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E. Naudin L’objet TD L2 S3
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TD N° 5 : L’OBJET
Énoncé :
M. Schmurtz, patron d’un petit troquet bien connu des strasbourgeois, est de mauvaise humeur. Il vient de recevoir la
facture de son fournisseur en bière, la brasserie « La Belle Mousse », facture qu’il estime excessivement élevée par
rapport aux précédentes. En effet, si le contrat qu’il a conclu avec la société détaille avec précision la qualité de la
bière et le nombre de fûts à livrer, il prévoit en revanche la fixation ultérieure par la brasserie, du prix à payer par le
débitant. Et la brasserie justifie la hausse du montant dû pour la dernière facture par l’augmentation de 30 % du prix
de l’orge.
Comme si cette mauvaise nouvelle ne suffisait pas à gâcher sa journée, sa femme lui confie la lourde tâche de trouver
un cadeau pour les 18 ans de leur fils. Accaparée par la comptabilité du débit de boisson, elle n’aura pas le temps de
s’en occuper. Qu’il se débrouille.
A court d’idée, M. Schmurtz se souvient qu’une vieille connaissance, M. Félon, gère une société de vente de matériel
informatique. Il ne l’a pas revu depuis que l’année dernière, celui-ci l’avait sorti d’une mauvaise passe financière en
lui achetant un local inutilisé dans le centre ville de Metz. Invité à visiter le local transformé en boutique de vente de
matériel informatique, M. Schmurtz n’avait pas encore trouvé le temps d’honorer l’invitation. Qui sait, peut-être y
trouvera-t-il ce maudit cadeau d’anniversaire.
Bonne pioche ! Séduit par les produits présentés par M. Félon, M. Schmurtz réalise deux achats : un ordinateur
portable pour son fils et un logiciel pour faciliter le travail de son épouse dans la gestion des stocks du débit de
boisson. Il ne peut cependant repartir qu’avec le logiciel, M. Félon étant en rupture de stock pour l’ordinateur choisi.
Mais pas de panique, il doit être approvisionné le lendemain et le cadeau arrivera à temps pour l’anniversaire.
De retour à Strasbourg, M. Schmurtz entreprend l’installation du nouveau logiciel. En vain, son ordinateur affichant à
chaque essai un message d’erreur. Contrarié, il contacte son vendeur pour l’informer du dysfonctionnement du
logiciel et de son souhait de se le faire remplacer. M. Félon lui rétorque sèchement qu’il a dû mal effectuer
l’opération et que quoiqu’il arrive, il ne remplacera pas le logiciel. Une clause figurant au contrat de vente stipule en
effet qu’« en cas de défectuosité du produit fourni, le client ne peut obtenir ni échange, ni remboursement, ni
indemnité ».
M. Schmurtz ne se laisse pas abattre et appelle à la rescousse un ami informaticien pour tenter de faire fonctionner le
logiciel. Ce dernier lui apprend que l’échec n’est pas étonnant, puisqu’il s’agit d’une copie piratée.
La déception de M. Schmurtz ne va pas s’arrêter là. Si l’ordinateur est arrivé à temps pour la soirée d’anniversaire de
son fils, il s’aperçoit avec horreur lorsque celui-ci déballe le colis, qu’il ne contient pas le modèle choisi. Certes
l’ordinateur livré semble plus performant, mais il est rose à pois jaune ! Le verdict de son fils est sans appel : il est
hors de question qu’il se rende à la fac avec un ordinateur si grotesque. Bien décidé à ne pas conserver cet achat, M.
Schmurtz entreprend la relecture du contrat conclu. Il y remarque une clause réservant au vendeur la faculté de
modifier unilatéralement les caractéristiques du produit dès lors que ces modifications sont liées à l’évolution
technique. Intrigué, il recontacte M. Félon qui, plus agressif que jamais, lui répond qu’il était parfaitement en droit de
changer le modèle, et que de toute façon il devrait s’estimer content puisqu’il lui a envoyé un ordinateur dernière
génération sans lui imposer d’augmentation du prix.
Désemparé par l’attitude de M. Félon, M. Schmurtz se confie à son épouse. Celle-ci, scandalisée, décide de lui
révéler une information qu’elle avait jusqu’à présent cachée à son mari, pour lui épargner davantage de contrariété.
Elle a appris par le cousin de sa meilleure amie, promoteur immobilier, que le local qu’il avait vendu le 15 décembre
2008 à M. Félon pour la modique somme de 45 000 € en valait au bas mot 120 000. Peut-être, lui dit-elle, est-il
possible d’obtenir de l’acquéreur une revalorisation du prix.
