Discover millions of ebooks, audiobooks, and so much more with a free trial

Only $11.99/month after trial. Cancel anytime.

L'Esthétisme dans l'art
L'Esthétisme dans l'art
L'Esthétisme dans l'art
Ebook323 pages3 hours

L'Esthétisme dans l'art

Rating: 0 out of 5 stars

()

Read preview

About this ebook

William Hogarth a rédigé son Analyse de la Beauté en 1753, dans le contexte des Lumières. À travers ce texte captivant, il s'attarde sur une définition de la notion de beauté en peinture. Affirmant qu'elle est intrinsèquement liée à l'usage de la ligne serpentine dans les compositions picturales, il baptise cette dernière "ligne de la beauté". Son essai est consacré à une étude de la composition des toiles, dépendant d'une utilisation correcte des lignes picturales, de la lumière, de la couleur et des attitudes des personnages.

Ces concepts intemporels ont été appliqués par de nombreux artistes au fil des siècles. Des toiles de toutes périodes ont été choisies afin d'appuyer cette démonstration. Elles permettent d'explorer les différentes expressions de la beauté en matière de peinture.
LanguageFrançais
Release dateSep 15, 2015
ISBN9781783108909
L'Esthétisme dans l'art

Related to L'Esthétisme dans l'art

Related ebooks

Visual Arts For You

View More

Related articles

Related categories

Reviews for L'Esthétisme dans l'art

Rating: 0 out of 5 stars
0 ratings

0 ratings0 reviews

What did you think?

Tap to rate

Review must be at least 10 words

    Book preview

    L'Esthétisme dans l'art - William Hogarth

    illustrations

    Raffaello Sanzio da Urbino, dit Raphaël, La Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste, dite La Belle Jardinière, 1507-1508.

    Huile sur bois, 122 x 80 cm. Musée du Louvre, Paris.

    Introduction

    Si jamais un livre a eu besoin de préface, c’est certainement celui que l’on présente ici au public. Son titre seul a beaucoup occupé les curieux, car l’on pensait que l’auteur ne pourrait remplir convenablement le but qu’il s’était fixé. Car, bien que la beauté saute aux yeux et que tout le monde en ressente plus ou moins les effets, on sait cependant que toutes les peines que l’on a prises jusqu’à ce jour pour la définir ont été infructueuses. Il ne reste, pour ainsi dire, plus d’espoir d’en pouvoir donner une idée claire et exacte.

    Il est, par conséquent, indispensable d’entrer dans quelques détails sur un ouvrage dont l’auteur cherche à présenter cette matière sous un jour totalement nouveau et dans lequel il sera obligé de détruire plusieurs hypothèses reçues et consacrées depuis longtemps. Comme il pourrait, d’ailleurs, s’élever des discussions sur la manière dont cet objet a été traité jusqu’à présent, ainsi que sur la solidité des principes qui ont servi à établir les différentes opinions que l’on a avancées à cet égard, il est également essentiel de mettre sous les yeux du lecteur tout ce que les Anciens et les Modernes ont dit sur cette matière.

    Il n’est pas étonnant qu’il ait paru jusqu’ici impossible, d’expliquer un sujet qui, par la nature de plusieurs de ses parties, n’est pas à la portée des simples gens de lettres, sans quoi quelques-uns de ceux qui, depuis longtemps, ont publié des écrits sur cette matière, et qui l’ont même analysée d’une manière beaucoup plus savante que l’on ne devait l’attendre de personnes qui jamais n’avaient mis leurs pensées par écrit, ne se seraient pas perdus dans leurs conjectures, et n’auraient pas été obligés de se jeter sur la route déjà tracée et tant de fois battue de la beauté morale, pour se tirer des difficultés que leur offrait celle qu’elles voulaient se frayer.

