de non-
lieu à statuer, soit l’acte du requérant qui éteint l’instance (le désistement). Elle est rythmée
par des actes de procédure. Elle est aussi un lien juridique, source de droits et obligations
pour ceux qui y prennent part.
A. La formation de l’instance
1. La demande : Elle est le contenu du recours et est portée par la requête. Elle est
formulée par le demandeur. La demande initiale, qui saisit le juge est introductive
d’instance. Elle constitue le terme a quo de l’instance. Elle détermine le cadre et l’objet du
procès : Elle doit préciser l’objet de la demande, ce qui est demandé au juge (conclusions)
et les arguments qui justifient la demande (moyens).
Principe de l’immutabilité de l’instance. La requête initiale fixe (relativement) les éléments
constitutifs de l’instance. Càd :
* désigne le ou les demandeur(s) et le ou les défendeur(s)
* Fixe l’objet de la demande exprimé par les conclusions de la requête
* Fixe les termes du débat, càd les moyens du recours.
B. L’instruction.
C’est la phase du procès qui, entre la requête introductive d’instance et le jugement permet
la « mise en état » de l’affaire : échange des arguments, récolte des preuves des faits
allégués.
Devant la juridiction administrative, l’instruction est écrite : les parties ne déposent leurs
conclusions, moyens et observations que sous la forme écrite. Elle est inquisitoire. C’est le
juge qui mène l’instruction de l’affaire et prononce toute mesure d’instruction ; les parties ne
sont pas entièrement passives, mais elles se bornent à demander au juge le prononcé de
certaines mesures d’instruction : audition de témoins, communication de pièces, visite sur
place, etc. L’instruction se fait sous la responsabilité du juge rapporteur. Elle est secrète : les
tiers ne sauraient avoir accès au dossier d’instruction. L’instruction est évidemment aussi
contradictoire : le principe du contradictoire est un principe à valeur constitutionnelle qui
constitue une garantie essentielle offerte au justiciable. Il tend à assurer l’égalité des parties
devant le juge (CE 29 juil. 1998, Mme Esclatine, Rec. 320, concl. Chauvaux). Chaque partie
doit avoir communication des mémoires et observations de l’autre partie et il doit lui être
donné un délai raisonnable pour y répondre.
L’instruction permet au juge rapporteur d’établir son rapport, nécessairement écrit. Ce
rapport (sauf exception en matière disciplinaire) n’est pas communiqué aux parties et ne fait
pas l’objet d’une discussion contradictoire. Le rapport n’est pas en effet un élément de
l’instruction, mais un élément du délibéré : il sert de base à la discussion de la formation de
jugement et le délibéré, lui, est couvert par le secret, non par la publicité ni, donc, par la
contradiction. Il est soumis à un réviseur, dont le projet, s’il diffère de celui du rapport servira
également de base au délibéré.
C. L’audience.
Le procès administratif passe normalement par la phase orale et publique de l’audience. Tel
est en tout cas la forme devant les juridictions administratives de droit commun. Après avoir
entendu les « visas » du rapport (càd la mention des textes, mais aussi l’analyse concise des
moyens et conclusions des parties) mais non le projet de décision préparé par le rapporteur.
Des observations orales brèves peuvent être faites par les avocats des parties ou des
parties elles-mêmes (mais ce n’est pas l’usage devant le CE) et en tout état de cause elles
ne peuvent ajouter aux éléments de l’instruction.
Les conclusions du Commissaire du gouvernement sont alors entendues.
Dans l’arrêt Gervaise (CE 10 juil.1957, Rec. 467) le CE a défini comme suit le rôle du CdG
(formulation reproduite dans l’arêt CE 29 juil. 1998, Mme Esclatine, précit) :
« Le commissaire du gouvernement (…) a pour mission d'exposer les questions que présente à
juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses
conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et
les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa
conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient. »
Par ailleurs, il faut ajouter que le CdG se retire avec la formation de jugement et prend part
au délibéré. Ces pratique et la fonction donc du CdG telle qu’elle est exercée en France se
heurtait de plus en plus à la JP de la Cour EDH. Dans une série de décisions qui ont suivi et
approfondi une doctrine ébauchée dans un arrêt Borgers c. Belgique de 1991, la Cour EDH
préfigura progressivement la position qu’elle allait prendre à l’égard du rôle du CdG français.
L’occasion lui fut donée avec l’arrêt Kress c. France du 7 juin 2001, GAJA :
La requérante se plaint, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, de ne pas avoir bénéficié
d’un procès équitable devant les juridictions administratives. Ce grief se subdivise en deux
branches : la requérante ou son avocat n’a pas eu connaissance des conclusions du commissaire
du gouvernement avant l’audience et n’a pu y répondre après, car le commissaire du
Gouvernement parle en dernier ; en outre, le commissaire assiste au délibéré, même s’il ne vote
pas, ce qui aggraverait la violation du droit à un procès équitable résultant du non-respect du
principe de l’égalité des armes et du droit à une procédure contradictoire.
1. Rappel de la jurisprudence pertinente
La Cour relève que sur les points évoqués ci-dessus, la requête soulève, mutatis mutandis, des
problèmes voisins de ceux examinés par la Cour dans plusieurs affaires concernant le rôle de
l’avocat général ou du procureur général à la Cour de cassation ou à la cour suprême en Belgique,
au Portugal, aux Pays-Bas et en France (voir les arrêts Borgers c. Belgique du 30 octobre 1991,
série A n° 214-B, Vermeulen c. Belgique et Lobo Machad o c. Portugal du 20 février 1996, Recueil
1996-I, Van Orshoven c. Belgique du 25 juin 1997, Recueil 1997-III, et les deux arrêts J. J. et
K.D.B. c. Pays-Bas du 27 mars 1998, Recueil 1998-II; voir également l’arrêt Reinhardt et Slimane-
Kaïd c. France du 31 mars 1998, ibidem).
Dans toutes ces affaires, la Cour a conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention à raison
de la non-communication préalable soit des conclusions du procureur général ou de l’avocat
général, soit du rapport du conseiller rapporteur, et de l’impossibilité d’y répondre. La Cour rappelle
en outre que, dans son arrêt Borgers, qui concernait le rôle de l’avocat général devant la Cour de
cassation dans une procédure pénale, elle avait conclu au non-respect de l’article 6 § 1 de la
Convention, en se fondant surtout sur la participation de l’avocat général au délibéré de la Cour de
cassation, qui avait emporté violation du principe de l’égalité des armes (voir paragraphe 28 de
l’arrêt).
Ultérieurement, la circonstance aggravante de la participation aux délibérés du procureur ou de
l’avocat général n’a été retenue que dans les affaires Vermeulen et Lobo Machado, où elle avait
été soulevée par les requérants (arrêts précités, respectivement §§ 34 et 32) ; dans tous les autres
cas, la Cour a mis l’accent sur la nécessité de respecter le droit à une procédure contradictoire, en
relevant que celui-ci impliquait le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de
toute pièce ou observation présentée au juge, même par un magistrat indépendant, et de la
discuter.
Enfin, la Cour rappelle que les affaires Borgers c. Belgique, J.J. c. Pays-Bas et Reinhardt et
Slimane-Kaïd c. France concernaient des procédures pénales ou à connotation pénale. Les affaires
Vermeulen c. Belgique, Lobo Machado c. Portugal et K.D.B c. Pays-Bas avaient trait à des
procédures civiles ou à connotation civile tandis que l’affaire Van Orshoven c. Belgique concernait
une procédure disciplinaire contre un médecin.
2. Quant à la spécificité alléguée de la juridiction administrative
Aucune de ces affaires ne concernait un litige porté devant les juridictions administratives et la
Cour doit donc examiner si les principes dégagés dans sa jurisprudence, telle que rappelée ci-
dessus, trouvent à s’appliquer en l’espèce.
Elle observe que, depuis l’arrêt Borgers de 1991, tous les gouvernements se sont attachés à
démontrer devant la Cour que, dans leur système juridique, leurs avocats généraux ou procureurs
généraux étaient différents du procureur général belge, tant du point de vue organique que
fonctionnel. Ainsi, leur rôle serait différent selon la nature du contentieux (pénal ou civil, voire
disciplinaire), ils ne seraient pas partie à la procédure ni l’adversaire de quiconque, leur
indépendance serait garantie et leur rôle se limiterait à celui d’un amicus curiae agissant dans
l’intérêt général ou pour assurer l’unité de la jurisprudence.
Le Gouvernement français ne fait pas exception : il soutient, lui aussi, que l’institution du
commissaire du Gouvernement au sein du contentieux administratif français diffère des autres
institutions critiquées dans les arrêts précités, parce qu’il n’existe aucune distinction entre siège et
parquet au sein des juridictions administratives, que le commissaire du Gouvernement, du point de
vue statutaire, est un juge au même titre que tous les autres membres du Conseil d’Etat et que, du
point de vue fonctionnel, il est exactement dans la même situation que le juge rapporteur, sauf qu’il
s’exprime publiquement mais ne vote pas.