Enfin décidé à ne plus se laisser marcher sur les pieds, M. Schmurtz vient vous consulter. Conseillez-le utilement
quant aux quatre contrats conclus.
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Droit des obligations Séance n° 5 2009-2010
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Introduction :
I – Le contrat de bière
Art. 1129 : « Il faut que l’obligation ait pour objet une chose au
moins déterminée quant à son espèce. La quotité de la chose peut
être incertaine, pourvu qu’elle puisse être déterminée ».
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Définition : « Accord de base destiné à gouverner globalement pendant une période donnée les relations de
ceux qui les concluent en déterminant les conditions essentielles de contrats à intervenir entre eux, relativement à
un objet, de telle sorte que ceux-ci sont, dans le cadre ainsi fixé, des applications de l'accord originaire. »
Vocabulaire juridique H. Capitant
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En l’espèce, le contrat précise la qualité de la bière et le nombre de
fûts à livrer.
L’objet de l’obligation de la brasserie est donc bien déterminé.
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pratiqués, ou encore un prix permettant de retirer un profit illégitime
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.
Il faut que le prix fixé puisse être assumé par le contractant sans
mise en péril de son activité.
C’est l’abus dans la fixation du prix et non le prix excessif qui est
condamné : l’accent est mis sur le devoir de loyauté qui pèse sur
celui auquel il revient de fixer unilatéralement le prix, en raison de la
confiance que lui a faite son partenaire 3.
Ce devoir de loyauté interdit au fournisseur de pratiquer une
majoration arbitraire de son tarif, non justifiée par
l’évolution de données économiques objectives telles que prix
des matières premières, des transports, la concurrence, la fiscalité…
2
La première chambre civile de la Cour de cassation avait, dans l'arrêt Alcatel (Civ. 1ère, 29 novembre 1994 ;
rappr. 4ème arrêt A.P), caractérisé ce que pourrait être l'abus dans l'exclusivité : c'était le fait pour le contractant en
position de fixer le prix d'en tirer un profit illégitime.
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L. Aynès, note D. 1996. 20 ; Précis D. 9ème éd. n° 293.
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Le vendeur oppose à M. Schmurtz deux clauses figurant dans les
contrats litigieux :
- d’une part une clause de non – responsabilité dans le contrat
de vente du logiciel, stipulant qu’ « en cas de défectuosité du
produit fourni, le client ne peut obtenir ni échange, ni
remboursement, ni indemnité » ;
- d’autre part, dans le contrat de vente de l’ordinateur, une
clause permettant au vendeur de modifier unilatéralement les
caractéristiques du produit.
A. L’achat du logiciel
Art. 1128 : « il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui
puissent être l’objet des conventions ».
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Etait en cause, en l'espèce, la validité d'une vente conclue entre deux sociétés,
portant sur un lot de vêtements contrefaits. L’acquéreur, condamné pour
contrefaçon de modèles, a agi en nullité de la vente contre son vendeur. Mais la
CA l’avait débouté de sa demande aux motifs qu'il n'était pas établi que la
société venderesse avait commis des manœuvres dolosives pour persuader sa
cliente de lui acheter ces vêtements, ni que celle-ci avait été victime d'une erreur
sur la propriété du modèle qui aurait été déterminante de son consentement.
Pour la Cour de cassation, ces considérations étaient toutefois inopérantes car
c'est par son objet même que la vente était viciée. Les difficultés probatoires en
matière de vices du consentement sont ainsi contournées, le caractère
contrefaisant de l'objet suffisant en soi à justifier l'anéantissement du contrat).
Par là, la Cour de cassation affirme que les objets contrefaits sont
hors du commerce juridique
NB : la solution a été rendue à propos d’une contrefaçon de
dessins et modèles, mais s’étend à toutes les
contrefaçons de droits de propriété intellectuelle.
B. L’achat de l’ordinateur
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L’ordinateur livré à M. Schmurtz par M. Félon ne correspond pas au
modèle choisi. Si le modèle de remplacement semble plus
performant, le coloris rose à pois jaune n’est pas du goût de son fils.
M. S. ne souhaite par conséquent pas le conserver.
Or, une clause du contrat stipule que le vendeur se réserve la faculté
de modifier les caractéristiques du produit dès lors que ces
modifications sont liées à l’évolution de la technique.
M. Schmurtz peut-il se prévaloir de la réglementation relative aux
clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et
consommateurs ? Cette clause présente-t-elle un caractère abusif ?
Si oui, quelle est la sanction d’une telle clause ?
