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Trust, Transparence et Traçabilité

TRUST, TRANSPARENCE ET TRAÇABILITE


La confiance dans sa définition la plus forte (« trust ») est un pré-requis de la transaction qu’est le
don. Quand la transaction ne débouche pas sur une utilité individuelle immédiate comme c’est le
cas pour un achat classique, il faut se poser la question de la motivation de la transaction, et des
freins qui peuvent lui être associés.

Pour les organismes non-profit, il est indispensable d’être transparent sur leurs actions, leur
gestion, leur gouvernance. Ce premier niveau d’utilité pour le citoyen (ainsi rassuré à l’idée de
donner et/ou convaincu d’avoir bien fait de donner) peut être étendu à une notion plus forte que
la transparence, la traçabilité. Le don aujourd’hui est une somme absorbée de manière anonyme,
sans lien avec les actions de l’ONG.

Nous étudions ainsi les trois « T », Trust, Transparence et Traçabilité, dans le cas spécifique des
ONG, et des contraintes (fortes) de leur gestion et modes d’action. Ceci nous permettra de voir
l’apport d’un écosystème 2.0 tel que nous l’avons introduit dans la section précédente, en
présentant le cadre « Citizenship 2.0 ».

Trust, Transparence et Traçabilité Citizenship 2.0 2


Trust, Transparence et Traçabilité

I. Trust ......................................................................................................................................................... 4
I. 1. Appréhender la notion de confiance ............................................................................................... 4
I. 1. a. La confiance, première approche ............................................................................................ 5
I. 1. b. Quel est le degré de dépendance ? ........................................................................................ 6
I. 1. c. Quelles sont les parties prenantes ? ....................................................................................... 7
I. 1. d. Comment la confiance est-elle initiée ? .................................................................................. 8
I. 1. e. Comment s’entretient-elle ? ................................................................................................. 11
I. 2. Comment mesurer la confiance ? ................................................................................................. 12
I. 2. a. Comment mesurer l’intensité de la confiance ? ................................................................... 12
I. 2. b. Comment mesurer la qualité de la Confiance ? .................................................................... 13
II. Transparence et Traçabilité ................................................................................................................... 15
II. 1. Education ....................................................................................................................................... 16
II. 1. a. Une évidence ......................................................................................................................... 16
II. 1. b. Géohumanitaire..................................................................................................................... 17
II. 1. c. Serious Game ......................................................................................................................... 17
II. 2. Transparence ................................................................................................................................. 19
II. 2. a. Un acquis ............................................................................................................................... 19
II. 2. b. L’ONG sur le terrain ............................................................................................................... 20
II. 2. c. StoryTelling ............................................................................................................................ 21
II. 3. Traçabilité ...................................................................................................................................... 22
II. 3. a. Un idéal .................................................................................................................................. 22
II. 3. b. Etat de la traçabilité............................................................................................................... 22
II. 3. c. Traçabilité Monétaire ............................................................................................................ 25
II. 3. d. Traçabilité Financière ............................................................................................................ 25
III. Pour l’Identité Numérique des Donateurs ........................................................................................ 27
III. 1. Traçabilité des donateurs et identité numérique...................................................................... 27
III. 2. Mythe, rite, tribu… et donateur ................................................................................................ 28
III. 3. Le modèle Citizenship 2.0 .......................................................................................................... 29

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I. TRUST

Pas d’engagement envers un organisme non-profit


non profit sans confiance. La susciter et l’entretenir passe par une
compréhension fine de la notion, qui nous conduira à identifier les 3 leviers de confiance (éducation,
transparence et traçabilité).

I. 1. APPREHENDER LA NOTION DE CONFIANCE

Voici les éléments clés pour appréhender la notion de confiance, que nous développons plus bas.

La Confiance

• « Confiance : Sentiment de quelqu'un qui se fie entièrement à quelqu'un


d'autre ou à quelque chose », Le Larousse

Une relation de dépendance

Entre…

• Des individus : relationnelle


• Des organismes : institutionnelle

La créer

• Tiers de Confiance
• Par un réseau

L’entretenir

• Réputation, Loyauté, Transparence

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I. 1. a. L A CONFIANCE , PREMIERE APPROCHE

L’étymologie du mot “confiance” vient du latin “con” (ensemble) et « fidere » (se fier). En première
définition, donnons celle du Larousse :

Confiance : Sentiment de quelqu'un qui se fie entièrement à quelqu'un d'autre ou à


quelque chose.

L’étymologie latine a pour avantage de montrer la projection vers l’autre. Toutefois, abordons brièvement
les traductions anglo-saxonnes du mot « confiance ». En anglais, deux termes, trust et confidence, désignent
ce que le terme français agrège. Jean-Michel Servet1 précise :

Il est important de souligner que là où le français ne dispose que d’un terme,


l’anglais en possède deux : trust et confidence. La séparation n’est pas toujours
simple à établir entre l’apport linguistique germanique et l’apport latin. Toutefois,
trust paraît beaucoup plus fort que confidence car il inclut l’idée de faith, de foi, de
croyance, alors que confidence […] traduit une évaluation beaucoup plus objective
des capacités à remplir une obligation et à établir une relation.

Pierre Salmon2 explique de manière similaire la distinction :

L’anglais permet de séparer les deux idées, si on le souhaite, grâce à l’existence de


deux mots au lieu d’un seul en français. Ainsi, pourra-t-on réserver le mot «trust»
pour l’idée exprimée dans «faire confiance», se référant à une décision, et le mot
«confidence» pour celle correspondant à «avoir confiance», se référant à un état
cognitif, par exemple une probabilité; le mot «trustworthy» signifiant, avec une
connotation plus neutre que cette expression française, «digne de confiance».

1
Jean-Michel Servet, 1993, «Le chapeau» dans Philippe Bernoux et Jean-Michel Servet, « La construction
sociale de la confiance »
2
Pierre Salmon, 2000, «Accumulation et destruction de la confiance : un schéma d’inspiration poppérienne »
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I. 1. b. Q UEL EST LE DEGRE DE DEPENDANCE ?

D’un pont de vue ontologique, c'est-à-dire propre à l’être accordant sa confiance, elle peut être définie
comme la manière de vivre au mieux l’incertitude sur le comportement du destinataire. La confiance permet
de s’économiser le doute.

Par exemple, un enfant peut s’accommoder de l’absence momentanée de sa mère, puisqu’il a confiance
dans le fait qu’elle reviendra. De même, un fonctionnaire a confiance dans le fait que son salaire sera versé à
la date adéquate et convenue.