La Cour admet que, par rapport aux juridictions de l’ordre judiciaire, la juridiction administrative
française présente un certain nombre de spécificités, qui s’expliquent par des raisons historiques.
Certes, la création et l’existence même de la juridiction administrative peuvent être saluées comme
l’une des conquêtes les plus éminentes d’un Etat de droit, notamment parce que la compétence de
cette juridiction pour juger les actes de l’administration n’a pas été acceptée sans heurts. Encore
aujourd’hui, les modalités de recrutement du juge administratif, son statut particulier, différent de
celui de la magistrature judiciaire, tout comme les spécificités du fonctionnement de la justice
administrative (…) témoignent de la difficulté qu’éprouva le pouvoir exécutif pour accepter que ses
actes soient soumis à un contrôle juridictionnel.
Pour ce qui est du commissaire du Gouvernement, la Cour en convient également, il n’est pas
contesté que son rôle n’est nullement celui d’un ministère public ni qu’il présente un caractère sui
generis propre au système du contentieux administratif français.
Toutefois, la seule circonstance que la juridiction administrative, et le commissaire du
Gouvernement en particulier, existent depuis plus d’un siècle et fonctionnent, selon le
Gouvernement, à la satisfaction de tous, ne saurait justifier un manquement aux règles actuelles du
droit européen (voir arrêt Delcourt du 17 janvier 1970, série A n° 11, § 36). La Cour rappelle à cet
égard que la Convention est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie
actuelles et des conceptions prévalant de nos jours dans les Etats démocratiques (voir,
notamment, l’arrêt Burghartz c. Suisse du 22 février 1994, série A n° 280-B, § 28).
Nul n’a jamais mis en doute l’indépendance ni l’impartialité du commissaire du Gouvernement, et la
Cour estime qu’au regard de la Convention, son existence et son statut organique ne sont pas en
cause. Toutefois la Cour considère que l’indépendance du commissaire du Gouvernement et le fait
qu’il n’est soumis à aucune hiérarchie, ce qui n’est pas contesté, ne sont pas en soi suffisants pour
affirmer que la non-communication de ses conclusions aux parties et l’impossibilité pour celles-ci
d’y répliquer ne seraient pas susceptibles de porter atteinte aux exigences d’un procès équitable.
En effet, il convient d’attacher une grande importance au rôle réellement assumé dans la procédure
par le commissaire du Gouvernement et plus particulièrement au contenu et aux effets de ses
conclusions (voir, par analogie et parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Van Orshoven précité, § 39).
3. En ce qui concerne la non-communication préalable des conclusions du commissaire du
Gouvernement et l’impossibilité d’y répondre à l’audience
La Cour rappelle que le principe de l’égalité des armes – l’un des éléments de la notion plus large
de procès équitable – requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de
présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net
désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Nideröst-Huber c.
Suisse du 18 février 1997, Recueil 1997-I, § 23).
Or, indépendamment du fait que, dans la majorité des cas, les conclusions du commissaire du
Gouvernement ne font pas l’objet d’un document écrit, la Cour relève qu’il ressort clairement de la
description du déroulement de la procédure devant le Conseil d’Etat (paragraphes 40 à 52 ci-
dessus) que le commissaire du Gouvernement présente ses conclusions pour la première fois
oralement à l’audience publique de jugement de l’affaire et que tant les parties à l’instance que les
juges et le public en découvrent le sens et le contenu à cette occasion.
La requérante ne saurait tirer du droit à l’égalité des armes reconnu par l’article 6 § 1 de la
Convention le droit de se voir communiquer, préalablement à l’audience, des conclusions qui ne
l’ont pas été à l’autre partie à l’instance, ni au rapporteur, ni aux juges de la formation de jugement
(voir l’arrêt Nideröst-Huber précité, § 23). Aucun manquement à l’égalité des armes ne se trouve
donc établi.
Toutefois, la notion de procès équitable implique aussi en principe le droit pour les parties à un
procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation soumise au juge, fût-ce par un
magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision, et de la discuter (voir les arrêts précités
Vermeulen c. Belgique, § 33, Lobo Machado c. Portugal, § 31, Van Orshoven c. Belgique, § 41,
K.D.B. c. Pays-Bas, § 44 et Nideröst-Huber c. Suisse, § 24).
Pour ce qui est de l’impossibilité pour les parties de répondre aux conclusions du commissaire du
Gouvernement à l’issue de l’audience de jugement, la Cour se réfère à l’arrêt Reinhardt et Slimane-
Kaïd du 31 mars 1998 (précité). Dans cette affaire, elle avait constaté une violation de l’article 6 § 1
du fait que le rapport du conseiller rapporteur, qui avait été communiqué à l’avocat général, ne
l’avait pas été aux parties (voir paragraphe 105 de l’arrêt). En revanche, s’agissant des conclusions
de l’avocat général, la Cour s’est exprimée comme suit au paragraphe 106 de son arrêt :
« L’absence de communication des conclusions de l’avocat général est pareillement sujette à
caution.
De nos jours, certes, l’avocat général informe avant le jour de l’audience les conseils des parties du
sens de ses propres conclusions et, lorsque, à la demande desdits conseils, l’affaire est plaidée,
ces derniers ont la possibilité de répliquer aux conclusions oralement ou par une note en délibéré
(...). Eu égard au fait que seules des questions de pur droit sont discutées devant la Cour de
cassation et que les parties y sont représentées par des avocats hautement spécialisés, une telle
pratique est de nature à offrir à celles-ci la possibilité de prendre connaissance des conclusions
litigieuses et de les commenter dans des conditions satisfaisantes. Il n’est toutefois pas avéré
qu’elle existât à l’époque des faits de la cause. »
Or, à la différence de l’affaire Reinhardt et Slimane-Kaïd, il n’est pas contesté que dans la
procédure devant le Conseil d’Etat, les avocats qui le souhaitent peuvent demander au
commissaire du Gouvernement, avant l’audience, le sens général de ses conclusions. Il n’est pas
davantage contesté que les parties peuvent répliquer, par une note en délibéré, aux conclusions du
commissaire du Gouvernement, ce qui permet, et c’est essentiel aux yeux de la Cour, de contribuer
au respect du principe du contradictoire. C’est d’ailleurs ce que fit l’avocat de la requérante en
l’espèce (paragraphe 26 ci-dessus).
Enfin, au cas où le commissaire du Gouvernement invoquerait oralement lors de l’audience un
moyen non soulevé par les parties, le président de la formation de jugement ajournerait l’affaire
pour permettre aux parties d’en débattre (paragraphe 49 ci-dessus).
Dans ces conditions, la Cour estime que la procédure suivie devant le Conseil d’Etat offre
suffisamment de garanties au justiciable et qu’aucun problème ne se pose sous l’angle du droit à
un procès équitable pour ce qui est du respect du contradictoire.
Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention à cet égard.
4. En ce qui concerne la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré du Conseil d’Etat
Sur ce point, la Cour constate que l’approche soutenue par le Gouvernement consiste à dire que,
puisque le commissaire du Gouvernement est un membre à part entière de la formation de
jugement, au sein de laquelle il officie en quelque sorte comme un deuxième rapporteur, rien ne
devrait s’opposer à ce qu’il assiste au délibéré, ni même qu’il vote.
Le fait qu’un membre de la formation de jugement ait exprimé en public son point de vue sur
l’affaire pourrait alors être considéré comme participant à la transparence du processus
décisionnel. Cette transparence est susceptible de contribuer à une meilleure acceptation de la
décision par les justiciables et le public, dans la mesure où les conclusions du commissaire du
Gouvernement, si elles sont suivies par la formation de jugement, constituent une sorte
d’explication de texte de l’arrêt. Dans le cas contraire, lorsque les conclusions du commissaire du
Gouvernement ne se reflètent pas dans la solution adoptée par l’arrêt, elles constituent une sorte
d’opinion dissidente qui nourrira la réflexion des plaideurs futurs et de la doctrine.
La présentation publique de l’opinion d’un juge ne porterait en outre pas atteinte au devoir
d’impartialité, dans la mesure où le commissaire du Gouvernement, au moment du délibéré, n’est
qu’un juge parmi d’autres et que sa voix ne saurait peser sur la décision des autres juges au sein
desquels il se trouve en minorité, quelle que soit la formation dans laquelle l’affaire est examinée
(sous-section, sous-sections réunies, Section ou Assemblée). Il est d’ailleurs à noter que, dans la
présente affaire, la requérante ne met nullement en cause l’impartialité subjective ou
l’indépendance du commissaire du Gouvernement.