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Il y a donc bien un rapport direct entre le contrat de vente
et l’activité professionnelle de M. Schmurtz.
Peu importe que celui-ci ou son épouse soient néophytes
en matière d’informatique, la compétence professionnelle
de la personne en cause quant au contrat conclu n’a pas à
être prise en compte (en ce sens, à propos de matériel
informatique : Civ. 1ère 30 janvier 1996, B. n°318 ; Com.
14 mars 2000, RJDA 2000, n°608 ; Civ. 1ère, 15 mars 2005,
B. n° 135).
Il aurait donc été traité comme un professionnel et
n’aurait pu bénéficier de la protection instaurée par la
législation relative aux clauses abusives.
NB : depuis l’entrée en vigueur des dispositions de la
LME, possibilité d’engager la responsabilité civile du
contractant qui soumet son partenaire commercial à
des obligations créant un déséquilibre significatif
entre les droits et obligations des parties. ]
L’art. L.132-1 al 1er, définit les clauses abusives comme celles « qui
ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-
professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre
les droits et obligations des parties au contrat ».
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preuve du caractère abusif de la clause pèse alors sur le
consommateur.
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qu’il estime essentielles, et a fortiori, les consigner dans le
contrat.
La Cour de cassation a eu à apprécier une clause similaire à
celle opposée à M. Schmurtz, décidant que « la seule mention
du droit exceptionnel accordé au professionnel sans l’indication
de toutes les limites et conditions posées par le texte
réglementaire laissait croire au consommateur qu’il devait subir
les éventuelles incidences préjudiciables de ces modifications,
créant ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des
parties » (arrêt Peugeot, Civ. 1ère, 14 nov. 2006 ; N. Saufanor-
Brouillaud, « A défaut d’une loi, quatre arrêts de principe en matière
de clauses abusives ! », Rev. Lamy Dr. civ., 2007, n°36, p. 6).
C’était bien le cas en l’espèce, la clause ne mentionnait que la
faculté de modification du vendeur, sans reprendre les
exigences posées par l’art. R. 132-2-1.
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- Erreur (art. 1110 C.civ.) : Ni erreur sur la personne, ni erreur
– obstacle. Erreur sur la substance ? Ici, s’agit d’une erreur
directe sur la valeur, non prise en compte en tant que vice du
consentement justifiant annulation.
- Dol (1116) : nature de l’erreur indifférente, même portant sur
la valeur. Rien n’est précisé dans l’énoncé sur d’éventuelles
manœuvres du vendeur. Quoi qu’il en soit, pas de réticence
dolosive car pas d’obligation d’information de l’acquéreur
(même professionnel) quant à la valeur du bien acquis
(jurisprudence Baldus, Civ. 1ère, 3 mai 2000 + Civ. 1ère, 17
janvier 2007). Donc à écarter ici.
- Violence ? Concernant la violence économique : situation de
dépendance économique discutable ; sur l’exigence d’un abus
de cette dépendance économique, preuve de menaces
précises et déterminantes du consentement de la victime
difficile à rapporter. Chances de succès sur ce fondement quasi
inexistantes.
A) Existence de la lésion
1) Domaine de la lésion
2) Seuil de la lésion
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Le seuil de la lésion peut être mathématiquement fixé par le
législateur. Dans ce cas, le juge ne dispose d’aucun pouvoir
d’appréciation. A défaut de précisions légales, il appartiendra au
juge d’apprécier souverainement le seuil de la lésion.
Art. 1674 C.civ. : le vendeur lésé de plus de 7/12ème dans le prix d’un
immeuble peut demander la rescision de la vente.
Il n’y a donc lésion sanctionnée par le code civil que si le vendeur
reçoit moins que 5/12ème de la valeur de l’immeuble. Ici, il
n’appartient pas au juge de déterminer le seuil de la lésion, celui-ci
étant mathématiquement fixé par la loi.
B) Sanction de la lésion
1) Preuve de la lésion
- Charge de la preuve :
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NB : Le défendeur peut combattre les prétentions du demandeur en
établissant l’intention libérale de celui-ci. Si M. Félon veut
échapper à la rescision de la vente, il devra démontrer que son
partenaire a volontairement consenti au déséquilibre du
contrat, en prouvant que l’opération constitue pour partie une
libéralité indirecte ou déguisée, laquelle est en principe valable.
Improbable en l’espèce…
2) Choix de la sanction
• La rescision
• La révision
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M. S. la somme de 63 000 € en guise de supplément de prix
(120 000 – 45 000 – 12 000).
3) Régime de l’action
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