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Discussion et observation de divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

JUDO RON 34- L’évolution du Ju-Jutsu et sa transformation en Judo

En Judo, être capable d’exécuter une technique gagnante c’est bien, mais la capacité
d’en comprendre l’essence fait grandir davantage. Dans cet exposé, nous tâcherons de
reculer dans le temps et tenterons de découvrir les origines et le pourquoi de certaines
tendances associées à l’art du combat que nous a transmis le Maître Jigoro Kano en
1882.

Se battre, c’est une activité de survie propre à l’être humain.

Depuis que l’être humain est sur la terre, il se bat pour sa survie. D’abord contre les
animaux pour partager leurs champs d’opération, pour les combattre et les
domestiquer. Il utilise ensuite ses habiletés pour confronter les autres rivaux s’attaquant
ainsi entre humains pour garantir la survie, acquérir ou défendre des acquis ou assurer
la supériorité. Peter N. Stearns dans son exposé « A Brief History of the World »i nous
dévoile que les civilisations anciennes ont entretenues les pratiques des combats et des
guerres comme moyens d’égaler des différents, réduire des tensions, assurer la survie et
permettre un plus grand développement social.

De la Mésopotamie, en passant par la Perse, l’Égypte, la Grèce, l’Inde, le Pakistan, la Chine et


jusqu’à l’Empire Romain, nous retrouvons des vestiges, des écrits, des peintures et sculptures
qui décrivent des combats, des luttes et des modes d’affrontement entre humains ; soient en
corps à corps, à mains nues ou armés, montés sur des animaux, dans des bateaux, charriots et
autres modes de transport.

Fresque de lutte égyptienne tirée de la tombe de Khnumhotep II (1991-1782 avant JC) à Beni Hasan (Wikipedia)

Accompagnant le développement des civilisations, nous retrouvons à travers les temps,


l’émergence des gardes de corps, des soldats professionnels et des miliciens qui se sont
spécialisés dans les arts de la guerre et les modes de combat. Il est courant de constater qu’un
certain segment de la population s’engage à imposer sa domination et son contrôle, tandis
qu’un autre se bat pour résister à l’oppression et l’esclavage. Les exploits des uns et des autres
sont mis à jour dans les fêtes sociales, les religions et événements commémoratifs.

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Discussion et observation de divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

Les nobles, les familles riches, les marchands, les gouverneurs et les personnes attitrées à la
fonction publique se sont donné des modes de protection qui varient entre le port d’arme
personnel et un service de garderie avec l’usage d’un entourage formé de personnes-
protectrices, de confiance ou à la solde pour les protéger et les garder en sûreté. Des écoles
civiles et militaires furent instituées pour former des spécialistes de la protection civile et une
grande partie de certaines civilisations fut introduite à l’usage des tactiques et stratégies de
combat. Des spécialités dans les choix d’armes et moyens techniques se sont propagées de
région en région, de pays à pays à travers diverses expéditions, guerres, voyages et échanges
culturelles.

Le Japon, site de notre recherche

Notre intérêt principal étant pour le judo moderne fondé par le Maître Jigoro Kano en 1882, il
nous importe de bien se situer et de ne pas s’attarder à décrire toutes les tendances et
mouvements qui se sont développés ailleurs à travers les autres civilisations. Pour hâter notre
parcours, nous suivrons l’évolution du Ju Jutsu au Japon.

Ce pays oriental influencé par les cultures chinoise et coréenne a survécu à nombreuses
confrontations avec ses pays voisins. Il a subi une longue période d’isolement durant laquelle il a
connu un grand nombre de guerres intestines qui lui ont servies à développer et aiguiser des
techniques de guerre particulières qui ont permis à certains de dominer et contrôler divers clans
et qui ont conduit en fin de confrontation à l’unification nationale après plusieurs siècles de
conflits.

« Mon opinion personnelle est que le Ju Jutsu a été entièrement façonné par les japonais. »
ii
Jigoro Kano

Le terme Ju-jutsu est composé de deux symboles : jū, littéralement la « souplesse », c'est-à-dire
éviter l'attaque directe et la contrôler, sans y opposer de force. Souplesse dans l’esprit et dans la
forme doit être présente dans toute confrontation. Jutsu c’est la technique d’application, le
moyen de réalisation.