Toutefois, la Cour observe que cette approche ne coïncide pas avec le fait que, si le commissaire
du Gouvernement assiste au délibéré, il n’a pas le droit de voter. La Cour estime qu’en lui
interdisant de voter, au nom de la règle du secret du délibéré, le droit interne affaiblit sensiblement
la thèse du Gouvernement, selon laquelle le commissaire du Gouvernement est un véritable juge,
car un juge ne saurait, sauf à se déporter, s’abstenir de voter. Par ailleurs, il serait difficile
d’admettre qu’une partie des juges puisse exprimer publiquement leur opinion et l’autre seulement
dans le secret du délibéré.
En outre, en examinant ci-dessus le grief de la requérante concernant la non-communication
préalable des conclusions du commissaire du Gouvernement et l’impossibilité de lui répliquer, la
Cour a accepté que le rôle joué par le commissaire pendant la procédure administrative requiert
l’application de garanties procédurales en vue d’assurer le respect du principe du contradictoire
(paragraphe 76 ci-dessus). La raison qui a amené la Cour à conclure à la non-violation de l’article
6 § 1 sur ce point n’était pas la neutralité du commissaire du Gouvernement vis-à-vis des parties
mais le fait que la requérante jouissait de garanties procédurales suffisantes pour contrebalancer
son pouvoir. La Cour estime que ce constat entre également en ligne de compte pour ce qui est du
grief concernant la participation du commissaire du Gouvernement au délibéré.
Enfin, la théorie des apparences doit aussi entrer en jeu : en s’exprimant publiquement sur le rejet
ou l’acceptation des moyens présentés par l’une des parties, le commissaire du Gouvernement
pourrait être légitimement considéré par les parties comme prenant fait et cause pour l’une d’entre
elles.
Pour la Cour, un justiciable non rompu aux arcanes de la justice administrative peut assez
naturellement avoir tendance à considérer comme un adversaire un commissaire du
Gouvernement qui se prononce pour le rejet de son pourvoi. A l’inverse, il est vrai, un justiciable qui
verrait sa thèse appuyée par le commissaire le percevrait comme son allié.
La Cour conçoit en outre qu’un plaideur puisse éprouver un sentiment d’inégalité si, après avoir
entendu les conclusions du commissaire dans un sens défavorable à sa thèse à l’issue de
l’audience publique, il le voit se retirer avec les juges de la formation de jugement afin d’assister au
délibéré dans le secret de la chambre du conseil (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Delcourt c. Belgique
du 17 janvier 1970, série A n° 11, p. 17, § 30).
Depuis l’arrêt Delcourt, la Cour a relevé à de nombreuses reprises que, si l’indépendance et
l’impartialité de l’avocat général ou du procureur général auprès de certaines cours suprêmes
n’encouraient aucune critique, la sensibilité accrue du public aux garanties d’une bonne justice
justifiait l’importance croissante attribuée aux apparences (voir l’arrêt Borgers précité, § 24).
C’est pourquoi la Cour a considéré que, indépendamment de l’objectivité reconnue de l’avocat
général ou du procureur général, celui-ci, en recommandant l’admission ou le rejet d’un pourvoi,
devenait l’allié ou l’adversaire objectif de l’une des parties et que sa présence au délibéré lui offrait,
fût-ce en apparence, une occasion supplémentaire d’appuyer ses conclusions en chambre du
conseil, à l’abri de la contradiction (voir les arrêts Borgers, Vermeulen et Lobo Machado précités,
respectivement §§ 26, 34 et 32).
La Cour ne voit aucune raison de s’écarter de la jurisprudence constante rappelée ci-dessus,
même s’agissant du commissaire du Gouvernement, dont l’opinion n’emprunte cependant pas son
autorité à celle d’un ministère public (voir, mutatis mutandis, arrêts J.J. et K.D.B. c. Pays-Bas du 27
mars 1998, Recueil 1998-II, respectivement §§ 42 et 43).
La Cour observe en outre qu’il n’a pas été soutenu, comme dans les affaires Vermeulen et Lobo
Machado, que la présence du commissaire du Gouvernement s’imposait pour contribuer à l’unité
de la jurisprudence ou pour aider à la rédaction finale de l’arrêt (voir, mutatis mutandis, arrêt
Borgers précité, § 28). Il ressort des explications du Gouvernement que la présence du
commissaire du Gouvernement se justifie par le fait qu’ayant été le dernier à avoir vu et étudié le
dossier, il serait à même pendant les délibérations de répondre à toute question qui lui serait
éventuellement posée sur l’affaire.
De l’avis de la Cour, l’avantage pour la formation de jugement de cette assistance purement
technique est à mettre en balance avec l’intérêt supérieur du justiciable, qui doit avoir la garantie
que le commissaire du Gouvernement ne puisse pas, par sa présence, exercer une certaine
influence sur l’issue du délibéré. Tel n’est pas le cas dans le système français actuel.
La Cour se trouve confortée dans cette approche par le fait qu’à la Cour de justice des
Communautés européennes, l’avocat général, dont l’institution s’est étroitement inspirée de celle
du commissaire du Gouvernement, n’assiste pas aux délibérés, en vertu de l’article 27 du
règlement de la CJCE.
En conclusion, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention, du fait de la participation du
commissaire du Gouvernement au délibéré de la formation de jugement.
A. Le délibéré
b) La formation de jugement
Le principe est que la décision émane d’une formation collégiale de jugement (voir supra les
formations de jugement du CE). Toutefois, et outre les décisions rendues dans le cadre des
procédures d’urgence (infra) qui ne donnent pas lieu à des jugements « définitifs » (sur le
fond de l’affaire), la possibilité d’un jugement au fond rendu par un juge unique a été étendue
notamment par la loi du 8 février 1995 pour les TA. À titre indicatif, sur la base des décrets
d’application de la loi de 1995, en l’état actuel :
Code de justice administrative Article R222-13
Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au
moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en
audience publique et après audition du commissaire du gouvernement :
1º Sur les litiges relatifs aux déclarations de travaux exemptés de permis de construire ;
2º Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des
autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de
France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ;
3º Sur les litiges en matière de pensions, d'aide personnalisée au logement, de communication de
documents administratifs, de service national ;
4º Sur les litiges relatifs à la redevance audiovisuelle ;
5º Sur les recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe
professionnelle ;
6º Sur la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat pour refus opposé à une demande de
concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ;
7º Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au
montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ;
8º Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise
gracieuse ;
9º Sur les litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine ; 10º Sur les litiges relatifs au permis de
conduire.
Dans ce cas, le juge saisi peut cependant saisir une formation collégiale si l’affaire présente
une difficulté particulière.
Le juge administratif doit statuer : il a l’obligation de juger (sinon il y a déni de justice) même
si ce jugement peut être d’incompétence ou d’irrecevabilité (càd ne pas toucher le fond de
l’affaire). Cette obligation de juger peut tomber si le requérant se désiste : il est simplement
donné acte du désistement et il n’y a pas, dans ce cas, déni de justice. Cette obligation de
juger signifie que le juge doit vider le litige porté devant lui. Il doit statuer sur les conclusions,
c’est-à-dire sur les demandes qui lui sont faites : conclusions principales ou, à défaut de
donner satisfaction sur celles-ci, conclusions subsidiaires, conclusions reconventionnelles
(lorsqu’elles sont recevables). Il doit statuer sur toutes les conclusions (il ne peut statuer infra
petita), mais rien que sur les conclusions (il ne peut statuer ultra petita). Il se peut cependant
qu’au cours du procès se produise une cause de non-lieu à statuer. C’est le cas, notamment,
lorsque le recours n’a plus d’objet : par ex. dans un recours en indemnisation, le défendeur
acquiesce à la demande de dommages et intérêts présentée par le demandeur lui versant
une somme acceptée par le demandeur. Ou bien, dans le cas d’un REP, l’autorité
administrative retire l’acte contesté et donne satisfaction à la demande. Le juge rendra un
jugement prononçant alors le non-lieu à statuer sans répondre aux conclusions de la
requête.
Le juge doit répondre à l’ensemble des moyens formulés par la requête. En tout état de
cause, cette obligation s’impose-t-elle à lui lorsqu’il rend un jugement de rejet. Il doit alors
faire apparaître, dans la motivation de la décision, le mal-fondé de l’intégralité des moyens
invoqués par le demandeur. En revanche, s’il fait droit à la demande, il lui suffit de démontrer
le bien-fondé d’un et d’un seul des moyens de la requête. La partie décisive de la motivation
commencera alors par cette formule habituelle : « Sans qu’il soit besoin d’examiner les
autres moyens de la requête. » Si plusieurs moyens lui semblent susceptibles de donner
satisfaction à la demande, il lui appartient de choisir, discrétionnairement, celui qui lui semble
le plus satisfaisant.
