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Afin de mettre un peu de piment dans leur paisible retraite, José et Tobias décident de devenir
des gentlemen cambrioleurs. En raison de l’état de santé de José, par ailleurs rattrapé par la
justice pour d’autres faits, ils entraînent Kévin, le petit-fils de Tobias dans leur entreprise.
Les différentes infractions seront envisagées successivement.
Tobias et José décident de rendre hommage à leur héros Arsène Lupin et de s’introduire chez
Ratko, ancien employeur de Tobias et surtout grand amateur d’art. En effet, Tobias a toujours
en sa possession les clés du domicile de Ratko. En outre, il connaît tant les habitudes de son
ancien patron que la disposition des lieux. Cependant, souffrant de rhumatismes, José est
contraint de se faire remplacer par Kévin le petit-fils de Tobias, âgé de 17 ans. Kévin est
chargé de faire le guet. Le samedi 5 avril, les deux hommes décident de mettre leur plan à
exécution, mais alors que Tobias s’apprête à s’emparer de ce qu’il pense être un Renoir, il se
fait attaquer le mollet par Choupette, le Yorkshire du propriétaire. Tobias parvient à s’en
débarrasser en l’envoyant s’écraser contre le mur mais il s’enfuit néanmoins sans prendre le
moindre tableau.
Quelles sont les qualifications envisageables ?
Les éléments constitutifs de la tentative sont donc réunis. Selon l’article 121-4 du C. pén.,
l’auteur d’une tentative encourt les mêmes sanctions que l’auteur de l’infraction consommée.
Tobias encourt alors 3 ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende en application de
l’article 311-3 du C. pén.
4. Le cumul juridique.
Tobias s’est rendu coupable d’une violation de domicile et d’un vol. Cependant, l’article 311-
4 6° du C. pén. prévoit que « le vol est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75000 euros
d’amende lorsqu’il est commis dans un local d’habitation ou dans un lieu destiné à l’entrepôt
de fonds, de valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux, par ruse,
effraction ou escalade ». Peut-on considérer qu’il y a effraction en l’espèce ?
Selon l’article 132-73 du C. pén. « l’effraction consiste dans le forcement, la dégradation ou
la destruction de tout dispositif de fermeture ou de toute espèce de clôture. Est assimilé à
l’effraction l’usage de fausses clés, de clés indûment obtenues ou de tout instrument pouvant
être frauduleusement employé pour actionner un dispositif de fermeture sans le forcer ni le
dégrader ». En l’espèce, Tobias a bien fait l’usage des clés de Ratko. Peut-on cependant
considérer qu’il les a indûment obtenues ? La jurisprudence considère qu’ « une clé véritable
devient une fausse clé toutes les fois qu’un individu en fait usage indûment sans le
consentement de son propriétaire qu’il l’ait trouvée, volée ou indûment retenue parce qu’il la
détourne alors de la destination voulue par le propriétaire » (Cass. crim. 27 avr. 1855, Bull.
n° 142.) Il est donc possible de considérer qu’en l’espèce, Tobias aurait dû rendre les clés
lorsqu’il a cessé son emploi.
Nous sommes bien en présence d’un cumul juridique puisque la violation de domicile et le vol
(même simplement tenté) sont en réalité contenus dans une troisième incrimination : le vol
avec effraction. Il convient dans ce cas de ne retenir que cette dernière. Tobias s’est donc
rendu coupable d’une tentative de vol avec effraction et encourt 5 ans d’emprisonnement et
75000 euros d’amende.
Quid cependant de la participation de Kévin ?
1. le fait principal : le fait principal doit être punissable c’est-à-dire il doit constituer une
infraction. En l’espèce, nous venons de démontrer qu’il y avait bien tentative de vol
avec effraction. Peu importe que ce fait ne soit que tenté puisque la complicité de
tentative est punissable. Nous sommes enfin en matière délictuelle et toutes les formes
de complicité son appréhendées en matière délictuelle (art. 121-7 du C. pén.)
2. L’acte de complicité : Kévin est présent sur les lieux de l’infraction et il assiste son
grand-père en faisant le guet. Il s’agit selon l’article 121-7 du C. pén. d’une forme de
complicité par aide ou assistance puisqu’il participe et facilite ainsi la commission des
faits. Son acte doit alors être positif : ici, il fait le guet c’est-à-dire qu’il surveille les
lieux afin de s’assurer que personne n’arrive. Son acte doit être consommé. Ici cette
condition ne fait pas de difficulté non plus puisqu’il fait bien le guet pendant toutes les
péripéties de son grand-père. Enfin son acte doit être antérieur ou concomitant aux
faits de l’auteur principal et là encore cette condition est remplie puisque c’est bien
pendant la commission des faits par Tobias que Kévin est présent. L’acte commis par
Kévin remplit bien les conditions exigées.
Notons dès lors que, lorsque le vol est commis par plusieurs personnes agissant en qualité
d’auteurs ou de complices, les sanctions sont alourdies en application des dispositions de
l’article 311-4 1°. En l’espèce, c’est bien le cas ici puisque nous avons un auteur et un
complice. En conséquence, les sanctions encourues par Tobias, et sous réserve des
dispositions applicables aux mineurs, par Kévin passent à 7 ans d’emprisonnement et 100000
euros d’amende.
Quid du rôle tenu par José qui est l’instigateur du projet avec Tobias ?
Avant de s’enfuir, Tobias a projeté la pauvre Choupette contre le mur. Elle n’a pas survécu.