Quelles seraient ses origines exactes ? Faire un point d’origine définitif en citant une école
quelconque est hors de question car les écrits sont vagues et contradictoires. Il est plus
rassurant de dire qu’il est un produit de l’art de la guerre telle que pratiqué au Japon et qui s’est
développé à partir de méthodes rudimentaires vers des techniques très sophistiquées au cours
de plusieurs siècles et qui fut présenté sous différentes appellations.

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Discussion et observation de divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

En particulier, les éléments rustiques et techniques élémentaires de l’équitation, du tir à l’arc


et de la lance se transforment au 7ième siècle et subissent l’influence des techniques chinoises
pour enfin se propager en de véritables spécialités durant près de 300 ans entre le 15 ième et
18ième siècles. Durant cette période les formes de combats armées ou à mains nues se
transforment énormément sous l’influence des écoles spécialisées qui les ont adaptées aux
besoins des divers clans et des populations régionales.

Différents styles de combat apparaissent dans des écoles locales, d’autres, dans des centres
régionaux. Bien que la transmission se fasse généralement de bouche à oreille, certaines traces
sont laissées dans des parchemins appartenant à des écoles (ryu) et dans des écrits par les
fondateurs de ces écoles. C’est dans ces « MAKIMONO » que l’on peut lire la lignée héréditaire
de l’école (réelle ou fictive)et ils contiennent souvent le sommaire de certaines techniques
expliquées avec plus ou moins de détails, de façon à ce que le document puisse servir d’aide
mémoire pour les adeptes autorisés tout en garantissant le secret de leur appartenance.

Poursuivant le courant historique du Japon et en s’appuyant sur certains de ces écrits dits Makimono, nous
pouvons généralement regrouper les méthodes de combat employées par les guerriers japonais (bushi) sous
trois volets : Bujutsu, Bu-Gei et Budo.

LA PÉRIODE DU BU-JUTSU.

À partir du 7ème siècle : Des méthodes rudimentaires et techniques de guerre (bu) ou combat sont enseignées
par de petits groupes d’experts dans des écoles plus ou moins secrètes et dispensées à des individus choisis
parmi les clans familiaux. Les méthodes avaient pour but de donner des moyens pouvant servir à confronter, à
contrôler, à arrêter un adversaire, de le dompter ou le détruire aux champs de bataille.

En 794, l’Empereur Kanmu (737-806) Le Grand Roi du Yamato déménage la capitale japonaise de Nara à Hein et
fait construire à Kyoto, une première école pour l’entraînement des guerriers de sang noble. Le Butokuden situé
près du palais impérial deviendra le lieu de rassemblement des meilleurs experts de l’époque. Parmi les
techniques enseignées nous retrouvons : le tir à l’arc, l’art de la lance, l’escrime, l’équitation, la natation, l’art de
l’éventail de guerre, l’art du bâton, les arts occultes et bien d’autres associées aux combats personnels et à la
défense des fortifications et châteaux.

L’utilisation de certaines de ces techniques classiques coïncide probablement avec le développement des
sociales et de l’importance donnée à ceux qui se faisaient défenseurs des territoires acquis. Durant cette
période, les familles riches employaient des gens à la charge comme serviteurs et gardes de corps. Pour réduire
les conflits avec des territoires voisins on y installait des postes de contrôle, des tours de garde, des châteaux
forts et des résidences fortifiées tous occupés par des serviteurs loyaux ou à la charge du clan. En retour, les
seigneurs assuraient la protection des territoires et des paysans. Certaines familles nobles et influentes
levaient des armée de bénévoles ou miliciens à partir des paysans occupant leurs terres. Des armées plus
professionnelles dirigées par des fils de nobles-guerriers (samurai) furent levées et ont y établi des rangs et
structures pour mener à bien les manœuvres défensives ou offensives.

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Le corps des armées était constitué de soldats se déplaçant à pied et transportaient des javelots et des lances.
Des groupes d’archers et cavaliers cuirassés munis d’épée étaient employés stratégiquement. Les officiers
étaient recrutés parmi les jeunes fils des grandes familles et étaient spécialement formés au commandement
des troupes, à l’application de stratégies et tactiques et au maniement de l'arc, de l’épée et également aux
diverses formes de combat sans armes. Il était du devoir de tous de bien maîtriser les armes de guerre propres
au clan. Les pratiques quotidiennes étaient menées dans les terres des domaines. Des résidences et bâtiments
étaient réservés à l’entreposage des armes, des chevaux et aux salles d’entraînement.