Ce premier niveau de définition montre un rapport de dépendance, de délégation avec le destinataire de la


confiance. Monique Canto-Sperber, philosophe, a donné dans son Dictionnaire d’Ethique et de Philosophie
Morale de 2004, la définition suivante :

«Faire confiance à une personne, c’est se placer dans un état de dépendance, ou


prolonger un état de dépendance, à l’égard de la compétence et de la bonne
volonté de cette personne; c’est accepter d’être vulnérable et admettre que le
dépositaire de sa confiance exerce un pouvoir sur soi, ou sur quelque chose
d’important pour soi».

Ainsi, le lien de confiance est un état de dépendance. Mais la vulnérabilité évoquée doit être lucide,
l’émetteur de la confiance doit rester vigilant selon Cynthia Chassigneux3 :

Toutefois, pour éviter toute forme d’abus, l’émetteur de la confiance doit


demeurer vigilant. La confiance ne doit pas être aveugle. Elle ne doit pas
s’apparenter à un blanc-seing accordé à son destinataire. Elle nécessite
donc une part d’objectivité. Ainsi, en adoptant une attitude objective, la
personne qui donne sa confiance conserve un sens critique qui lui
permettra de retirer celle-ci à tout moment. La confiance n’est donc pas
une chose acquise. Elle peut se transformer en méfiance ou en défiance.

Le degré de délégation est alors représenté par ce que perdrait l’émetteur de la confiance si celle-ci était
rompue. Parfois monétisable (salaire, investissement engagés,…), ce qui est engagé en même temps que la
confiance et accordé peut-être intangible, mais tout aussi fort (affection, considération, informations
personnelles et/ou confidentielles, voire sa vie dans des cas extrêmes, par exemple dans les champs sportifs
ou médicaux).

3
Cynthia CHASSIGNEUX, « La confiance, instrument de régulations des environnements électroniques »,
2007

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I. 1. c. Q UELLES SONT LES PARTIES PRENANTES ?

La confiance est toujours orientée vers autrui. L’émetteur de la confiance, son destinataire, le lien qui les
unit peut être explicité dans sa dimension sociale.

Si l’émetteur et le destinataire sont humains, on parle de confiance « intuitu personae » ou de confiance


« relationnelle ». Faire confiance en un collègue lors de l’élaboration d’un projet, le don de la main à la main
dans la rue en sont des exemples.

Parfois, la confiance est orientée vers un organisme, une entreprise, un collectif. On parle alors de confiance
« institutionnelle ». Par exemple, faire confiance à sa banque, à un prestataire, à une ONG sont des
exemples de confiance institutionnelle. Dans ce cadre, on définit la réputation de l’organisme, image qu’il
donne, construite à la fois sur ses actions passées et sa communication présente. Accorder sa confiance à un
organisme en fonction de sa réputation revient à analyser les risques potentiels à l’avenir : déception pour
cause de défaillance, d’inadéquation entre les visions…

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I. 1. d. C OMMENT LA CONFIANCE EST - ELLE INITIEE ?

Il existe un niveau de confiance ex-ante qui incite les individus à se rapprocher. Cet état social préexistant,
préalable à l’établissement de la relation est un aspect plus positif que l’on peut retirer dans l’analyse de
Christian Thuderoz4.

« On ne peut écarter la dimension morale de l’échange et du lien social qui lui est
attaché. Elle permet donc tout autant l’établissement de la relation sociale que
l’apprentissage au sein de celle-ci, elle est l’amont qui rend possible le contrat »

La confiance peut être initiée de manière transitive, c'est-à-dire qu’elle peut-être accordée parce qu’un tiers
accorde sa confiance à un objet. Deux cas se présentent : la présence d’un tiers de confiance, ou
l’appartenance à une communauté ou un réseau.

 T IERS DE CONFIANCE

L’importance des tiers dans la relation de confiance apparaît en tant qu’élément de régulation lors des
conflits. Les tiers ont donc un rôle de médiateur.

L’image du tiers pour l’émetteur est habituellement celle du label qu’il peut décerner au destinataire de la
confiance. La labellisation, si elle n’est pas interne (politique de confidentialité, par exemple), est décernée
par des autorités de certifications.

Sur Internet, lieu d’échanges virtuels où les conflits sont bien plus délicats à régler, la certification prend
toute son importance. Il en résulte une régulation triangulaire entre l’émetteur, le destinateur et l’autorité
de certification, selon Vincent Gautrais5 :

Le label de qualité est donc une image, un logo, un signe de reconnaissance qu’un
marchand appose sur son site pour rassurer ses clients et notamment le plus
démuni d’entre eux à savoir le consommateur. Une relation triangulaire est donc
mise en place, conformément au processus même de certification, qu’il soit
d’identité ou de qualité. En effet, il implique une autorité de certification, un
abonné, c’est-à-dire un commerçant qui emploie les services de l’autorité de
certification, et enfin l’utilisateur final, le consommateur, qui “magasine” sur la
base de la confiance que le sceau lui apporte.

4
Christian Thuderoz, “Des mondes de confiance. Un concept à l’épreuve de la réalité sociale”, 2004
5
Vincent Gautrais, 1999, «La labellisation de qualité des sites Internet : un sésame voué à la sécurité du
consommateur»
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Quelques exemples :

Les labels sur internet ne sont pas rares, puisqu’ils constituent l’un des premiers leviers de confiance car
créant une autorité de contrôle du destinataire.

En termes de privacy des données, on note le label En France, le label du Comité de la Charte pour le
TRUSTe (www.truste.org) Don en Confiance fait référence
(www.comitecharte.org)

Ces labels participent à la réputation de l’organisme ainsi agrée. Mais la réputation tient aussi à un autre
membre du lien de confiance, le réseau.

 R ESEAU

L’individu émetteur de confiance peut agir en tant que membre d’une communauté. La communauté, par
ses échanges et interactions internes peut développer sa vision de la réputation d’un éventuel destinataire
(souvent institutionnelle, sur des marques, par exemple).

Sur internet, le réseau est une évidence. Les réseaux sont selon Manuel Castells6 :

[…] un ensemble de nœuds interconnectés. Ce type d’organisation humaine qui


remonte à la nuit des temps entame une nouvelle vie à notre époque avec les
réseaux de l’information, dont la force motrice est Internet. Les réseaux sont des
modes d’organisation aux avantages extraordinaires, parce qu’ils sont
naturellement flexibles et adaptables, qualités essentielles pour survivre et
prospérer dans un environnement qui change vite.