Depuis la loi du 8 février 1995, le juge administratif (les juridictions de droit commun, à
l’exclusion des juridictions spéciales) peut assortir son jugement du prononcé d’injonctions à
l’endroit de l’administration, c’est-à-dire du commandement de faire ou de ne pas faire
quelque chose et assortir, le cas échéant, cette injonction d’une astreinte. Il faut qu’elles
aient été demandées par la requête. Par l’injonction, le juge commande à l’administration
d’exécuter la chose jugée.
L’autorité de chose jugée s’impose dès le prononcé du jugement. Le juge est en même
temps, à cet instant, dessaisi et la chose jugée est irrévocable. Plus exactement, elle ne peut
plus être remise en cause que par un acte pris sur la base d’une procédure spécifique,
juridictionnelle, par l’exercice de l’une des voies de recours. Lorsque les voies de recours
ordinaires (appel et cassation) sont épuisées, le dernier jugement, insusceptible de recours
(ordinaire) passe en force de chose jugée. Contre lui il ne reste plus que des voies de
recours extraordinaires, difficiles à mettre en œuvre et rarement couronnées de succès, les
voies dites de rétractation (opposition, tierce-opposition et révision) qui ne seront pas
examinées ici. Les voies de recours ordinaires sont la voie de la réformation (appel) et la
voie de la cassation.
C’est le recours formé, contre un jugement rendu en premier ressort, devant une juridiction
de rang supérieur et tendant à sa réformation. L’objet des conclusions d’appel est donc
l’annulation ou la réformation du dispositif du jugement attaqué. L’appel est formé, en règle
générale, devant une Cour administrative d’appel. Par exception, il l’est devant le CE
directement. Il faut également réservé le cas des juridictions spécialisées à deux degrés de
juridiction (cf. supra).
L’appel est formé par l’une des parties à la première instance. Il existe des exceptions
très limitées à ce principe (dans le contentieux électoral, par ex., tout intéressé, même non
partie en première instance, peut faire appel des décisions d’annulation ou de rectification
des résultats ; l’Etat peut toujours faire appel des décisions « intéressant la réglementation
nationale », même s’il n’était pas partie en premier ressort). Seule peut faire appel du
jugement, la partie qui a succombé, au moins partiellement dans ses prétentions : le
dispositif du jugement attaqué ne doit pas avoir satisfait à ses conclusions principales.
L’adversaire conclut normalement au rejet des conclusions d’appel. Toutefois, si le jugement
dont il est fait appel a donné partiellement raison à l’appelant, son adversaire peut conclure
également à la réformation du jugement en tant qu’il a partiellement donné raison à l’autre
partie car, dans ce cas, il a lui-même aussi succombé partiellement. On parle alors d’un
appel incident.
L’appel doit être formé, en principe, dans le délai de deux mois à compter de la notification
du jugement. Ce délai est parfois raccourci (notamment dans le cas des procédures
d’urgence).
Les effets de l’appel :
L’appel n’a pas d’effet suspensif en principe
L’appel a un effet dévolutif : le juge d’appel est saisi tout à la fois du litige et du jugement. Mais il
n’est saisi que de la chose jugée en première instance, il n’y a de dévolution que quant à ce que le
premier juge a jugé et le litige ne peut être étendu en appel, ni quant aux conclusions, ni quant aux
moyens, sauf ceux qui sont d’ordre public ou ceux qui mettent en cause la procédure ou la forme
du jugement de première instance (tantum devolutum quantum judicatum). Par ailleurs, il n’est
saisi que dans les limites des conclusions et des moyens formulés par l’appel principal et, le cas
échéant, par l’appel incident (tantum devolutum quantum appelatum).
B. La voie de la cassation
Toute décision d’une juridiction administrative rendue en premier ressort est susceptible d’un
pourvoi en cassation. Il est ouvert de plein droit. Cela signifie qu’il existe même sans texte et
qu’il ne peut être exclu que par une disposition législative expresse (le principe d’ouverture
de plein droit du recours en cassation a donc valeur de PGD) : CE Ass. 7 févr. 1947,
d’Aillières, Rec. 50 (le même principe vaut pour le REP, voir infra, s’agissant de l’arrêt de
1950 Dame Lamotte). La loi de 1987 (supra) étend considérablement la compétence de CE
comme juge de cassation. Dans l’ordre des juridictions administrative, le pourvoi en
cassation est toujours formé, que la décision en dernier ressort ait été rendue par une
juridiction ordinaire ou une juridiction spécialisée, devant le CE seul compétent.
Il faut un intérêt à se pourvoir en cassation et les conditions sont semblables à celle de
l’appel (avoir succombé au moins partiellement. Le délai dans lequel doit être formé le
pourvoi est également de deux mois, sauf exception (procédures d’urgence, notamment).
Le recours en cassation fait l’objet, devant le CE, d’une procédure d’admission (art. L 822-1
CJA). C’est une sous-section qui se prononce sur l’admission et cette admission peut être
refusée soit parce que le recours est irrecevable, soit parce qu’il n’articule aucun moyen
sérieux.
Les moyens du pourvoi doivent avoir été soulevés en premier ou en dernier ressort sauf s’ils
sont d’ordre public. En outre, parce que le juge de cassation est, en principe, saisi non pas
du litige, de la chose jugée (il n’y a pas d’effet dévolutif du pourvoi) mais du jugement lui-
même, qu’il est demandé au juge de cassation de contrôler la qualité juridique des décisions
rendues, sont recevables tous moyens qui contestent la qualité formelle ou procédurale de la
décision attaquée (vice de procédure – rupture de l’égalité des armes entre les paerties, par
ex. – vice de forme – insuffisance de motivation, par ex.).
Le jugement peut être irrégulier soit à raison de vices affectant sa légalité externe (la
juridiction était incompétente, la procédure n’a pas été équitable, le juge a omis de répondre
à un moyen de la requête, la motivation est insuffisante ou contradictoire) soit parce qu’il est
mal fondé en droit. C’est sous ce second point de vue que se posent les questions les plus
délicates. Le juge de cassation n’est pas saisi du litige, mais il est cependant saisi de la
manière dont le juge du fond a jugé, en droit, sur le fond, le litige qui lui a été soumis. Il en
résulte que si (sous réserve de ce qu’on dira ci-après) le juge de cassation n’est pas saisi du
litige, statuant sur la manière dont le juge du fond a tranché le litige, il est saisi de moyens en
partie identiques à ceux qui ont été formulés devant le juge du fond. Autrement dit le juge de
cassation n’est pas un juge du fond, mais il peut être saisi de moyens de fond.
Par ex. : Une CAA a jugé légale une décision administrative. Le juge de cassation n’est pas saisi
de la décision administrative mais de l’arrêt de la CAA. Le pourvoi peut se fonder sur le moyen que,
en déclarant légale la décision administrative, la CAA a elle-même violé directement une règle de
droit parce qu’elle aurait dû déclarer illégale la décision. Le moyen se confond donc avec le moyen
qui conteste la légalité de la décision administrative (violation directe de la règle de droit). Le CE,
s’il estime le moyen fondé, cassera la décision juridictionnelle mais, en principe, n’annulera pas la
décision administrative : il renvoie, sauf exception (infra) à la CAA.
Le juge de cassation peut soit rejeter le pourvoi, et la décision rendue en dernier ressort
passe en force de chose jugée. Il peut, s’il estime le pourvoi fondé, cassé le jugement
attaqué, en annuler tout à la fois le dispositif et les motifs. Les parties sont alors remises en
l’état où elles étaient avant le jugement cassé. Puisque le juge de cassation n’est pas saisi
du fond du litige, que le jugement ayant été cassé une nouvelle appréciation des faits
constitutifs du litige doit être faite qui appartient à la compétence d’un juge du fond, l’affaire
est normalement renvoyée. Elle l’est à la juridiction même qui a rendu le jugement cassé, ce
qui diffère de la pratique judiciaire. Cette juridiction est évidemment tenue de respecter le
jugement de cassation. Dans cette hypothèse, si le second jugement rendu au fond est lui-
même attaqué, il n’y aura pas de second renvoi : le CE tranchera l’affaire lui-même sur le
second pourvoi. Surtout, il faut préciser que, même sur le premier pourvoi, lorsque le CE,
ayant cassé le jugement de fond, estime que l’affaire est « en état », c’est-à-dire en état
d’être jugée, autrement dit encore que sa solution ne suppose pas qu’il soit procédé à une
nouvelle appréciation des faits de l’espèce, il peut l’évoquer, càd renoncer à la renvoyer et
trancher lui-même au fond si « l’intérêt d’une bonne administration de la justice » le justifie.