LA PÉRIODE DU BU-GEI

Le temps des grands conflits avec l’extérieur se situe autour du 14-15ième siècle sous les dominations féodales
de Kamakura (1185-1333), Muramuchi (1333-1573) et Momoyama (1573-1603). Le Japon doit se défendre
contre des envahisseurs du Nord et des milliers de samouraïs sont mis à l’épreuve pour défendre le pays. De
nombreuses écoles de combats raffinent leurs techniques et codifient leurs méthodes basées sur des
expériences vécues en terrain de guerre. Certains samurais de renommée prennent en charge l’instruction des
armes traditionnelles et fondent leurs propres écoles d’arts martiaux ou Koryu.

Les spécialités s’ajoutent aux formes traditionnelles, entre autres : JŪ-JUTSU / KENPŌ 柔術 拳法 "mode de
combat corps à corps", KEN-JUTSU / GEKKEN-JUTSU 剣術 épée-sabre , IAI-JUTSU / BATTŌ-JUTSU 居合術
"Dégainée du sabre", KUSARIFUNDŌ-JUTSU 鎖分銅術 "maniement de chaînes et pesées", BŌ-JUTSU 棒術 "La
longue lance", SŌ-JUTSU 創術 "Le javelot", NAGINATA-JUTSU 長刀術 la grande lance, SUIREN 水蓮 "natation",
BA-JUTSU 馬術 l`équestre", KISHA-JUTSU 騎弓術 "Tir à l’arc sur monture", JŌ-JUTSU 杖術 "bâton raccourci",
KYŪ-JUTSU 弓術 "tir à l’arc", YOROI-KUMIUCHI 鎧組打 "combat en armure", HOJŌ-JUTSU / HOBAKU-JUTSU
捕縄術 "ficelage à corde", et le lancement de couteaux et objets tranchants sous le terme SHURIKEN-JUTSU
投剣術 手裏剣術 .

Le Chrysanthème, l’emblème royal du Yamato

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Discussion et observation de divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

LA PÉRIODE DU BUDO

Les débuts du Budo se situent à la fin du 15ième pour se maintenir tout au long du 17 ième siècle. Après la chute
du Shogun Ashikawa, nous rentrons dans une période de l’EDO c'est-à-dire la période de consolidation
entamée par les Shogun Nobunaga et poursuivie par Hideyoshi et Yeyasu Tokugawa qui transforment le Japon
en grands champs de bataille pour la consolidation des pouvoirs internes. Cette période se termine avec
l’avènement de la paix civile rendue par la famille des Tokugawa et l`éclosion de l’Ère Meiji en 1868.

L’histoire révèle que l’une des premières écoles populaires des arts martiaux fut formée par Takenouchi
Hisamori en 1532. On y enseignait diverses techniques du sabre( katana), du bâton( bō) , du couteau (tanto)
ainsi que des techniques de corps à corps destinées à réagir correctement face à des combattants munis
d’armure et d’armes diverses. Bien que le terme jūjutsu commence à se propager vers les années 1600 ,
plusieurs écoles conservèrent d’autres termes pour désigner leurs approches tels que : yawara, koppo, daken,
taijutsu.

Si nous examinons de plus près les termes Yawara (la gestion souple) et Wa-Jutsu (méthode de l’accord souple),
nous pouvons identifier le point commun : l’accord ou l’harmonie. Nous sommes devant un mode de pensée qui
réuni deux philosophies : "Ai" (harmonie, fusion) et "Ju" (céder en souplesse). Quand les anciens parlaient du
Ju-Jutsu ils décrivaient des techniques de souplesse pouvant servir à la fois comme un moyens souples
d’attaque et de défense.

Les techniques le plus souvent démontrées étaient des actions-réactions de défense et d’attaque face à des
situations données. Techniques avec ou sans armes, elles se voulaient efficaces contre un adversaire armé ou
non et comprenaient : des actions de saisie, de projection, torsion de membre, luxation, étranglement, frappe
avec les pieds, les mains, la neutralisation des attaques contre des attaques aux poignards, sabres, lances,
bâtons etc. Dans certaines situations on encourageait l’usage d’armes personnelles telles : grands et petits
sabres, lances, bâtons et divers instruments ou outils journaliers à la disposition de paysans.