    Ce qui, pour les mêmes raisons, les a forcés à chercher à éblouir leurs lecteurs par des éloges pompeux, mais souvent déplacés, de peintres qui n’existent plus, ou de quelques-uns de leurs ouvrages, dans lesquels on les entend parler sans cesse des effets, au lieu de chercher à développer les causes. Après avoir dit beaucoup de choses ingénieuses dans un style agréable, ils nous ont laissés exactement au même point où ils nous avaient trouvés, en convenant avec franchise qu’ils n’avaient pas la moindre idée de ce que l’on appelle grâce ; ce qui cependant est le grand point de la question.

    Et, en effet, comment pouvaient-ils avoir acquis quelque notion de cette grâce, qui demande une connaissance pratique de l’art de peindre dans toute son étendue (la sculpture seule ne suffisant point pour remplir cette tâche), et cela même à un degré assez grand de perfection pour pouvoir embrasser généralement toutes les parties de cette importante recherche, ainsi que j’espère le prouver dans l’ouvrage suivant.

    Guido di Pietro, dit Fra Angelico, Le Christ glorifié par la cour céleste (prédelle du triptyque de San Domenico de Fiesole), vers 1423-1424.

    Tempera sur panneau de bois, 31,7 x 73 cm. The National Gallery, Londres.

    Il est donc naturel de demander pourquoi les plus habiles peintres du siècle dernier et de celui dans lequel nous vivons, qui, à en juger par leurs ouvrages, paraissent avoir excellé dans la grâce et dans la beauté, ont gardé le silence sur un point aussi important pour les arts du dessin et pour leur propre gloire. À quoi je réponds qu’il paraît probable qu’ils soient parvenus à ce degré de perfection dans leurs ouvrages par la seule imitation des beautés qu’ils ont trouvées dans la nature, et en imprimant profondément dans leur mémoire les idées que leur fournissaient les statues antiques qu’ils copiaient, ce qui devait suffire à leur but comme peintres, sans se donner la peine de chercher à découvrir les causes particulières des effets qui s’offraient à leurs yeux. N’est-il pas étonnant que Léonard de Vinci, parmi plusieurs préceptes qu’il donne, au hasard, dans son Traité de la peinture, ne fait pas la moindre mention de ce qui a rapport à un pareil système, d’autant plus qu’il était le contemporain de Michel-Ange, qui, à ce que l’on prétend, avait découvert un certain principe dans le simple torse d’une statue antique (connue par cette raison sous le nom de torse de Michel-Ange) ; principe par lequel il est parvenu à donner à ses ouvrages un grandiose et un goût qui rivalisent avec ceux que l’on trouve dans les meilleures statues antiques. Voici ce que Lomazzo, qui écrivit son Traité de peinture à peu près en même temps, dit de remarquable à ce sujet :

    « Je vais citer à cette occasion un précepte de Michel-Ange. On dit que ce grand maître donna pour règle à son disciple, Marc de Sienne, de faire toujours ses figures pyramidales, serpentines et multipliées par un, deux, trois. Selon moi, tout le mystère de l’art est compris dans ce précepte. Car le plus grand mérite que puisse avoir un tableau, quant à la grâce et à la vie, c’est d’exprimer le mouvement. Les gens de l’art l’appellent l’esprit d’une peinture. Or il n’y pas de forme plus propre à exprimer le mouvement que celle de la flamme du feu (lequel, suivant Aristote et d’autres philosophes, est le plus actif des éléments), qui se termine en cône ou pointe propre à diviser l’air. De sorte qu’un tableau où cette figure est observée possède le principe de la beauté. »

    D’autres ont recommandé, depuis Lomazzo, l’observation de cette règle, sans en avoir compris le sens. Il est impossible de connaître les principes de la grâce, si l’on ne s’en est pas pénétré systématiquement. Du Fresnoy, dans son Art de peindre, s’exprime ainsi : « Les parties doivent avoir leurs contours ondoyants, et ressembler à la flamme ou au serpent lorsqu’il rampe sur la terre. Il faut que ces contours coulants, grands, et, pour ainsi dire imperceptibles au toucher, comme s’il n’y avait ni éminences ni cavités, soient aussi conduits sans interruption, pour en éviter le grand nombre. »