On notera que le CE fait un usage fréquent de cette possibilité, un usage beaucoup plus
fréquent que la CCass. à laquelle la même possibilité est pourtant donnée.
Les justiciables ont droit à un recours effectif contre les actes de la puissance publique les
concernant, ce qui signifie que les procédures devant la juridiction administrative doivent être
suffisamment efficaces pour garantir les droits et intérêts légitimes des administrés. Cette
efficacité suppose que la juridiction administrative puisse répondre rapidement, dans un délai
aussi bref que possible, à certaines demandes légitimes, pour constater des situations, pour
empêcher que l’action ou l’acte de l’administration ne porte une atteinte inacceptable aux
personnes, aux biens ou à des intérêts, soit pour faire cesser sans délai une telle atteinte.
Cette réponse rapide de la juridiction n’est guère possible dans le cadre des procédures
ouvertes par les recours ordinaires, ceux qui saisissent le juge d’un litige pour le trancher au
fond. C’est pourquoi, depuis longtemps, il existe des procédures dites d’urgence qui sont
organisée pour répondre à cette nécessité d’une intervention rapide de la justice mais qui se
distinguent des procédures ordinaires en ce qu’elles n’ont pas pour objet de trancher un
litige, de juger une affaire au fond.
La loi importante du 30 juin 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2001, a profondément
remanié tout le système des procédures d’urgence devant la juridiction administrative.
Celles-ci portent toutes, désormais, le nom de référé, cette unité terminologique signifiant
aussi que, même si chaque type de référé possède son régime propre, tous reposent sur un
certain nombre de principes généraux communs qui assurent une procédure contradictoire,
simple et rapide. Cette simplicité se manifeste fondamentalement en ce que la demande en
référé est tranchée par un juge unique en principe qui rend une ordonnance provisoire, sa
décision ne préjudiciant pas au principal, c’est-à-dire au fond d’un litige dont il n’est pas
saisi.
1. Le juge des référés : C’est un juge unique, en principe, qui rend non pas un jugement
mais une ordonnance. Au sein des TA et des CAA, ce juge unique est le président de la
juridiction ou les juges désignés par lui. Au sein du CE, ce juge unique est le président de la
section du contentieux ou les conseillers d’Etat désignés par lui. Exceptionnellement, en cas
de difficulté sérieuse, le juge des référés peut renvoyer la décision à une formation
collégiale. Le juge des référés n’est pas saisi au principal, au fond, mais seulement d’une
demande dont l’objet est le prononcé de certaines mesures d’urgence. Les éléments de la
décision de référé, de l’ordonnance, sont obligatoires pour les parties, mais ne sont pas
revêtus de l’autorité de chose jugée. Cela est parfaitement logique puisque n’étant pas saisi
d’un litige qu’il faudrait trancher définitivement, le juge rend une ordonnance qui ne préjudicie
pas au principal, càd qui laisse l’affaire, le litige éventuel ou actuel qui peut être porté devant
un juge du fond en l’état, ce juge du fond restant libre de sa décision sans être tenu par les
décisions du juge du référé : devant le juge des référés, aucun litige n’est tranché, aucune
« chose » n’est jugée et, en conséquence, l’autorité de chose jugée ne saurait logiquement
s’attacher à sa décision.
2. La procédure simplifiée : le principe de la décision préalable (voir supra) ne s’applique
pas à la demande en référé. Il y a une instruction rapide et contradictoire, mais elle est
simplifiée à l’extrême : la requête est immédiatement notifiée au défendeur qui peut y
répondre, mais il n’y a pas ensuite de communication des observations complémentaires. La
tenue d’une audience est laissée à l’appréciation du juge, sauf exception légalement
définies. Le CdG n’intervient pas et il n’y a donc pas de conclusions même s’il y a audience.
L’ordonnance doit être motivée, mais cette motivation peut être succincte.
3. La compétence : le juge administratif des référés est compétent lorsque le litige principal
relève ou relèverait de la juridiction administrative (nature administrative de la question) ; à
l’intérieur de la juridiction administrative, est territorialement compétent le juge des référés
rattaché à la juridiction administrative qui est ou serait compétente pour trancher le litige
principal.
4. La classification des référés : tous les référés sont qualifiés « procédures d’urgence ».
On signifie ainsi que la procédure est urgente, doit être rapide. Mais, de façon un peu
compliquée, sans doute, l’on distingue entre deux catégories de référés.
Ceux, d’abord, qui n’ont pas pour objet de faire cesser une situation ou d’en prévenir la
survenance. On les qualifie de référés « ordinaires ». Il s’agit soit de faire constater par voie
juridictionnelle une certaine situation et d’obtenir donc la désignation d’un expert qui vérifiera
l’existence de faits susceptibles de donner lieu à un litige futur (conditions d’exécution de travaux,
conditions d’hospitalisation d’un malade, etc.) : c’est le référé-constat. Il peut aussi s’agir d’obtenir
du juge, s’il y a utilité, le prononcé d’une mesure d’instruction (visite de lieux, auditions de témoins,
ect.) : c’est le référé-instruction. Il peut enfin s’agir d’obtenir du juge qu’il enjoigne à la personne
publique sur laquelle le demandeur possède une créance suffisamment certaine de verser à celui-
ci une provision, autrement dit une avance sur les sommes dues sans attendre la conclusion d’une
longue procédure au principale : par le référé-provision, le juge ne condamne pas l’administration
à régler sa dette, mais lui commande seulement de payer à titre provisoire une certaine somme
d’argent en attendant que le juge du fond se prononce sur l’existence et sur le monant définitif de la
dette.
Il y a ensuite, à côté de ces référés « ordinaires », des procédures d’urgence (rapides) dont la
recevabilité est conditionnée par l’existence d’une situation d’urgence, c’est-à-dire d’une
menace actuelle ou imminente sur les personnes, leurs biens ou leurs intérêts fondamentaux. La
procédure d’urgence est ici aussi rapide, mais elle est aussi conditionnée par la situation d’urgence,
c’est pourquoi l’on qualifie ces référés de « référés d’urgence ». Il s’agit du référé conservatoire,
du référé-suspension et du référé-liberté aussi appelé référé-sauvegarde. Ce sont ces référés
qu’on étudiera plus précisément.
On n’oubliera pas le référé précontractuel (supra).
La demande est donc dans tous les cas examinés ici soumise à une condition d’urgence,
c’est-à-dire l’existence d’une atteinte grave et actuelle à un droit ou un intérêt légitime, ou la
menace imminente d’une telle atteinte.
1. Le référé conservatoire
En cas d’urgence, je juge administratif peut ordonner toute mesure utile, prononcer toute
injonction de faire ou de ne pas faire, à l’égard de l’administration comme à l’égard d’une
personne privée, sans toutefois faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative.
Ex. : ordonner l’expulsion d’un occupant sans titre du domaine public, ordonner l’exécution
de certains travaux, ordonner à l’administration la communication d’un document ou d’un
dossier. Ce référé est un moyen pour l’administration, notamment, d’obtenir le titre juridique
nécessaire à l’exécution forcée de ses décisions.
2. Le référé-suspension.
Voir observations GAJ sous CE 5 mars 2001, Saez.
Les recours devant la juridiction administratifs n’ont pas en principe d’effet suspensif. La
décision attaquée doit donc être exécutée jusqu’à son éventuelle annulation par le juge. Il
peut se passer un certain temps pendant lequel une décision produira des effets
éventuellement très dommageables pour l’individu, des effets qui seront difficilement
réparables, même si l’administré concerné obtient une décision d’annulation de l’acte.
Le référé-suspension est la procédure qui permet d’obtenir la suspension de l’exécution
d’une décision administrative dans l’attente de la décision définitive du juge. Conformément
à son idée, le référé-suspension ne peut être introduit qu’à titre de recours accessoire à un
recours principal, c’est-à-dire à une demande d’annulation de l’acte dont la suspension est
demandée. La demande doit donc être formée au moment de l’introduction du recours
principal, ou après l’introduction d’un tel recours. Jamais avant.
Le référé-suspension, organisé par la loi du 30 juin 2000, prend la succession de l’ancien
« sursis à exécution ». Par rapport à celui-ci, il se caractérise par l’assouplissement des
conditions d’octroi de la décision de suspension. La suspension de l’exécution de l’acte sera
en effet prononcée à deux conditions cumulatives :
Il faut qu’il y ait « urgence ». C’est une condition plus souple que l’ancienne condition du sursis qui
exigeait que l’exécution de l’acte entraîne « un préjudice grave et difficilement réparable ». En
particulier, dans le cadre de l’ancien sursis, le préjudice financier n’était jamais considéré comme
« difficilement réparable ». Plaie d’argent n’est pas mortelle. La décision CE 19 janvier 2001,
Confédération nationale des radios libres, RFDA 2001, 389 précise que la condition d’urgence est
remplie lorsque « la décision administrative préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate
à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ». Sous ce point
de vue, notamment, la décision qui entraîne un préjudice financier important peut constituer une
atteinte « grave et immédiate » à la « situation du requérant » et justifier ainsi la suspension.