Le lien entre réseau et confiance a été explicité par Francis Fukuyama7 :

« La confiance est l’attente qui naît, au sein d’une communauté, d’un


comportement régulier, honnête et coopératif, fondé sur des normes
communément partagées, de la part des autres membres de cette communauté »

6
Manuel Castells, 2001, “La galaxie Internet”
7
Francis Fukuyama, 1997, « La confiance et la puissance. Vertus sociales et prospérité économique »

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La régulation amont de la transaction est assurée par la normalisation des opinions au sein de cette
communauté. L’opinion du réseau, voire de la communauté dans le cadre du Web 2.0, est donc primordiale
dans le choix d’accorder ou non sa confiance à un organisme.

Ce phénomène selon lequel un individu peut accorder sa confiance en fonction de la présence ex-ante
d’individus ayant eux-mêmes éprouvé le destinataire (sa loyauté, son implication, son intérêt) peut être vu
sous une autre forme. Prenons l’exemple d’un réseau social comme Facebook. Un internaute peut s’y
inscrire sur invitation de l’un des membres (comme c’est le cas sur tous les réseaux sociaux), qui l’aura alors
incité voir convaincu à rejoindre Facebook.

On parle d’externalité d’adoption (ou effet réseau), puisque chacun bénéficiera de la nouvelle inscription.
Pour le nouvel inscrit (qui bénéficiera lui d’une valeur ajoutée conséquente de la découverte de la
plateforme et des usages associés), cette inscription en mode « pull » revient à accélérer le processus
d’adhésion, et au final de confiance dans le réseau social. L’effet réseau, sous-tendu par la massification des
médias sociaux, est un vecteur de confiance. Si je m’inscris sur un réseau social, dans ce cas, c’est parce que
de nombreux inscrits sont déjà présents.

L’externalité d’adoption n’explique cependant pas pourquoi les early-adopters font confiance a priori dans
un tel système. La dimension de délégation prend alors tout son sens : pourquoi confier ses données
personnelles à un réseau social peu fréquenté, donc n’ayant pas encore acquis sa réputation ?
Premièrement, c’est l’usage traditionnel d’internet qui peut faire qu’un utilisateur franchira l’étape de
l’inscription, par curiosité. Ensuite, l’adoption est un équilibre délicat entre l’aspect chronophage de
l’apprentissage d’un nouvel outil, et les valeurs d’usages agrégeant notamment : l’ergonomie, la valeur des
contenus, les usages offerts en termes d’interactivité, de web social,…

Une fois une taille critique atteinte, les externalités d’adoption prennent le relais de la simple curiosité. Mais
le point de ce cas est que les inscriptions à l’origine ne sont pas le fruit d’une confiance totale et
bienveillante… C’est sous une forme transitive qu’elle apparaît : le nouvel inscrit a confiance en son »ami »
qui lui a confiance en la plateforme (confiance éprouvée dans le temps par une utilisation plus ou moins
régulière et intensive).

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I. 1. e. C OMMENT S ’ ENTRETIENT - ELLE ?

Il convient de préciser que la confiance dans une relation se présente bien comme un processus continu, qui
a sa propre évolution. Puisqu’elle est un processus inscrit dans le temps, elle est aussi le fruit de la
réputation née des échanges entre émetteur et destinataire de la confiance. Lucien Kaprik8 écrit à ce
propos :

La confiance que les clients portent au producteur-vendeur est le produit de la


réputation que ce dernier a acquis, avec le temps, par le maintien de pratiques
loyales.

A ce titre dans l’entretien de la confiance, la transparence (que la traçabilité transcende) a toute son
importance. Jean-Michel Servet9 dit à ce propos :

Au-delà de la légitimité des règles et de la croyance dans l’autre, la transparence


entre ceux qui sont impliqués est ce qui permet de maintenir la confiance ;
transparence signifie ici un certain degré de savoir et d’information. La confiance
est impossible si l’information est nulle ; elle est inutile si l’information est parfaite
et totale.

8
Lucien Karpik, 2003, «Préface. Les fondements symboliques de la confiance» dans Vincent Mangematin et
Christian Thuderoz, “Des mondes de confiance. Un concept à l’épreuve de la réalité sociale”, 2004
9
Jean-Michel Servet, «Paroles données : le lien de confiance», Revue du Mouvement anti-utilitariste en
sciences sociales semestrielle 37 pp. 47-48, 1994
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I. 2. COMMENT MESURER LA CONFIANCE


CO ?

I. 2. a. C OMMENT MESURER L ’ INTENSITE DE LA CONFIANCE ?

Partant de cette description


iption initiale de la confiance selon ses acteurs, la distance les séparant, les dimensions
collectives,…, il est possible de proposer un continuum de confiance afin de la quantifier.

Christian Thuderoz établit ainsi un continuum de la confiance :

Défiance Méfiance Confiance Croyance

Néanmoins, la quantification de la confiance doit passer par des disciplines telles que la neurobiologie, les
neurosciences cognitives, voire l’économie expérimentale pour s’opérer. Les avancées dans ce domaine sont
récentes, balbutiantes, et même controversées.
controve

Dans un article10 publié dans Nature en 2005, Michael Kosfled a montré le rôle
de l’Oxytocine, une hormone peptidique, dans le mécanisme de confiance (le
paradigme étant d’observer l’influence d’une exposition à un spray
sp d’Oxytocine
sur des clients d’un banquier quant à leur aptitude à vouloir investir une somme
d’argent). Cette étude a été vivement critiquée par Louis Quéré11, sociologue,
arguant qu’il n’est pas question de confiance dans cette expérience, mais de
prise de risque individuelle.

En 2006, une étude12 neuro-cognitive


cognitive a permis de montrer par IRM fonctionnelle
que la zone cérébrale active lors du don à un organisme de charité était identique
à celle activée lorsque l’on reçoit une récompense monétaire pure. De plus, le
mécanisme d’attachement à une cause active la même zone que lors d’un
attachement (ou aversion) sociologique.

Gardons uniquement à l’esprit qu’il existe un degré de confiance, vu ici de manière unidimensionnelle, dans
son intensité. La suite des travaux de Christian Thuderoz consiste à projeter la notion de confiance sur deux
axes qui la sous-tendent,
tendent, approche qui s’avérera très pertinente pour prouver l’apport d’un écosystème 2.0
pour le don en ligne.

10
M.Kosfeld et al., «Oxytocin increases trust in humans»,
hum Nature, 2005
11
Louis Quéré, «How could trust be restored to nature?», Intellectica, 2007
12
Moll Jorge et al, “Human fronto–mesolimbic
mesolimbic networks guide decisions about charitable donation”, 2006

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I. 2. b. C OMMENT MESURER LA QUALITE DE LA C ONFIANCE ?