Selon l’article R. 653-1 du C. pén. « le fait par maladresse, imprudence, inattention,
négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou
les règlements, d’occasionner la mort ou la blessure d’un animal domestique, apprivoisé ou
tenu en captivité est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 3ème classe ». En
l’espèce, il y a bien eu un acte (le fait de projeter l’animal contre le mur) qui a entraîné la mort
de Choupette (résultat). Ce chien était bien un animal domestique puisque appartenant à
Ratko.
Au niveau de l’élément moral, les contraventions n’exigent en principe pas la démonstration
de sa présence, sauf exception (art. 121-3 du C. pén.). Or , en l’espèce le texte précise que le
décès doit être la conséquence d’une faute non intentionnelle de la part de son auteur. Tobias
a-t-il commis une telle faute ? Tobias n’a pas intentionnellement projeté l’animal contre le
mur. Cependant, il a été maladroit en voulant se débarrasser « tant bien que mal » de l’animal.
Il semble donc bien avoir commis la faute exigée.
En conséquence, il encourt les sanctions prévues pour les contraventions de troisième classe à
savoir 450 euros d’amende (art. 131-13 du C. pén.).
Kévin pourrait-il être considéré comme complice de cette infraction ? La question ne se pose,
en réalité, pas puisque nous avons démontré que Kévin avait simplement assisté son grand-
père dans la commission des faits. Or, la complicité par aide ou assistance n’est sanctionnable
d’après l’article 121-7 al. 1er qu’en matière criminelle et délictuelle. Or, il s’agit ici d’une
contravention. Kévin ne pourra donc pas être reconnu complice.
L’histoire ne s’arrête cependant pas là, puisque José semble avoir d’autres problèmes.
José est en effet impliqué dans la destruction d’un stock de semences OGM, commise le 25
mars dernier. Pour lui cependant, son action est parfaitement justifiée au regard de la
dangerosité de telles cultures. Qu’en est-il réellement ?
Selon l’article 322-1 du C. pén. « La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien
appartenant à autrui est punie de deux d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende, sauf
s’il en est résulté qu’un dommage léger ».
Cette infraction suppose la destruction d’un bien. En l’espèce, José et ses amis ont détruit un
stock de semences OGM. Il s’agit donc bien d’un bien. En outre, ce bien doit appartenir à
autrui, ce qui est également le cas ici puisque ce stock n’appartient ni à José ni à ses amis,
mais à d’autres agriculteurs.
Au niveau de l’élément moral, il faut démontrer une intention puisque nous sommes en
matière délictuelle au vu des sanctions encourues. En l’espèce, José prétend que son acte est
justifié par la dangerosité des semences. Peut-il invoquer l’état de nécessité ?
D’après l’article 122-7 du C. pén. « N’est pas pénalement responsable la personne qui face à
un danger actuel ou imminent, qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte
nécessaire à la sauvegarde de la personne ou un bien, sauf s’il y a disproportion entre les
moyens employés et la gravité de la menace ». Or en l’espèce, l’effectivité du danger est
douteuse car on ne connaît pas exactement les effets des cultures OGM sur la santé de
l’homme ou des animaux. Si on retenait l’existence d’un danger, encore faudrait-il que ce
danger soit actuel ou imminent. En l’espèce, cela pourrait être le cas puisque les cultures ont
déjà été récoltées et sont stockées probablement dans l’attente d’être vendues. En outre, la
destruction totale du stock pourrait également sembler ni nécessaire ni disproportionnée, sauf
si l’existence d’un danger est admise. Notons surtout que la jurisprudence a déjà eu l’occasion
de se positionner en la matière et a refusé de retenir l’état de nécessité dans une affaire
similaire, dans laquelle les Faucheurs volontaires avaient détruit des champs de cultures OGM
(Cass. crim. 7 fév. 2007, D. 2007, jp. p. 1310). José a donc peu de chances de voir son
argumentaire aboutir.
En outre, selon l’article 322-3 1° du C. pén., les sanctions sont aggravées lorsque les faits sont
commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de complices, ce qui semble
être le cas puisqu’il nous est précisé que José a agi avec l’amicale des agriculteurs de la
Vallée de la Bruche. José encourt donc 5 ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende.
Conclusion. José et Kévin sont tous les deux coupables d’une seule infraction. Ils encourent
donc chacun les peines prévues et mentionnées préalablement, toujours sous réserve des
dispositions spéciales applicables en droit des mineurs pour Kévin.
Tobias a cependant commis deux infractions : un vol aggravé pour lequel il encourt 7 ans
d’emprisonnement et 100000 euros d’amende et une contravention de 3ème classe pour laquelle
il encourt 450 euros d’amende. Il s’agit d’un cas de concours réel puisque Tobias a commis
une seconde infraction alors les premiers faits n’avaient pas encore été définitivement jugés.
Dans l’hypothèse dans laquelle Tobias serait jugé en un seul procès pour ces deux infractions,
il convient de se demander quelles sanctions pourront être prononcées à son encontre.
Notons au préalable qu’il pourra y avoir autant de déclarations de culpabilité qu’il y a
d’infractions différentes donc deux en l’espèce.
Enfin, d’après l’article 132-7 du C. pén., les peines en matière contraventionnelle peuvent se
cumuler avec les amendes prononcées pour crimes et délits en concours. En conséquence,
Tobias encourt 7 ans d’emprisonnement et 100 450 euros d’amende pour les faits commis.