Il faut en outre que le requérant fasse valoir un moyen « propre à créer un doute sérieux quant à la
légalité de la décision ». Le sursis n’était prononcé que si le demandeur faisait valoir un « moyen
sérieux et de nature à justifier l’annulation de l’acte ». Ce moyen « sérieux » était pratiquement le
moyen fondé. Le demandeur devait pratiquement démontrer l’illégalité de l’acte. Il lui sufit
désormais de démontrer que la légalité est douteuse.
Si les conditions sont réunies, le juge prononce toute mesure nécessaire à la sauvegarde de
la liberté. Cette mesure peut d’ailleurs consister en la suspension de l’exécution d’une
décision administrative. Mais elle peut consister en toute injonction de faire ou de ne pas
faire susceptible de remédier à l’atteinte (ex. remettre en liberté l’étranger illégalement retenu
en zone de rétention administrative).
La décision du juge des référés de première instance (TA) n’est susceptible que d’appel,
directement devant le CE.
Chapitre 2
La différence spécifique qui caractérise le recours pour excès de pouvoir par rapport aux
autres recours relevant du contentieux de l’excès de pouvoir est la suivante : la demande
formulée par le recours pour excès de pouvoir est une demande d’annulation d’un acte (le
recours en appréciation de légalité est formé par la question préjudiciel du juge judiciaire et
n’a pas pour objet l’annulation de l’acte mais l’appréciation de sa validité : l’acte dont
l’illégalité est constatée par le JA sera écarté par le JJ dans l’affaire dont il est saisi ; le
recours en déclaration d’inexistence ne conclut pas à l’annulation de l’acte, mais au seul
constat de son inexistence, à le faire déclarer nul et non avenu).
Le juge de l’excès de pouvoir ne peut faire autre chose que de se prononcer sur une
question de légalité. Saisi d’un REP, il a le pouvoir d’annulation. Mais il n’a pas d’autres
pouvoirs, sauf, depuis la loi de 1995, le pouvoir d’injonction. En particulier, le juge de l’excès
de pouvoir ne saurait prononcer la réparation d’un dommage et mettre à la charge d’une
collectivité publique le paiement de dommages et intérêts. Une demande en réparation
relève en effet du plein contentieux : le juge de la responsabilité extracontractuelle peut non
seulement prononcer des dommages et intérêts mais il dispose aussi du pouvoir
d’annulation. Ex. : si l’administration a pris un acte illégal qui est à l’origine d’un dommage, le
recours pour excès de pouvoir formé contre l’acte illégal n’entraînera que l’annulation de
l’acte ; le recours de plein contentieux permet à la fois l’annulation de l’acte et la réparation
du préjudice dont il est la cause. Le recours de plein contentieux doit être formé par
ministère d’avocat. Pas le REP.
Formule célèbre d’Édouard Laferrière : c’est un procès fait à un acte. Ce n’est pas une
contestation sur des droits subjectifs. Il ne s’agit pas, pour le juge, de trancher entre des
prétentions appuyées sur des droits subjectifs mais de trancher une question de légalité
objective.
Toutefois, le droit français n’accepte pas que tout un chacun puisse s’instituer en toute
circonstance, à l’égard de tout acte, l’avocat de la loi. On a exclu l’action populaire. Il faut
démontrer que l’acte attaqué porte atteinte à un intérêt légitime et personnel du requérant (cf
supra). Il faut donc un certain lien entre le sujet qui fait le recours et l’objet de l’acte. Mais la
condition d’intérêt à agir est plus souple que celle qu’impose, par exemple, le droit allemand pour
admettre le recours en annulation des actes administratifs (Anfechtungsklage) : le requérant doit
démontrer que l’acte attaqué ne porte pas seulement atteinte à un intérêt, mais à un droit subjectif.
Le REP est un procès fait à un acte administratif unilatéral. Le recours est donc
irrecevable s’il est formé contre un contrat administratif. Il n’existe à cet égard que deux
exceptions :
1. Le déféré préfectoral peut être formé contre un contrat d’une collectivité territoriale, même non
soumis à l’obligation de transmission, à la condition que ce contrat soit de droit public. Le juge est
donc alors soumis du contrat lui-même et non de l’acte détachable.
2. Hypothèse CE 30 oct. 1998, Ville de Lisieux : les tiers peuvent attaquer directement le contrat de
recrutement d’un agent public. Cette décision ne vise que ce type de contrat.
On lira les observations des GAJA sous CE 4 août 1905, Martin, mais l’on peut n’être pas
d’accord avec la manière de présenter l’arrêt Cayzeele (CE ass. 10 juil. 1996) comme une
« exception » au principe selon lequel le REP ne peut être formé contre un contrat. Dans
l’arrêt Cayzeele, le CE admet le REP formé contre les dispositions contenu dans une
convention de délégation de SP et relatives à l’organisation du service délégué. Même
contenu dans un instrument contractuel, ces dispositions ont un caractère réglementaire et
doivent donc être regardées comme de nature unilatérale.
Le REP est le procès fait à un AAU et fondé sur son illégalité prétendue : seuls les
moyens tirés de la légalité objective sont recevables. Le moyen tiré de la violation des
clauses d’un contrat est irrecevable (s’il ne s’agit pas de dispositions contenues dans un
instrument contractuel mais de nature unilatérale car touchant à l’organisation d’un SP : ces
dispositions sont réglementaires et sont donc des éléments de la légalité objective).
§ 3. Un recours en annulation
Les conclusions (principales et subsidiaires) d’un REP ne peuvent que viser à l’annulation
totale ou partielle d’un AAU. Le dispositif du jugement rendu sur de telles conclusions décide
soit du rejet de la requête, soit de l’annulation totale ou partielle de l’acte attaqué.
En principe, l’annulation a un effet rétroactif. Comme l’exprime l’arrêt CE 26 déc. 1925,
Rodière, GAJA : « les actes annulés pour excès de pouvoir sont réputés n’être jamais
intervenus ». L’annulation prend donc normalement effet ex tunc. Ce principe traditionnel
oblige ainsi l’administration a rétablir autant que possible la situation telle qu’elle aurait été si
l’acte n’avait jamais existé. Evidemment, cette reconstitution des situations entraîne souvent
des difficultés considérables. Voyez les obs. des GAJA sous Rodière.
Par une décision récente, le CE a, de façon purement prétorienne, tempéré ce principe
traditionnel de l’annulation rétroactive ex tunc : CE ass. 11 mai 2004, Association AC !,
GAJA. Le juge peut moduler l’effet dans le temps de son annulation et à le limiter lorsque
l’effet rétroactif est « de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en
raison tant des effets que l’acte illégal a produits et des situations qui ont pu se constituer
lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher au maintien temporaire
de ses effets ». Voyez les obs. GAJA sous l’arrêt AC !.
Définition : on désigne par « cas d’ouverture » les types de moyens susceptibles d’être
soulevés à l’appui d’un REP. Il s’agit donc d’une classification des moyens d’illégalité.
La summa divisio ne saurait étonner : il faut distinguer les moyens de légalité externe et les
moyens de légalité interne.
A. L’incompétence
(Voir supra les conditions de forme et de procédure des AAU). Le vice de forme ou de
procédure n’entraîne l’annulation de l’AAU que si la forme ou la procédure violée est
substantielle. C’est-à-dire soit que la forme ou la procédure violée constitue une garantie
accordée à l’administré (proc. contradictoire, motivation…), soit que la procédure ou la forme
est instituée pour éclairer le jugement de l’autorité décideuse et que l’on peut présumer que
si la procédure ou la forme avait été respectée, le contenu de la décision aurait pu être
différent (d’où l’annulation de l’acte, en règle générale, lorsqu’il y a violation de la procédure
de consultation). Si l’on peut démontrer que la violation d’une forme ou d’une procédure n’a
exercé aucun effet sur la décision, alors l’acte ne sera pas annulé (par exemple, une
personnalité étrangère à l’organisme consulté est présente lors de la délibération de
l’organisme mais n’a joué aucun rôle sur cette délibération.) A fortiori, l’acte ne sera pas
annulé si l’administration a pris, de toute façon, le seul acte qu’elle pouvait prendre :
compétence liée. L’acte ne sera pas non plus annulé si la formalité ou la procédure était
impossible à remplir. Ne pas oublier l’effet de l’urgence ou des circonstances exceptionnelles
qui desserrent les contraintes de forme et de procédure sur l’élaboration des actes. Le vice
de forme ou de procédure n’est jamais un moyen d’ordre public.