La confiance est selon Thuderoz un concept qui peut être vu


comme bidimensionnel, puisqu’elle est en fait une dynamique
de coopération et de générosité entre individus dans la
société.

La relation sociale qui s’établit est en effet une transaction qui


peut comporter une part plus ou moins importante
d’altruisme, de don de soi, d’investissement, tout en étant plus
ou moins intense en matière de collaboration, d’entente et compréhension mutuelle.

A l’opposé de ces notions, on trouve de manière naturelle respectivement le conflit et l’intérêt. L’espace
dans lequel nous pouvons donc qualifier la confiance est donc représenté ci-dessous.

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On voit donc apparaître 4 régimes de confiance, que Thuderoz qualifie comme suit :

La réciprocité Ce régime d’intérêt conjoint vers la coopération vise à une


maximisation les gains des deux parties. L’intérêt prime devant la
dimension de la générosité, mais la coopération très forte permet
une transaction que les deux parties cherchent à optimiser.

La bienveillance L’altruisme prédomine dans ce rapport, même si concrètement, le


principe Rousseauiste du « travailler pour autrui, c’est travailler
pour soi » y trouve un espace d’interprétation idéal.

La confiance L’effort de confiance existe en dépit des situations de conflits, par


mesurée ailleurs structurantes. C’est par exemple la relation parent/enfant à
l’adolescence.

La confiance Ici, l’intérêt prime, et les protagonistes ont intérêt à ne pas faire
calculée confiance. La relation entre syndicats et patronat en est un exemple
symbolique.

Munis de ces définitions et analyse préliminaires sur la notion de confiance, nous abordons à présent le
couple transparence et traçabilité.

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II. TRANSPARENCE ET TRAÇABILITE


ILITE

Un point essentiel de la confiance pour son entretien est la notion de transparence,


transparence puisque c’est en étant
conscient et convaincu des motivations de destinataire de la confiance que celle-cicelle peut perdurer. Cette
notion de transparence a un support triple t : l’éducation (aux valeurs portées par l’organisme), la
transparence (sur les projets menés, sur l’organisation des actions, sur la structure de ses dépenses et
recettes), et la traçabilité (suivi concret des actions, fourniture de preuves).
preuves)

Education Transparence Traçabilité

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II. 1. EDUCATION

II. 1. a. U NE EVIDENCE
Cette première dimension est essentielle puisqu’elle reflète le premier contact qu’ont les donateurs avec les
organismes. Cette dimension éducative consiste à présenter ce que François Rousseau13 appelle le « mythe »
de l’organisme non-profit : sa raison d’être, ses valeurs, son ambition, son objectif à court, moyen et long
terme.

Il convient de former les donateurs


aux enjeux humanitaires que
défend l’ONG. Ces explications de
fonds peuvent notamment ment être
dans le cadre des Objectifs du
Millénaire pour le
14
Développement , apportant à la
fois les chiffres sur l’état des lieux,
les objectifs à atteindre, et les
délais à respecter.

La plupart des sites des grandes


ONG sont très détaillées à ce sujet,
l’exercice n’étant pas si complexe à
faire puisqu’il ne revient qu’à
formaliser la raison d’être de
l’organisme.

Parfois, certaines ONG font dans ce


domaine des efforts de pédagogie
remarquables. Notons l’exemple de
Médecins Sans Frontières, ayant un espace espac
15
dédié à ses activités médicales (ci--contre),
et y détaillant les différentes maladies
auxquelles elle fait face sur le terrain.
terrain

13
François Rousseau, L'organisation militante, Revue Internationale de l’Économie Sociale, RECMA, n° 303,
mars 2007, pp.44-66
14
http://www.mdgmonitor.org
15
http://www.msf.fr/?page=medical&section=4&title=activites
http://www.msf.fr/?page=medical&section=4&title=activites-medicales
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II. 1. b. G EOHUMANITAIRE

Dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), on trouve sur Google Earth16 leur
représentation géographique. De nombreux spots apparaissent sur le globe, détaillant des projets locaux de
développement, mis en lumière dans le cadre des
OMD.

delà de l’ergonomie que confère Google Earth, la


Au-delà
valeur ajoutée est double : découvrir la planète, sa
population, sa situation socio-économique,
économique, bref,
s’offrir une belle leçon de géographie, et comprendre
les enjeux de développement et les objectifs que la
déclaration du Millenium17 a fixés.

Cette représentation géographique est e un web-


service très souple, facile à déployer. Google offre 2
entrées à son service :
• un format de place nommée KMZ18, très
souple d’utilisation19
• une API (Application program Interface)
dédiée20, pour l’inclusion sur des sites Web.

II. 1. c. S ERIOUS G AME

Une pratique
que innovante existe, et a l’immense intérêt de s’orienter vers la jeunesse, ce qui rend cette
initiative particulièrement forte en termes d’impact à moyen et long terme. Il s’agit du Serious Game (jeu
sérieux).

Le principe consiste à utiliser des ressorts


ressorts ludiques tels ceux déployés par les jeux vidéos traditionnels, en
vue d’une intention sérieuse, qu’elle soit « pédagogique, informative, communicationnelle, marketing,
idéologique ou d'entraînement »21.

Certains d’entre eux, appelés « Serious Games Grandes


Grand
Causes » (en annexe), consistent à aborder des
problématiques sociétales, médicales, humanitaires,…

« Food Force22 », serious game financé par la fondation


Ubisoft en 2005 pour le « World Food Program », est le
premier d’entre eux, et reste une référence
référenc en la

16
http://earth.google.fr/
17
http://www.un.org/millenniumgoals/
18
http://en.wikipedia.org/wiki/Keyhole_Markup_Language
19
http://earth.google.fr/outreach/tutorial_kmz.html
20
http://code.google.com/apis/earth/
code.google.com/apis/earth/
21
http://fr.wikipedia.org/wiki/Serious_game
22
http://www.food-force.com/
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matière. Le joueur peut prendre le rôle d’un humanitaire dans des missions allant de la distribution de colis
humanitaires (image ci-contre) au repérage en hélicoptère de populations en exil lors d’un conflit armé.

L’immersion permet à la fois de comprendre la nécessité d’une action humanitaire, les moyens nécessaires à
sa réalisation, et les difficultés opérationnelles sous-jacentes. A court terme, un choc peut ainsi être
provoqué, défaut de pouvoir vivre concrètement la situation. Ce choc doit être envisagé comme un prétexte
au don (voire micro-don vu la population ciblée). A moyen et long terme, c’est une initiative responsable,
puisqu’elle consiste à ancrer dans les esprits les ressorts de l’action humanitaire, participant aux joueurs de
se forger une identité de Citoyen.

