Professional Documents
Culture Documents
CHAPITRE 4
LA RESPONSABILITE POUR DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS
Plan :
2
Les dommages causés par l’exploitation d’un service public faisant usage
d’un ouvrage public sont assimilés à des dommages résultant de l’ouvrage
public lui-même, c’est-à-dire à des dommages de travaux publics.
4
Cette solution ne s’est cependant pas imposée immédiatement. Elle résulte d’une
évolution jurisprudentielle qui a consacré
CE, 27 novembre 1931, Lemaire, S. 1932, III, p. 41, note Bonnard : collision
entre un remorqueur assurant le service du remorquage dans un port et un
navire dont le remorqueur devait faciliter l’accostage. Le dommage était dû au
remorqueur c’est-à-dire au service public du remorquage et non aux ouvrages
publics portuaires. Le Conseil d’Etat n’en décide pas moins que le dommage se
rattache au fonctionnement de l’ouvrage public.
CE, Sect. 25 avril 1958, Dame Veuve Barbaza, Rec. CE, p. 228 ; AJDA 1958
II, p. 222, chron. : Electrocution de la victime par suite du brusque
rétablissement du courant par un préposé dans un câble reliant une machine
agricole à une ligne électrique.
D’où il résultait que l’explosion d’une locomotive était un fait d’exploitation tandis
que les dommages dus aux vibrations causées par les machines étaient un fait
de l’ouvrage.
La compétence est judiciaire sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le
dommage résulte d’un fait d’exploitation ou d’un fait de l’ouvrage public
lui-même : dans l’arrêt Galand le dommage était précisément dû à
l’absence de certaines protections qui avaient permis à la foudre de se
propager dans le réseau d’électricité et avait occasionné un incendie dans
l’appartement de la victime, donc un fait de l’ouvrage.
7
Il faut donc que la victime ait subi le dommage dont elle réclame
réparation à l’occasion de l’utilisation du service public pour la fourniture
des prestations.
Dans la matière particulière des dommages causés par les fuites de gaz ou
d’eau, il convient d’opérer une distinction :
A – Le principe
Tel n’est pas le cas lorsque l’engin cause du dommage ne peut pas se
déplacer par lui-même : exemple : drague qui doit être tirée par un
remorqueur.
Et il faut, par ailleurs, que le véhicule ait joué un rôle actif dans la
production du dommage.
Tel n’est pas le cas d’un accident causé par la rupture d’un câble reliant un
poteau électrique à un appareil servant à dégeler une canalisation et placé
sur une camionnette à l’arrêt (TC, 24 mai 1965, Magnin-Fraysot, AJDA
1965, p. 609, note Moreau).
Il en va évidemment différemment s’il n’est pas établi que le dommage ait sa cause
déterminante dans une conception défectueuse des travaux (TC, 12 décembre 2005,
Gaz de France c/ Soc. Jean Lefèbvre Picardie, req. n° 3492 (à publier au Rec. CE) :
engin de chantier ayant endommagé des canalisations souterraines ; (TC, 12 décembre
2005, France Telecom c/ Soc. Travaux Publics Electricité, req. n° 3481 (à publier
au Rec. CE) : engin de chantier dit « trancheuse » ayant section des câbles installés sous
la chaussée appartenant à France Telecom).
Lorsque le fait dommageable résulte d’un acte délictueux commis par un entrepreneur ou un
concessionnaire de travaux publics, la victime a le choix :
- ou bien elle joint sa demande en indemnité à l’action publique et elle la porte devant le juge
pénal (TC, 13 juin 1960, Douieb C/Stokos, D. 1960, p. 576, concl. Chardeau, note Josse) ;
C’est là une exception limitée car elle ne joue que s’il y a délit, introduction d’une action pénale et
uniquement si la personne recherchée est une personne privée.
S’il s’agit de l’administration, la règle n’est plus applicable.