En 1603, le Shogun Ieyasu Tokugawa forme un gouvernement militaire et déplace son siège à Tokyo. Ce fut le
début d’une longue période de consolidation où l’autorité centrale fut bien ancrée et les classes de la société se
virent assigner des tâches correspondant à leurs rangs et fonctions. Afin de maîtriser les tentatives de rébellion
et de maintenir la paix civile, il fut ordonné que seuls les samouraïs étaient autorisés à porter deux épées, le
wakizashi (épée courte) et le katana . Les autres classes de la société n’avaient pas le droit de porter des armes
ouvertement ni de maintenir des stocks en réserve.

Cette période de paix présenta une transition importante pour les samouraïs. Leur nombre et emploies
diminuèrent rapidement et dépourvus d’occasions d’exercer leur métier de guerre, ils se voyaient maintenant
privés de revenus additionnels normalement attribués pour les services rendus aux champs de bataille. Les
armées régionales furent diminuées considérablement et certaines furent même dissoutes. Durant ces temps
tumultueux, les classes sociales sont réordonnancées, les structures administratives modifiées et les samurais
sans emploie seront défendus de porter des armes en public. Les richesses des nobles s’affaissent et des
économies dans la gestion des terres sont recherchées. Les guerriers professionnels à charge sont dégagés de
leur obligations envers les seigneurs et une diminution importante de salaire s’en suivie.

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Discussion et observation de divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

Les samurais non retenus dans les armées régulières ou assignés aux divers services de police furent employés
en partie comme percepteurs d’impôt et administrateurs. Nombreux sont ceux qui se trouvèrent sans emploi
durable et penser faire autre chose que l’art de la guerre était perçu comme inférieur à leur statut d’antan. Le
gouvernement apporta un soulagement limité en leur attribuant certains subsides et en les encourageant vers
d’autres domaines d’activités tels les arts, l’'éducation et le commerce. Des milliers d’anciens samouraïs
devinrent sans maître(RONIN) et parcoururent les villes à la recherche d’emploie.

Les grandes écoles d’arts martiaux traditionnels sont abandonnées pour la plus part et l’enseignement est
réparti dans des koryu privés ici et là. Les adeptes deviennent moins nombreux et pour survivre, des maîtres
doivent donner des spectacles de promotion et lancer des défis publics pour recueillir des bourses. N’ayant plus
l’occasion de faire éprouver leurs techniques en terrains hostiles et dotés de l’enseignement bouddhiste qui
préconise l’amélioration de soi, les maitres ajoutent à leur enseignement un sens plus éducatif, plus
philosophique, voire même plus spirituel. Le Bu- jutsu se transforme peu à peu en Budo. (voie spirituelle du
guerrier).

De nouvelles écoles spécialisées (Ryu) virent le jour et certains textes donnent l’existence de plus de 150
différentes styles offerts par celles-ci. Certaines écoles étudiaient toutes les méthodes tandis que d'autres se
limitaient à n'en pratiquer que certaines. En outre, quelques écoles enseignaient l'art de la réanimation, le
Kuatsu. Ces techniques permettaient de " ressusciter" ou redonner la vie à un combattant dans un état de mort
apparente suite à un coup violent.

En 1843, un recensement permet de noter environ une centaine d'écoles de Ju-Jutsu dont une quarantaine de
styles majeurs. Parmi les écoles les plus populaires notons : Takenouchi-Ryu, Takeushi-Ryu, Sosuishi-Ryu,
Tenshin-Shinyo-Ryu, Kito-Ryu, Sekiguchi-Ryu, Totsuka-Ryu, Juki-Ryu, Yagu-Shigan-Ryu, Yoshin Shin Ryu, Gengi
No Heiho, Takeda Ryu, Yorimoto Yagyu, Shingan Ryu, Kyushin- Gusoku Tai-Jitsu, Miura-Ryu, Shiten-Ryu, Fusen-
Ryu, Joruku-Ryu, et Shin no Shindo-ryu. De ces écoles, certains courants techniques sont apparus tels que :
Yawara, Wa-Jutsu, Kogusoku, Kumiuchi, Torite, Tode, Tai-Jutsu, Hakuda, Shubaku, Koshi-no-Mawari, et Kempo.