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II. 2. TRANSPARENCE

II. 2. a. U N ACQUIS

Au sens des ONG, la transparence repose


essentiellement sur la diffusion claire et
intelligible des comptes emplois
emplois-
ressources. Ainsi, la structure de
financement (part entre subventions
publics, mécénat et dons privés) et les
dépenses (frais de gestion, frais rais de
marketing, dépenses pour les actions
opérationnelles) sont le plus souvent très
accessibles.

contre, une capture du site de la Croix


Ci-contre,
Rouge23.

On note aussi la mise en avant du label du


Comité de la Charte pour le Don en
Confiance24, certifiant unee tenue des
comptes et une gestion respectant sa charte de déontologie. Ce tiers de confiance est comme expliqué dans
la partie précédente un atout conséquent, d’autant qu’il est réputé. Cette réputation vient à la fois de
l’expérience du Comité (20 ans) dansans cette expertise, signe d’une activité professionnelle sous-jacente,
sous et
des poids lourds présents dans la liste (CARE, Perce-neige,
Perce neige, Handicap international, Action Contre la Faim,…).

La pratique de transparence sur la comptabilité est également


présente chez des organismes hors France, comme par exemple pour
Unitaid.25

23
http://www.croix-rouge.fr/La-Croix
Croix-Rouge/La-Croix-Rouge-francaise/Ressources
24
http://www.comitecharte.org/
25
http://www.unitaid.eu/images/news/annual_report_2008_en.pdf

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II. 2. b. L’ONG SUR LE TERRAIN

La transparence a une composante visuelle forte, au-delà de la simple analogie optique. Etre transparent,
c’est aussi pouvoir montrer où l’ONG est engagée, qu’il s’agisse d’un processus informationnel ou
d’argumentation en écho à une vision (Pour la Croix Rouge : « all over the world, round the corner »).

A titre d’exemples,
citons l’association
Médecins Sans
Frontières qui
détaille sur une carte
l’ensemble des pays
où elle est engagée.

A nouveau, Unitaid
propose aussi une telle
initiative, avec sur son site
une carte des pays listant
les axes sur lesquels les
fonds collectés par la taxe
Chirac, dans le cadre des
financements innovants26
pour les Objectifs du
Millénaire pour le
Développement.

Une carte peut sembler bien mince en matière de transparence, mais tout média doit être utilisé en fonction
de ses valeurs d’usages (en l’occurrence, ergonomie et interactivité).

26
http://www.unitaid.eu/images/NewWeb/innofinen.pdf
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Trust, Transparence et Traçabilité

II. 2. c. S TORY T ELLING

Le storytelling consiste à matérialiser l’annonce d’une action réalisée par une ONG, comme la distribution de
médicaments, la construction de bâtiments publics (écoles, cliniques,...), par un témoignage d’une partie
prenante directement liée à cette action.

La caractéristique principale du storytelling est d’être plus vivant, plus agrébable à lire, et donc plus
impactant.

De l’utilisation classique d’un reportage incluant plusieurs témoignages27 pour avoir une vue globale d’un
projet, à des utilisations moins journalistiques, le storytelling est un élément clé de transparence. En effet,
un témoignage d’une personne fragile ayant bénéficié du soutien d’une ONG est doublement plus impactant
qu’un témoignage d’une heureuse consommatrice anonyme vantant les mérites de sa nouvelle lessive.

Premièrement, il est une première preuve de l’action. Ensuite, si le storytelling met en avant des personnes
bénéficiaires de l’aide, il constitue une évaluation externe de l’action de l’ONG (ce qui ajoute une
composante de tiers de confiance).

Il y a deux limites conséquentes au storytelling. En premier lieu, le storytelling ne manipule que des
informations quantifiables (on ne peut donc pas parler de traçabilité). De plus, l’authenticité du témoignage
peut être mise en cause.

Un arbitrage est à opérer entre une approche du témoignage unique, concis, percutant (et son risque de
slogan publicitaire fondé sur une contrefaçon) et une approche plus journalistique rigoureuse et détaillée
(mais noyant le message dans les éléments de précision, et donc altérant l’impact du message).

La quête d’authenticité (telle qu’avancée par Michael Welsch) des contenus sur Internet, où les contenus
trop lisses et marketés sont suspects, doit être un argument pour militer en faveur d’un storytelling
authentique, s’appuyant sur les terminaux mobiles et de l’ubiquité associée. Selon la direction de la
communication de la Croix Rouge, le storytelling est une activité très chronophage et coûteuse.

Or aujourd’hui, prendre une photo d’un appareil mobile, et l’uploader sur le réseau (par courrier
électronique, oumême aujourd’hui sur des sites de partage de photos) prend à peine quelques minutes
selon le débit de la connexion. La qualité des clichés est alors critiquée. Mais quand le marché des
téléphones portables propose désormais en standard des capteurs mégapixels (suffisants pour des tirages
papier traditionnels 10x15cm²), et quand on sait que l’authenticité des contenus est très appréciée sur le
Web, l’argument ne tient plus.

Ainsi, la structure concurrentielle de l’output « Transparence » pour les ONG a permis d’atteindre une
qualité élevée, tant sur la précision des données que sur leur intelligibilité pour le grand public. Les leviers de
transparence ne sont donc pas à ce niveau de transparence financière.

27
Des bénévoles comme chez Médecins du Monde : http://www.medecinsdumonde.org/fr/temoignages, de
chercheurs comme à l’AFM (Association Française contre les myopathies) : http://www.afm-
france.org/ewb_pages/e/exclusivites_telethon-virage_traitements.php
Trust, Transparence et Traçabilité Citizenship 2.0 21
Trust, Transparence et Traçabilité

II. 3. TRAÇABILITE

II. 3. a. U N IDEAL

Rendre complètement compte au donateur de son activité implique de prouver techniquement chacune de
ses actions. Dans l’idéal, il s’agit de tracer un don du moment où il est réalisé, jusqu’à sa conversion
concrète sur le terrain. Par exemple, un donateur verrait son don converti en achat d’une boîte de
médicaments, qu’il pourrait suivre (par mapping sur Google Earth ou Google Maps par exemple) jusqu’à sa
livraison dans un dispensaire dans le tiers-monde.

Cette traçabilité peut être matérielle, monétaire ou financière.