B. La violation de la loi
1. Violation directe de la règle de droit : le contenu de l’acte attaqué est contraire au contenu
d’une ou plusieurs règle(s) supérieure(s).
2. Illégalité quant aux motifs
Remarques générales
Motifs = éléments objectifs de droit et de fait qui sont censés justifier l’acte. (Ce ne sont pas
les mobiles subjectifs). Si les motifs manquent ou sont erronés, mal appréciés, l’acte, privé
de sa justification, est illégal.
Les actes reposent souvent sur une pluralité de motifs : plusieurs règles, plusieurs faits
justificatifs. Si l’analyse de certains de ces motifs est erronée, mais si les autres motifs
existent et sont correctement appréciés, s’ils suffisent à justifier la décision, celle-ci sera
légale, malgré les erreurs qui affectent certains motifs. Les motifs suffisant à justifier l’acte
sont dits « déterminants », les motifs erronés mais insuffisants à vicier l’acte, sont dits
« surabondants ». Ex. : La sanction est motivée par l’administration par plusieurs faits
qualifiés « fautes » ; seuls certains de ces faits sont matériellement exacts ou correctement
qualifiés, mais ils suffisent à justifier la sanction prise ; ces « fautes » réelles sont
déterminantes et l’acte est légal ; les « fautes » imaginaires sont des « motifs
surabondants ».
Si le ou les motifs invoqués par l’administration sont erronés, mais si, se fondant dur de
justes motifs, l’administration aurait dû prendre la même décision, celle-ci est légale et le
juge substituera les justes motifs aux motifs erronés (substitution de motifs). Ex. : CE 8 juin
1934, Augier, Rec. 660 (la loi dispose que les mutilés de guerre sont « promus » dans l’ordre
de la légion d’honneur ; l’administration refuse la légion d’honneur à Augier pour un motif
quelconque, erroné ; elle devait en tout état de cause lui refuser car le texte vise la
« promotion » et non la « nomination » dans l’ordre, or Augier n’avait encore jamais été
nommé, il ne pouvait donc être « promu » ; le juge procède à la substitution de motifs et
n’annule pas la décision).
2.1. Les erreurs quant aux motifs de droit
2.1.1. Le « défaut de base légale » : c’est le cas où l’administration applique une règle
inapplicable soit parce qu’elle est inexistante (application d’un PGD inexistant, par ex.), soit
parce qu’elle n’est pas en vigueur au moment où la décision est prise (pas encore entrée en
vigueur ou déjà sortie de vigueur), soit enfin parce que le cas auquel la règle est appliquée
n’entre pas dans son champ d’application (« méconnaissance du champ d’application de la
loi »). Le défaut de base légale est un moyen d’ordre public.
2.1.2. L’application d’une réglementation illégale, se distingue du « défaut de base légale »
est n’est pas un moyen d’ordre public. Ex. : Application d’une loi inconventionnelle ou d’un
règlement illégal.
2.1.3. Mauvaise interprétation de la règle de droit : cas fréquent où l’administration se trompe
sur la nature du pouvoir que lui confère la règle ; elle interprète la règle comme liant sa
compétence quant elle dispose en vérité d’un pouvoir discrétionnaire. L’acte est illégal.
2.2. L’erreur quant aux motifs de fait
2.2.1. L’inexactitude matérielle des faits ou leur inexistence : l’administration se fonde sur
des faits inexistants ou qui ne sont pas ceux qu’elle avance. CE 14 janvier 1916 Camino,
GAJA.
2.2.2. L’erreur sur l’appréciation des faits. Une erreur dans l’opération intellectuelle par
laquelle elle analyse la qualité des faits. On doit distinguer deux types distincts d’erreurs :
l’erreur dans l’analyse de la qualification juridique des faits (CE 4 avril 1914, Gomel, GAJA) ;
l’erreur dans l’analyse de la gravité des circonstances et donc dans l’adaptation de la
réponse administrative à la situation matérielle (disproportion : CE 19 mai 1933, Benjamin).
Remarque terminale : La question si importante de l’intensité du contrôle juridictionnel des
actes ne concerne que ce dernier élément, à savoir l’erreur quant à l’appréciation des faits :
l’appréciation des faits (qualification et proportion) peut faire l’objet, selon la décision
concernée, d’un contrôle d’intensité variable.
Cette question est posée depuis l’apparition, au début des années 1960, de la notion
d’ « erreur manifeste d’appréciation ». Première occurrence jurisprudentielle : CE Sect., 15
fév. 1961, Lagrange, rec. 121. Première annulation pour erreur manifeste d’appréciation
commise par l’administration : CE 9 mai 1962, Comm. de Montfermeil, rec. 304.
Le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte est susceptible d’intensité (ou de densité)
variable selon les cas, cela signifie qu’il est plus ou moins approfondi, qu’il est susceptible de
degrés. Encore faut-il préciser : plus ou moins approfondi sur quel élément de la légalité
de l’acte ?
Or, cet élément est exclusivement l’erreur (prétendue par le requérant) que peut avoir
commise l’administration quant à l’appréciation des faits. Il n’y a pas de degrés différents
dans le contrôle de la légalité externe (compétence, formes et procédures), dans le contrôle
― s’agissant de la légalité interne ― de la violation directe de la règle de droit, du défaut de
base légale et de l’erreur de droit, de l’exactitude matérielle des faits. Tous ces éléments
sont normalement, pleinement contrôlés.
Il faut être rigoureux : ce n’est pas une question d’intensité du contrôle que l’hypothèse dans
laquelle l’erreur dans la procédure ou la forme de l’acte est déclarée non substantielle et
sans incidence sur la légalité de l’acte. Ce n’est pas davantage une question d’intensité du
contrôle que l’hypothèse dans laquelle le juge substitue à un motif erroné le motif correct qui
justifie la décision. Dans tous ces cas, ces éléments de la légalité de l’acte sont pleinement
contrôlés et c’est justement le résultat du contrôle qui détermine qu’une erreur, même
commise par l’administration et relevée par le juge, est en vérité sans incidence sur la
légalité d’un acte qui aurait été nécessairement le même si cette erreur n’avait pas été
commise.
En revanche l’appréciation des faits par l’administration fait bien l’objet d’un contrôle
d’intensité variable : le contrôle peut être nul, limité ou complet. Ce sont bien là des
différences d’intensité, de degré.
Pourquoi ? Parce que cette question du contrôle de l’appréciation des faits touche
directement au pouvoir de l’administration. Les règles juridiques n’habilitent pas des
autorités incompétentes (ce serait une contradiction logique), les procédures et les formes
qu’elles instituent encadrent l’exercice du pouvoir mais ne touchent pas au contenu de ce
pouvoir, le pouvoir détourné n’est pas un pouvoir légitime donc pas un pouvoir juridiquement
institué, l’administration n’a pas le pouvoir de faire que les faits qui motivent sa décision
existent ou n’existent pas, et enfin si les règles de droit matérielles circonscrivent l’étendue
du pouvoir de l’administration, soumise à ces règles de droit, l’administration n’a pas le
pouvoir de les changer, de les interpréter contra legem : c’est pourquoi le contrôle
juridictionnel de la compétence, des formes et procédures, du détournement de pouvoir, de
l’exactitude matérielle des faits, de la violation directe de la règle de droit et de l’erreur de
droit ne sont pas stricto sensu des interventions du juge dans le pouvoir administratif.
En revanche, apprécier une situation, en faire l’analyse qualitative, poser le diagnostique et
établir le pronostic afin de déterminer la décision, c’est bien la question même du pouvoir.
Or, les règles de droit ne peuvent généralement pas déterminer par avance complètement
cette analyse et surtout elles peuvent remettre ce pouvoir d’appréciation à l’administration,
ce qui signifie que, dans ce cas, ce n’est pas juridiquement au juge d’imposer en dernier
ressort l’appréciation qu’il convient de faire d’une situation. La règle de droit habilite
l’administration pour procéder à cette analyse qualitative et lui confère à cette fin une
prérogative propre, un pouvoir d’appréciation qui n’est pas, en revanche, conféré au juge
administratif.
§ 2. Les trois cas de figure dans lesquels la question de l’intensité du
contrôle se pose.
Cette situation est clairement lisible lorsque le texte applicable, après avoir énuméré une
série de conditions, conclut que si ces conditions sont remplies, l’administration peut prendre
telle mesure.
Ex. : Texte applicable : « Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que
sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur
situation, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à
modifier … sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques, au
caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains
ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ou si ces constructions impliquent
la réalisation par la commune d’équipements nouveaux non prévus. » (Tiré de CE 29 mars
1968, Société du lotissement de la plage de Pampelonne, rec. 210.)