« The martial arts are not simply techniques, they are of the mind. If one cultivates the mind deeply,
one is able to penetrate everything, including the arts of learning and government. »iii

« Les arts martiaux ne sont pas simplement des techniques, ils sont l'esprit. Si l’on cultive l'esprit
profondément, on peut pénétrer dans tout, y compris les arts d'apprentissage et le gouvernement »

Traduction libre

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Discussion et observation de divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

Durant l'époque MEÏJI (1868-1912), les techniques du "Budo" faillirent disparaître


complètement. Pour des raisons politiques, le nouveau gouvernement voulu s’ouvrir au monde
extérieur et se redonner une nouvelle image tout en conservant le meilleur de son passé. Une
nation forte à l’appui de son empereur devint un genre de cri de ralliement au sein de la
population. Avec ce renouveau, certains arts martiaux furent appuyés par les dirigeants et mis à
la disposition du grand publique. Le maître Jigoro Kano nous informe que parmi les écoles
existantes, seulement une dizaine était vraiment représentative du Ju jutsu. Dans ses mémoires,
il cite les suivantes : Kito, Yoshin, Kyushin, Shin no Shindo, Sekiguchi, Tenjin, Shibu Kawa, Yagyu,
Chokushin et Takenouchi.

Fondateur du judo Jigoro Kano sensei

Le maître Jigoro Kano avait pratiqué le Ju-Jutsu Tenjin-Shinyo-Ryu à l’âge de 17 ans pendant 2
ans, de 1877 à 1879 avec les maîtres FUKUDA HACHINOSUKE et ISO MASATOMO, puis le Ju-
Jutsu Kito Ryu pendant un an, de 1881 à 1882, avec Maître IIKUBO TSUNETOSHI. À la suite de la
mort de ces derniers, Jigoro Kano poursuit ses études de divers styles et créa en 1882 son
propre Kodokan Judo. Ce dernier sera une version nouvelle, épurée et prouvée
scientifiquement des anciennes techniques de Ju Jutsu. La réorganisation du Ju-jutsu
traditionnel signifia, d'une certaine manière, sa disparition en tant qu’entité distincte.

C’est le maître Kano lui-même qui nous dit dans ses écritsiv : « L’histoire du judo depuis la
Restauration Meiji reflète essentiellement l’histoire du Judo Kodokan » Un maître contemporain
du nom de Shidashi nous résume la transformation effectuée par Jigoro Kano de l’ancien Ju
jutsu vers son Kodokan judo en ces termes :

"Alors que les anciens styles de Ju-Jutsu furent conçus fondamentalement dans le
but du combat, le système de Kano fut créé pour développer les facultés
physiques et mentales de l'être humain. Alors que les anciennes écoles
n'enseignent que la pratique, les écoles modernes offrent une explication
théorique de la doctrine, lui donnant une même valeur qu'à la pratique".
v
T. Shidashi, 1892.

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Discussion et observation de divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

Dans un ouvrage précédent vi , j’ai fait valoir l’apport que fourni certaines écoles à la réalisation
du Kodokan judo, notamment les Takenouchi, Kito et Tenjin Shinyo ryu. Le maître Kano
désireux de conserver les acquis ou réalisations de ces écoles, nous dit qu’il a atteint son
objectif de créer sa propre méthode en 1882 après avoir approfondi ses connaissances du Ju
jutsu tel qu’enseigné dans plusieurs écoles. Ayant conservé ce qui lui semblait nécessaire et
rejeté ce qui lui semblait inévitable et contraire à ses principes, il compléta les éléments
manquants par ses propres ajouts, transforma l’ensemble des techniques en un tout et le
présenta aux autorités nationales sous une forme respectant les aspirations et la mieux adaptée
à la société japonaise de son temps.

C’est ainsi que nous retrouvons dans le Kodokan judo, des liens importants avec ce qui fut
enseigné dans les écoles anciennes. À titre de sommaire, nous pouvons dire que les techniques
de maîtrise au sol : immobilisations, étranglements et contrôles des articulations seraient issues
du Tenjin tandis que la majorité des formes de projection proviendraient du Kito et qu’une
partie du syllabus pédagogique (Gokyo) serait issu du Takenouchi -Ryu.