Ce point des 3T est le plus sensible, il convient donc de discuter de cette potentielle innovation dans l’action
humanitaire.

II. 3. b. E TAT DE LA TRAÇABILITE

La traçabilité a pris ses lettres d’or auprès du grand public lors de la crise de la vache folle. En réponse,
l’industrie bovine amis en place un système de traçabilité allant de la production au point de vente. Une
simple étiquette posée sur une oreille du bovin permet de l’identifier, couplé à un identifiant de cheptel et
un identifiant lors de l’abattage. Un identifiant composite est alors marqué sur toutes les pièces issues de
l’abattage, qui permet jusqu’aux circuits de distribution (grandes surfaces, restaurants,…) de retrouver de
manière univoque quel est l’animal dont elles sont issues.

Nombre d’ONG exercent dans le domaine de la santé. Bien que ce cas de la traçabilité pharmaceutique
humanitaire soit un problème à part entière, donnons quelques éléments afin d’illustrer les nombreuses
difficultés sous-jacentes.

En 2006, l’OMS a évalué la quantité de médicaments contrefaits entre 7 et 10% dans le monde, dépassant
30% dans certains pays du tiers-monde28. Tandis que la contrefaçon s’appuie sur Internet dans les pays
développés comme canal d’importation parallèle, le tiers-monde la subit par le crime organisé. Face à ce
fléau médical (les médicaments contrefaits, quand ils ne sont pas ou peu actifs, peuvent aussi contenir des
molécules aux effets secondaires tragiques), la mise en place d’une chaîne de la traçabilité (et donc
d’authentification) est indispensable.

L’utilisation de puces RFID, de codes-barres 2D, etc. permet de suivre la progression de l’acheminement des
médicaments, à condition que la chaîne logistique soit entièrement en place, jusqu’au lieu ultime de
distribution. Le Viagra (Laboratoires Pfeizer), en raison du taux élevé de contrefaçon le concernant, a été le
premier médicament à bénéficier d’un système de traçabilité par puce RFID, en Janvier 2006. C’est un
mouvement très récent, et cantonné à des médicaments ayant à la fois un coût élevé et un fort taux de
contrefaçon.

Tout d’abord, le coût relatif de la technologie n’est pas forcément négligeable par
rapport au prix moyen du médicament (3€ selon Sanofi-Aventis). En France, ce
surcoût a même écarté la technologie RFID pour l’impératif de traçabilité

28
http://www.who.int/medicines/services/counterfeit/impact/ImpactF_S/en/index.html
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Trust, Transparence et Traçabilité

qu’imposera29 l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé). Au 1er Janvier 2011,
tous les médicaments soumis à l’Autorisation de Mise sur le Marché en France devront disposer d’une
authentification Data Matrix30 (code-barres
(code 2D).

Quel est le rôle d’une ONG dans cette mutation de la supply-chain


supply pharmaceutique
tique ? Quel est leur pouvoir
d’influence ? Quelle est la plus-value
value de la traçabilité pour elles ?

On éludera les deux premières questions, tout en émettant de fortes réserves quant à leur rôle dans ce
processus de coordination international. Bien que légitimes
légitimes en tant qu’intermédiaires, les ONG ne luttent
pas pour la même cause : l’enjeu n’est pas tant de proclamer la protection des populations les plus faibles,
mais une protection des intérêts économiques de l’industrie pharmaceutique. La traçabilité des de
médicaments pour les ONG médicales sera plutôt un dividende d’une coordination globale du suivi des
médicaments.

Un niveau intermédiaire à la traçabilité matérielle ultime (celle de l’identification en tout point de la chaîne
d’un produit) est la notion d’authentification
authentification.. Au lieu de scanner un médicament en tout point de la chaîne
(ce qui permettrait au donateur de voir où se trouve son don), il peut être plus judicieux de considérer un
processus également basé sur une identification, qui n’aurait pour but que de certifier la qualité du produit,
par une traçabilité à deux points (production/ lieu de consommation).

Par exemple, le système mPedigree31 est une solution de contrôle de


l’authenticité de médicaments par l’utilisateur final, qui se réalise
réalis par
simple envoi du code (pedigree) situé sur le récipient par SMS. Vu le
taux élevé de pénétration du téléphone mobile dans certains pays du
tiers monde, il est tout à fait envisageable de déployer cette solution.

La traçabilité, celle concernant le suivi


suivi du matériel Humanitaire, est un projet extrêmement ambitieux, mais
qui derrière ses promesses cache une inadaptation structurelle des organisations humanitaires (black-box
(black de
la comptabilité, temps d’absorption des dons avant emploi), et un usage qui pourrait
pourrait être décrié par les
donateurs qui pourraient souhaiter que plus de médicaments soient achetés au lieu de financer un surcoût
logistique.

29
JORF n°64 du 16 mars 2007
30
http://www.gs1.fr/gs1_fr/assistance_technique/les_codes_a_barres_gs1/le_code_a_barres_gs1_datamatrix
31
http://www.mpedigree.org/
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Trust, Transparence et Traçabilité

Atouts Limites
 Instantanéité et automatisation du  Surcoût logistique, couplé aux freins
reporting, puisqu’une traçabilité ultime d’adoption sur toute la chaîne allant de la
ferait entrer l’ONG dans l’ère de l’Interne production à la distribution des produits
des Objets32 (où chaque objet tracé est  Pertinence, du moins dans l’approche « un
visible sur le réseau) don – un médicament que je peux suivre »,
 Gains en authentification, augmentant la en raison du délai d’absorption des dons
qualité (en termes de santé et de sécurité) bien trop élevé (généralement de 1 à 2 ans)
de l’aide apportée aux personnes fragiles entre réception du don et achat de matériel
(perte de sens sur internet)
 Vampirisation, c'est-à-dire qu’un accident
pourrait prendre des proportions
démesurées puisqu’il serait aussitôt mis au
jour

Les ONG sont sans doute mal placées à l’heure actuelle pour pousser cette technologie. La traçabilité
matérielle idéale, même si elle peut être un objectif à moyen ou long terme (le temps que l’industrie s’en
empare), n’est pas un enjeu crucial aujourd’hui. Non seulement les donateurs peuvent comprendre qu’une
ONG n’est pas un acteur de qui l’on peut aujourd’hui exiger la traçabilité, mais la plus-value en terme
d’accountability (le rendre-compte) ne serait qu’agrégée dans un indice évaluant la quantité de matériel
correctement acheminé. Face à cela, les frais de fonctionnements des ONG resteront encore le meilleur
moyen d’évaluer l’efficacité d’une ONG (en annexe)…

Il faut replacer ce problème dans l’état actuel du fonctionnement des ONG. Entre le don et le matériel
d’action se situe une black-box. Au-delà du délai de la conversion, il n’y a pas d’earmarking (affectation d’un
don sur un des emplois de l’organisme). Certaines collectes d’urgence, comme pour le Tsunami montre le
problème sous-tendu par un earmarking. Parfois, trop de fonds peut contribuer à aggraver une situation
(fournir des colis alimentaires nuisent aux producteurs locaux). Ceci s’est notamment observé lorsque
Médecins Sans Frontières a demandé à ses donateurs de cesser leurs dons pour le Tsunami, et leur a
proposé33 de les rembourser s’ils refusaient une réaffectation de dons sur des crises oubliées (seuls 0.02%
des dons pour le Tsunami à MSF ont été remboursés).