Ce qui est certain, c’est que s’agissant des dommages permanents, il est
souvent difficile de déterminer avec certitude si la victime est un tiers ou
un usager (voir par ex. la situation du riverain et de l’usager de la voie
publique dont le traitement est à peu près identique).
Plus précisément :
- Les dommages subis par les tiers sont indemnisés sur le fondement
de la responsabilité sans faute ;
- Les dommages subis par les usagers sur le fondement d’un système
de présomption de faute (théorie du défaut d’entretien normal) ;
§1er : La responsabilité sans faute : le cas des dommages causés aux tiers
A - La notion de tiers
Exemples :
Il en résulte que le tiers victime d’un dommage de travaux publics n’a pas
à apporter la preuve que l’administration a commis une faute quelconque.
Il doit simplement démontrer que le dommage dont il se plaint trouve son
15
1. Justification de ce régime
Elle est également une contrepartie aux multiples risques que ces travaux
publics font courir aux tiers.
Elle est enfin confortée par le principe d’égalité des citoyens devant les
charges publiques : les travaux publics sont censés profiter à l’ensemble
de la collectivité ; lorsqu’ils causent un dommage à un tiers, ce dernier en
subit, dans l’intérêt de tous, la charge particulière de telle sorte qu’il y a
une rupture d’égalité des citoyens devant les charges publiques. Il
convient donc que ce dommage soit systématiquement réparé.
2. Champ d’application
L’application d’un régime de responsabilité sans faute aux tiers vaut aussi
bien en ce qui concerne les dommages non accidentels (permanents) que
pour les dommages accidentels (CE, 7 novembre 1952, Grau, Rec. CE,
p. 503 ; JCP 1953, I, 7448, note PL).
a) Spécialité du préjudice
Il faut que le dommage ait été subi soit par un seul individu, soit par un
groupe restreint de victimes. Cette condition est presque toujours
satisfaite dans la mesure où les dommages de travaux publics sont en
général des dommages de proximité (troubles de voisinage) : le tiers est
souvent un voisin du travail public ou de l’ouvrage public et ses voisins
sont en nombre limité.
b) Anormalité du préjudice :
C’est le cas des dommages corporels quelle que soit leur gravité.
C’est enfin le cas des atteintes à un droit, par exemple une aisance de
voirie : cas de la clientèle qui ne peut plus accéder au commerce parce
que la voie d’accès fait l’objet de travaux.
voisinage : n’est pas réparé le dommage qui n’est que la conséquence des
sujétions courantes entraînées par la contiguïté des propriétés.
Ainsi n’ouvrent pas droit à réparation les dégâts causés aux voitures
des riverains par la chute des feuilles mortes provenant des arbres des
places publiques (CE, 24 juillet 1931, Commune de Vic-Fezensac).
Mais s’ils dépassent une certaine gravité, ils deviennent anormaux. Cela
donne lieu à une jurisprudence nuancée.
Comparez
Comparez
19
Pour la même raison, ne sont pas réparables les atteintes portées aux
avantages (accès et vue…) dont bénéficient en fait les riverains des
dépendances domaniales autres que les voies publiques et lorsqu’elles
s’exercent sur de telles dépendances car cet avantage ne constitue pas un
droit ; aussi les atteintes qui peuvent les concerner « ne sont pas au
nombre des dommages qui peuvent ouvrir droit à réparation » (CE, 11
mai 1962, Ministre des Travaux publics c/Consorts Duboul de
Malafosse, AJDA 1962, p. 588, concl. M. Combarnous).
21
4. Causes d’exonération
Puisque la responsabilité des dommages subis par les tiers est une
responsabilité sans faute conformément aux principes généraux, il n’y a
que deux causes d’exonération de la responsabilité : la force majeure ou
la faute de la victime.
Les facultés (accès, vues etc..) exercées sur les voies publiques par les
riverains de celles-ci constituent des droits qualifiés d’aisances de voirie.
Les atteintes qui peuvent leur être apportées par des travaux publics
ouvrent droit à réparation sous réserve du caractère anormal du
dommage.