Lorsque la construction prévue est de nature à porter atteinte à l’un des biens protégés,
l’administration peut refuser, et donc tenir compte d’autres éléments du dossier pour se
décider. Le texte donne à l’administration un pouvoir de refuser ou d’accorder, lorsque les
conditions sont réunies. Si le juge contrôlait pleinement cette appréciation des faits et
décidait en lieu et place de l’administration qu’il faut ou non refuser, il méconnaîtrait la règle
de droit qui confie cette appréciation à l’administration. La circonstance que l’une des
conditions est remplie in concreto a donc pour effet d’autoriser l’administration à exercer un
certain pouvoir discrétionnaire. Le juge ne saurait (pleinement, complètement) substituer
sa propre appréciation à celle de l’administration sauf à supprimer ce pouvoir discrétionnaire
et donc à commettre lui-même une illégalité. Plus pragmatiquement, l’administration active
doit se voir reconnaître une certaine liberté d’action et celle-ci réside précisément dans la
possibilité que lui laisse le droit objectif d’exercer, dans certaines limites, un pouvoir de libre
appréciation.
En revanche, si aucune des conditions n’est remplie, l’administration n’a aucun pouvoir
d’appréciation, aucun pouvoir discrétionnaire : elle doit accorder le permis sollicité. L’affaire
serait toutefois trop simple.
A. Contrôle minimal
Une mesure fait l’objet d’un contrôle « minimal » dans la mesure où le juge estime que la
question tout entière de l’appréciation des faits échappe à son contrôle. Dans ce cas le juge
vérifie normalement les questions de légalité externe, contrôle le détournement de pouvoir,
la violation directe de la règle de droit, l’erreur quant aux motifs de droit, mais son contrôle
des éventuelles erreurs quant aux motifs de fait s’arrête au contrôle de leur existence
matérielle.
Ex. : les mesures dites « gracieuses » : l’administré n’a ni droit ni intérêt légitime à la
décision (ex. : nomination dans l’ordre de la légion d’honneur, grâce présidentielle) ; les
mesures de pure opportunité administrative (le choix entre divers modes de gestion d’un SP,
la nomination ou la révocation dans les emplois « à discrétion du gouvernement ») ;
certaines appréciations purement techniques : évaluation des mérites du candidat à un
concours ou à un examen.
B. Contrôle restreint
Le contrôle est restreint lorsque l’appréciation de motifs de fait se limite au contrôle des
erreurs manifestes que l’administration aurait pu commettre. C’est normalement le cas
lorsque l’administration est dotée d’une possibilité expresse d’agir (peut refuser le permis de
construire). C’est aussi un contrôle restreint de la proportionnalité qu’exerce le juge sur
l’exercice du pouvoir de sanction. C’est parfois le cas, par exception, lorsque le pouvoir de
l’administration est seulement conditionné par une notion floue, un standard.
C. Contrôle normal
Le contrôle est normal lorsque le juge peut substituer pleinement son appréciation à celle de
l’administration, sanctionnant ainsi toute erreur d’appréciation (ou du moins ce que le juge
estime erroné). Il y a en principe contrôle normal de la qualification juridique des faits,
lorsqu’un standard conditionne le pouvoir de l’administration. La notion de « perspective
monumentale » en tant qu’elle conditionne le pouvoir de refuser le permis de construire est
pleinement contrôlée par le juge administratif au motif, souligne-t-il qu’il faut concilier l’intérêt
de ces perspectives avec le droit de propriété. CE 4 avril 1914, Gomel, GAJA. En revanche
si l’administration octroie le PC, la perspective monumentale n’est pas la condition de ce
pouvoir d’octroi et la règle s’interprète comme obligeant l’administration, malgré le droit du
propriétaire d’user de sa chose, à tenir compte de l’intérêt de la sauvegarde des
perspectives monumentales : elle a un pouvoir discrétionnaire, contrôle restreint à l’erreur
manifeste d’appréciation (sol. Plage de Pampelonne).
Il y aussi contrôle plein, normal de l’adéquation (proportionnalité) de la mesure à la
gravité de la situation lorsque le juge peut substituer son appréciation de cette adéquation à
celle de l’administration. Deux hypothèses « type » :
1) Le contrôle des mesures de police générale (infra).
2) L’application de la théorie dite du « bilan coûts/avantages » aux déclarations d’utilité
publique, préalables à l’expropriation (et certaines autres décisions d’urbanisme). Une
mesure ne peut être dite d’utilité publique que si les avantages qu’elle entraîne sont
supérieurs aux coûts qu’elle induit. « Une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité
publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les
inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt
qu’elle présente. » CE, 28 mai 1971, Ville Nouvelle-Est, GAJA. (On notera simplement que
cette hypothèse, généralement présentée comme un contrôle normal de la proportionnalité,
peut être sans doute plus justement lue comme une méthode particulière de contrôle normal
de la qualification des faits : si le bilan coûts/avantages est positif, l’opération est qualifiée
d’opération d’ « utilité publique ».) Voir l’exemple récent qui suit :
CE 10 juillet 2006 Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du Lac de
Sainte Croix.
Considérant que l'arrêté attaqué, pris sur le fondement de l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 sur la
nationalisation de l'électricité et du gaz et de son décret d'application du 11 juin 1970, a pour objet,
d'une part, de déclarer d'utilité publique les travaux de construction d'une ligne électrique aérienne
à un circuit à 400 000 volts entre les postes de Boutre et de Broc-Carros, sur le territoire des
départements des Alpes de Haute Provence, des Alpes Maritimes et du Var ainsi que les travaux
connexes et, d'autre part, de mettre en compatibilité avec ce projet les plans d'occupation des sols
des communes intéressées ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes ;
Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes
à la propriété privé, le coût financier et, éventuellement les inconvénients d'ordre social et les
atteintes à d'autres intérêts publics qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt
qu'elle présente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'implantation d'une ligne électrique à
400 000 volts entre Manosque et Nice permettra de sécuriser et de renforcer le transport de
l'électricité dans la partie du réseau située en région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; que, dans cette
mesure, cette opération revêt un intérêt public ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction et notamment de la visite des lieux à laquelle il a
été procédé par la 10ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat que ce projet
de ligne électrique à très haute tension traversera à deux reprises, sur près de cinq kilomètres, le
site des gorges du Verdon classé par un décret du 26 avril 1990 sur le fondement de l'article 5 de
la loi du 2 mai 1930 relative aux sites et aux monuments naturels, en raison du caractère
exceptionnel du paysage et de l'environnement naturel ; qu'il sera, en outre, implanté pour partie
sur les abords de ce site ; que les zones traversées par cette ligne électrique dans la région des
gorges du Verdon sont régies par les dispositions du code de l'urbanisme instituant des protections
particulières en faveur des « espaces remarquables » du littoral et de la montagne ; qu'une partie
de ces zones, qui abritent également des espèces animales et végétales protégées, ont été
intégrées ou sont en voie d'intégration, en application des dispositions de l'article L. 414-1 du code
de l'environnement, dans le réseau des sites Natura 2000 et font l'objet de mesures destinées à
conserver ou à rétablir les habitats naturels et les populations des espèces ; qu'il en est ainsi
notamment du plateau de Valensole, des abords du lac de Sainte-Croix, de la zone des gorges du
Verdon et du plateau de la Palud sur Verdon ; que ce projet traverse, aussi, le parc naturel régional
du Verdon, créé par décret du 3 mars 1997, et dont la charte prévoit en son article 13
l'encouragement à « l'enfouissement des lignes électriques » ; que l'ensemble de la région affectée
par le projet, présente ainsi un intérêt exceptionnel que les différents régimes de protection locaux,
nationaux et communautaires mentionnés ci-dessus ont pour objet de préserver ; que cette région
est actuellement traversée par deux lignes électriques à haute tension, réalisées à une date à
laquelle les régimes de protection mentionnés ci-dessus n'avaient pas encore été instaurés ; que si
ces anciennes lignes doivent être déposées à la suite de la réalisation de la future ligne à 400 000
volts, la réalisation de cet équipement se traduira par des atteintes nouvelles et très significatives à
l'ensemble environnemental constitué par les gorges du Verdon, le lac de Sainte-Croix, le plateau
de Valensole et leurs abords ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les atteintes graves portées par
le projet à ces zones d'intérêt exceptionnel excèdent l'intérêt de l'opération et sont de nature
à lui retirer son caractère d'utilité publique ; que, par suite, les requérants sont fondés à
demander l'annulation de l'arrêté attaqué déclarant d'utilité publique les travaux de
construction de la ligne électrique aérienne à un circuit à 400 000 volts entre les postes de
Boutre et de Broc-Carros et mettant en compatibilité avec ce projet les plans d'occupation
des sols des communes intéressées.