Pour le donateur, la plus-value pour l’image de l’ONG (et au fond, de confiance) serait que la traçabilité, dans
sa dimension d’authentification et de lutte contre la fraude, serait l’affirmation du caractère non contrefait
(et donc d’efficacité humanitaire) des produits qu’elle achemine sur le terrain.

32
« L’internet des Objets, quels enjeux pour les européens ? », PJ Benghozi, S. Bureau, F. Massit-Folléa,
2008, http://www.voxinternet.org/IMG/pdf/IdO.pdf
33
http://www.msf.fr/2008/01/22/260/les-chiffres-des-fonds-affectes-au-tsunami-section-francaise-de-msf/
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Trust, Transparence et Traçabilité

II. 3. c. T RAÇABILITE M ONETAIRE

Le problème dual de la traçabilité monétaire est la lutte contre la fraude. Le degré de traçabilité monétaire
est donc directement lié à la qualité de la sécurisation de la transaction. Tout comme les ONG ne peuvent
pas facilement pousser technologiquement les standards de l’industrie pharmaceutique, l’état de la
cryptographique des e-transactions sur les sites des ONG peut difficilement dépasser ceux de blockbusters
du e-commerce comme Amazon.

Des systèmes reconnus comme Paypal34 ou les solutions de cryptage standards du e-commerce (protocoles
de cryptage SSL35) sont des gages de sécurité. Ces marques jouent d’ailleurs dans la relation donateur-ONG
le rôle de tiers de confiance, leur logo étant présenté par les ONG comme un label.

II. 3. d. T RAÇABILITE F INANCIERE

Il est très difficile de tracer les flux financiers. Une fois que l’organisme suit le plan comptable général, on
peut déployer des progiciels ERP (Enterprise Ressource Planning) visant à structurer est suivre les
mouvements de fonds.

Mais quel est l’apport d’une telle traçabilité quand un don prend 1 à 2 ans avant d’être effectivement
débloqué pour une dépense ? Faible. Et dans un contexte web, nul.

De plus, les détournements de fonds, la corruption, etc., restent des enjeux délicats notamment dans les
pays bénéficiant de programmes d’aide publique au développement36, auxquels une traçabilité des flux
financiers saurait difficilement répondre.

Néanmoins, depuis le plan de relance américain, une traçabilité des investissements très médiatisée à
l’échelle des Etats-Unis a été mise en place.

34
http://www.paypal.fr/
35
http://www.verisign.fr/ssl/
36
Guillaume Olivier, “L’aide publique au développement : un outil à réinventer”, Édition Charles Léopold
Mayer
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Trust, Transparence et Traçabilité

Présentation
L’administration Obama a lancé le site recovery.gov, La société Onvia a proposé une initiative
initiativ similaire,
montrant sur une carte les montants alloués au plan de recovery.org, en proposant la première traçabilité du plan
relance américain. Les chiffres sont aussi disponibles par de relance par l’étude des données disponibles sur
secteurs. internet et publications papiers.
Il s’agit en premier lieu des intentions économiques, ce qui
est plus du ressort de la transparence. Mais un reporting Ils s’appuient sur une expertise dans le suivi des appels
dont les premiers chiffres seront récoltés en Septembre d’offres publics, d’analyse concurrentielle
concurrentiel sur ces
prouvera les sommes allouées par notifications des marchés, en monétisant auprès d’entreprises des fichiers
bénéficiaires. de ressources publiques mais non agrégés sur le Web.

Méthodologie
Dès Septembre 2009, les différentes parties prenantes des Le dispositif fonctionne en analysant précisément les
contrats de relance retenus devront fournir un reporting appels d’offres publics diffusés (récolte manuelle de
détaillé auprès de l’administration américaine des sommes données sur Internet et dans la presse).
effectivement perçues.

Là, le fonctionnement de ce dispositif est beaucoup plus encourageant pour les ONG voulant montrer une
traçabilité financière, au vu de l’échelle de l’initiative américaine. Tous les projets des ONG ne sont pas des
projets d’Urgence (d’ailleurs, rien n’empêche de les inclure dans une telle approche).Des budgets pour des
missions sont réalisés et également suivis par des membres de ces organisations sur le terrain. Couplé à
l’ergonomie de cartes, ce suivi en temps quasi-réel
quasi réel (moyennant un reporting des équipes sur place) est un
levier
er de traçabilité aujourd’hui accessible et pertinent pour la traçabilité des dons.
dons

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Citizenship 2.0 26
Trust, Transparence et Traçabilité

III. POUR L’IDENTITE NUMERIQUE DES DONATEURS

III. 1. T RAÇABILITE DES DONATEURS ET IDENTITE NUMERIQUE

La traçabilité matérielle n’est peut-être pas la première étape dans ce processus de mise en place de la
traçabilité. Si elle était la preuve de la force considérable d’innovation de la part des ONG qui la
déploieraient, elle n’en serait pas moins précipitée. Est-ce à des organismes non-profit de financer par
exemple un tel déploiement de puces RFID pour tracer toutes les boîtes de médicaments distribuées, alors
que les supply-chains de l’industrie pharmaceutique des pays développés n’y sont pas encore converties ?
Quel est le gain réel de confiance que cette traçabilité matérielle apporterait au donateur ? A quels risques
s’exposent les ONG dans ce projet ? Face à ces nombreux doutes, la conviction de devoir mettre
(temporairement) cette traçabilité matérielle de côté est forte.