Dans sa synthèse ayant trait aux techniques du Kodokan Judo, vii Toshiro Daigo 10ième dan nous
informe que le syllabus actuel du Kodokan contient 68 projections avec leurs variantes et 32
techniques de maîtrise au sol avec leurs combinaisons et enchaînements. Il note à certains
moments, l’origine lointaine de certaines de ces techniques à savoir :

Ippon -Seoi nage est considéré un produit du Tenjin Shinyo tandis que Seoi-nage était connu
comme Gaseki-otoshi dans Takenouchi Ju jutsu; Seoi -otoshi est de provenance du Kito-Ryu et
fut connu de l’appellation Yuki-ore; De-ashi barai, Tsuri Goshi, Osoto otoshi sont de l’école
Tenjin-ryu; Tai-otoshi, sukui-nage et O-goshi , Osoto-guruma, uchi-mata et tomoe-nage
appartenaient à l’école Shikatsu Jizai et enseignées au Tenjin-Ryu. Un prototype de Kata-
guruma était enseigné au Totsuka et au Yoshin-Ryu tandis que le Yama-arashi est de provenance
du Sekiguchi-Ryu tandis que l’o-goshi appartient au Tenjin-Ryu.

L’instruction par le katas serait de même provenance. L’Itsutsu no kata aurait comme origine le
Yoshin Yo- Ryu tandis que le Koshiki no kata est issu du Kito Ryu. Le Ju no kata est une création
du maître Jigoro Kano comme le furent le Nage-no kata et le Katame no kata. Le Kime no kata
lui, est issu du Daito- Ryu. La plupart des kata du Kodokan furent finalisées aux alentours de
1887 tandis que le Goshin Jutsu fut élaboré après la mort de Jigoro Kano par les professeurs du
Kodokan.

En 1895, le Dai Nihon Butokukai fut créé à Kyoto pour régir les arts martiaux et Jigoro Kano
participe à la formalisation des katas et agit avec plusieurs de ses instructeurs séniors à titre de
consultants à l’élaboration des programmes d’enseignement communs de l’État. Avec l’aide
financière de l’État, l’association se dote de locaux appropriés et installe un nouveau Butokuden
en 1898 près de l’ancien site du temple Heian et de l’ancien palais royal.

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Discussion et observation de divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

On y installa aussi une école d’arts martiaux aux fins des besoins militaires nommé le Budo
Semmon Gakko. Des instructeurs formés par le Kodokan y participeront durant plusieurs
années.

Cinq ans plus tard, le maître Jigoro Kano met de l’avant de nouvelles règles de compétition que
le Butokukai va entériner pour gérer le déroulement des compétitions entre écoles et appliquer
durant les rencontres régionales et nationales. Le maître Kano continue d’agir à titre de
consultant, mais se préoccupe d’avantage des activités associées à son institut du Kodokan judo
de Tokyo et laisse derrière lui des intermédiaires qualifiés qui assureront la transmission de la
méthode du Kodokan.

Aujourd’hui, le judo Kodokan est répandu à travers le monde et que nous soyons de nouveaux
pratiquants qui apprennent le Gokyo, des réguliers qui font du Randori pour s’améliorer, du
Shiai pour comparer leur habiletés ou des vieux routards qui pratiquent le kata pour mieux en
saisir la profondeur et l’esthétique, nous avons tous deux orientations communes élaborées par
le maître Jigoro Kano qui nous guideront dans notre parcours, à savoir:

MEILLEUR USAGE DE L’ÉNERGIE

ENTRAIDE MUTUELLE
Je souhaite à tous et chacun, un bon entraînement.

Ronald Désormeaux, Chikara dojo,

Gatineau, Canada, Juin 2010

i
Peter.N.Stearns, A Brief History of the World, The teaching Company, USA, 2007
ii
Jigoro Kano, L’Essence du Judo, Écrits du fondateur du judo par Naoki Murata, Ed Budo, 2007
iii
Eiji Yoshikawa, Taiko, War and Glory in Feudal Japan, Kodansha international, Japan 1992
iv
Jigoro Kano, L’essence du judo, Écrits du Fondateur réunis par Naoki Murata, Budo Éditions, 2007
v
JAPAN - PROFILE OF A NATION-Published by KODANSHA INTERNATIONAL-Japan, 1995-
vi
Ronald Désormeaux, Les mystères du judo, Les Forges canadiennes de Gestion, 1999
vii
Toshiro Daigo, Kodokan Judo Throwing Techniques, Kodansha international, Japan, 2005

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