Les mêmes règles sont appliquées aux dommages causés par les
détournements d’itinéraires aux usagers des voies publiques sous
réserve que les juges seront plus exigeants pour reconnaître le caractère
anormal du dommage que lorsque celui-ci est causé aux riverains
Voir par ex. CE, 16 juin 2008, Gras, req. n° 293857, préc.: la situation
créée par la modification de la voie du fait de la destruction d’un pont n’a
pas rendu impossible, ni même particulièrement dangereux, l’accès des
véhicules à la propriété des requérants. Le préjudice allégué n’excédait
pas les sujétions susceptibles d’être imposées aux riverains et usagers des
voies publiques dans un but d’intérêt général.
A - La notion d’usager
- Un enfant blessé par une balançoire installée sur l’aire de jeux d’un
square (CE, 28 mai 1982, Droyer, Rec. CE, Tables, p. 774) ;
Sont considérés comme des dommages subis par des usagers les
dommages causés aux piétons, cyclistes ou automobilistes par des
ouvrages incorporés aux voies publiques.
- soit parce qu’il est extérieur à la voie (CE, 20 mars 1959, Cie
l’Urbaine et la Seine, Rec. p. 207) : inondation d’une route
provoquée par l’engorgement d’un canal d’irrigation la bordant, CE,
26 mars 1965, Société des Eaux de Marseille, Rec., p. 212,
AJDA 1965, p. 226, chron. : verglas sur la chaussée résultant du
débordement d’une rigole d’arrosage faisant partie du réseau de
distribution d’eau et non incorporée à la voie.
C’est ainsi que les enfants qui s’aventurent pour jouer à l’intérieur d’un
chantier de travaux publics (CE, 2 février 1977, Giacomi, Rec. CE,
Tables, p. 991) ou sur une voie de chemin de fer (CE, 5 mars 1980,
SNCF c/Mauro et Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Var, Rec.
26
Mais à la différence de ce qui se passe pour les dommages subis par les
tiers, la personne publique dont la responsabilité est mise en cause peut
27
Ce système est donc plus défavorable pour la victime que celui qui régit la
réparation des dommages subis par les tiers.
On l’explique par les avantages que l’usager est censé retirer de l’ouvrage
public : la réparation du dommage qu’il peut subir à l’occasion de cet
usage exige que soit établie une défaillance de l’administration dans
l’exécution du travail ou l’entretien d’ouvrage, ce qui introduit l’idée d’une
attitude fautive.
En revanche, le fait du tiers n’est pas exonératoire sauf s’il n’est pas
possible à la personne dont la responsabilité est engagée de se retourner
contre ce dernier. Il en va de même du cas fortuit.
A - La notion de participant
C - causes d’exonération
Mais ici contrairement aux principes généraux, le fait du tiers n’est pas
exonératoire. Il en résulte que lorsqu’il est seul mis en cause, le maître de
l’ouvrage ne peut se dégager de sa responsabilité en invoquant par
exemple la faute de l’entrepreneur ou la faute de l’architecte (CE, 14
novembre 1973, EDF c/Leynart, Rec. CE, p. 646 ; CE, 21 juillet
1991, Ministre de l’Urbanisme c/Consorts Brusson, Rec. CE, Tables,
p. 1240).
Il peut seulement se retourner contre eux. Toutefois le fait du tiers est par
exception exonératoire lorsqu’une disposition légale interdit au maître de
l’ouvrage de se retourner contre lui.
SECTION 3
- Maître de l’ouvrage,
- Utilisateur de celui-ci ;
- Entrepreneur ou concessionnaire.
Ville de Béziers, Rec. CE, p. 113 ; CE, 6 décembre 1985, Rampal, Dr.
adm. 1986, n° 68).
Dans ce cas, la victime peut agir contre l’une ou l’autre des collectivités ou
les deux solidairement.
- C’est aussi le cas lorsque deux collectivités ont pris part à la réalisation
du dommage : présence de boue provenant d’une décharge communale
sur une route départementale.
§2 : La charge de la réparation