Nous avons vu que la traçabilité peut avoir lieu sur différents points de la chaîne du don. La transaction
online est déjà sécurisée, les actions, si elles ne sont pas tracées matériellement, sont toutefois
transparentes. Les financements de projets sont traçables techniquement, en suivant le cas de Recovery.org.
Mais en amont de la chaîne du don, avons-nous déjà parlé de tracer le donateur ? Nous avons vu que la
notion de confiance implique un lien étroit, d’autant plus que l’on évolue dans un environnement virtuel. Or
aujourd’hui, le seul lien existant entre le donateur et l’ONG à laquelle il a accordé un don est un mail de
remerciement (non personnalisé), et un contact ultérieur sous forme d’une newsletter. Nous proposons, en
parallèle d’une transparence modernisée (en tirant profit de l’utilisation facilitée du reporting d’informations
du terrain, messages, photos, vidéos,…, et d’une traçabilité financière similaire au plan de relance
américain), d’accorder au donateur une réelle identité numérique.

Tracer les donateurs est bien plus simple aujourd’hui, innovant (sur le Web des ONG) et potentiellement un
levier de confiance et de mobilisation aisément accessible. La traçabilité implique de donner une identité aux
éléments que l’on souhaite suivre, ainsi, fournir une identité numérique aux donateurs en est la clé. Tout
comme Amazon fournit un compte client à ses e-acheteurs, les ONG doivent fournir un compte donateur à
leurs soutiens individuels.

Son identité numérique permettra d’enregistrer (le CRM aidant) l’état civil du donateur, sa géolocalisation,
les dons réalisés, les dates d’action, les sujets de prédilection du donateur (suivi de sa navigation),… La
transparence créée sera gage de confiance, puisque le donateur ne sera plus un internaute comme un autre,
mais le donateur dont on sait le patronyme et les efforts pour lutter pour les plus grandes causes
humanitaires.

Trust, Transparence et Traçabilité Citizenship 2.0 27


Trust, Transparence et Traçabilité

III. 2. M YTHE , RITE , TRIBU … ET DONATEUR

Quelle est la place du donateur dans des organismes tels que des ONG ? Actuellement, il n’est que
contributeur financier, ce qui le place au rang de simple ressource. Pour appuyer l’argument de l’identité
numérique du donateur, nous en appelons à la théorie de l’Organisation Militante37 de François Rousseau.

François Rousseau, chercheur à l’Ecole de Paris, milite pour une grille de lecture propre aux organismes de
solidarité (mutuelle, associations, ONG,…). Ces organismes, en plus de la gestion de flux financiers et
matériels à gérer (comme une entreprise traditionnelle), doivent en plus gérer le sens de son action.

Cette théorie repose sur un triptyque "Mythe, rites et tribus" :

 Mythe : renvoie au projet inaccessible, tel qu'éradiquer la pauvreté dans le monde, c'est l'intention
poursuivie
 Rites : actions tangibles déployées par l'organisation
 Tribus : collectif des militants réalisant les rites permettant de les reconnaître, et portés par le mythe

La représentation de ce triptyque est la suivante :

Le triangle représente l’impact sociétal, tangible, de


l’organisation. Le cercle circonscrit représente le
sens, dans sa dimension intangible.

Par exemple, l'association "les Restos du Cœur", qui


pourrait être vue comme une entreprise de
restauration collective vu le nombre de repas qu'elle
distribue (80 millions de repas en hiver 2006/2007),
doit bien être analysée par cette grille. Le mythe est
celui que Coluche a posé à la création, celui que
personne ne doit avoir faim dans le monde. Il a
personnifié de manière tangible ce mythe. Les rites
sont ceux de la distribution de repas (dimension
tangible du service), créant du lien social entre
bénévoles et bénéficiaires. La tribu est celle des
bénévoles qui collectivement distribuent des repas,
sachant que chacun a des raisons qui lui sont propres
d'agir.

Ainsi, le triangle représente les outputs (résultats) de l’organisme, et le cercle, ses outcomes (effets).

Dans ce cadre, le donateur n’est plus considéré comme input. Il partage le mythe (passage à l’acte du don), il
peut donc faire partie de la tribu, grâce à l’élaboration de rites qui lui sont propres.

Pour ce faire, nous devons expliciter la méthode à adopter pour dépasser le stade de simples ressources
pour l’ONG.

37
François Rousseau, L'organisation militante, Revue Internationale de l’Économie Sociale, RECMA, n° 303,
mars 2007, pp.44-66
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Trust, Transparence et Traçabilité

III. 3. L E MODELE C ITIZENSHIP 2.0

Nous introduisons le modèle « Citizenship 2.0 ». La question derrière la problématique de confiance et de


traçabilité des dons touche directement à l’implication de citoyens pour une cause. Nous affirmons qu’un
écosystème fondé sur un réseau social de donateurs autour de la cause défendue par une organisation
non-profit est le vecteur d’une nouvelle relation de confiance.

En plus de la confiance acquise par la reconnaissance du donateur via son identité numérique, cette
traçabilité du donateur est un outil fort en matière de mobilisation. La possibilité de connecter les identités
numériques dans les plateformes de réseaux sociaux, de permettre la prise de conscience de l’existence
d’une communauté de donateurs, de permettre les interactions entre ces donateurs, voire leur collaboration
pour participer au fundraising de l’ONG, est une opportunité à saisir.

Les usages seraient tout d’abord ceux des réseaux sociaux tels qu’on les connaît : des plateformes où les
utilisateurs partagent un centre d’intérêt. Ils y puiseraient l’actualité du monde du développement, avec à la
fois l’état des lieux de la situation humanitaire mondiale, et l’avancée des projets tels que ceux soutenus par
l’ONG, ce qui apporte une nouvelle dimension de transparence et d’accountability (savoir rendre compte).
L’agrégation de contenus variés, touchant aux problématiques de l’Humanitaire et du Développement,
seraient le carburant de ce réseau social, en plus des convictions de ses membres... De plus, ils y
trouveraient les moyens d’une mobilisation forte, en suivant les modèles d’empowerment du site de
campagne d’Obama, par exemple.

Ce triple usage (communautaire, empowerment, informatif) serait d’autant plus innovant que les ONG
reconnaîtraient enfin leurs donateurs, leur feraient confiance pour participer au fundraising et à la
mobilisation générale, et enfin, leur rendraient compte de l’avancée de tous leurs projets grâce à la
puissance.

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Trust, Transparence et Traçabilité

Le projet "Citizenship 2.0"" est une initiative de Think Digital, Think Tank de Cap Digital.
Il a pour objectif d'esquisser, de défenir et d'expliciter collectivement les contours d'un
Web plus social,, d'un Web d'engagement
d' et degénérosité.

Inscrivez-vous ! http://sites.google.com/site/citizenship2point0/

http://twitter.com/citizenship2pt0

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