    Or, si du Fresnoy s’était compris lui-même, il ne se serait pas exprimé d’une manière aussi contradictoire, en parlant de la grâce. Mais, à dire vrai, c’est une chose très difficile et un présent fort rare, que l’homme doit plutôt au ciel qu’à ses études. De Piles, dans ses Vies des peintres, est plus inconséquent encore quand il dit, en parlant de la grâce : « Un peintre ne peut la tenir que de la nature. Il ne sait pas qu’il la possède, ni en quel degré ni comment il la communique à ses ouvrages. Il ne sait pas que la grâce et la beauté sont deux choses différentes, parce que la beauté plaît par certaines règles, et la grâce sans aucune règle. » Tous les écrivains anglais qui ont parlé de cette matière n’ont fait que répéter les passages que nous venons de citer.

    Giorgio Vasari, Portrait de Laurent de Médicis, 1533.

    Huile sur toile, 90 x 72 cm. Galleria degli Uffizi, Florence.

    Guido di Pietro, dit Fra Angelico, Le Couronnement de la Vierge, vers 1420.

    Tempera et or sur panneau de bois, 27 x 37,2 cm. The Cleveland Museum of Art, Cleveland.

    Andrea Mantegna, Saint Sébastien, vers 1480.

    Tempera sur toile, 255 x 140 cm. Musée du Louvre, Paris.

    Il paraît donc clairement que le précepte enseigné par Michel-Ange il y a longtemps, d’un ton si magistral, ait demeuré un mystère jusqu’à nos jours. On n’en sera pas surpris, si l’on considère qu’il du paraître aussi peu intelligible que le plus obscur oracle de Delphes. Car les lignes ondoyantes sont aussi souvent la cause de la laideur que de la grâce. Mais vouloir en parler ici, ce serait anticiper sur ce que nous aurons à dire au cours de cet ouvrage. Il y a donc des préjugés en faveur des lignes droites, comme constituant la véritable beauté des formes humaines, où cependant elles ne devraient jamais paraître. Un connaisseur médiocre pense qu’un profil ne saurait être beau, si le nez n’est pas droit. Lorsque le front est sur la même ligne, il trouve le profil infiniment plus parfait encore. J’ai vu quelques misérables traits de plume que l’on vendait excessivement cher. Cela seulement parce que l’on y remarquait un ou deux profils représentés avec les yeux fermés, comme il est facile à chacun d’en faire. Le système des figures droites comme des perches et parfaitement redressées, tient de ce même système. Si un maître à danser voyait son écolier dans l’attitude aisée et gracieuse de l’Antinoüs, il le blâmerait certainement de prendre une position si courbée, et lui dirait de tenir sa tête droite.

    Il paraît par les ouvrages des peintres qu’ils ne diffèrent pas moins d’opinion entre eux sur ce sujet que les écrivains. Les Français, excepté ceux qui ont imité l’antique ou les écoles italiennes, ont en général évité la ligne serpentine dans tous leurs tableaux. Mais Antoine Coypel, peintre d’histoire et Rigaud, premier peintre de portraits de Louis XIV, sont surtout remarquables par leur attachement aux lignes droites. Rubens, dont la manière de dessiner était tout à fait originale, employait beaucoup les lignes ondoyantes, lesquelles animent singulièrement ses ouvrages. Mais il semble n’avoir pas connu ce que l’on appelle la ligne précise, sur laquelle nous nous arrêterons particulièrement et qui donne cette grâce que l’on distingue dans les tableaux des bons peintres italiens. Il chargeait les contours de ses figures en leur donnant trop la forme d’un S. Raphaël, après avoir eu d’abord une manière raide, renonça tout à coup à son goût pour les lignes droites, en voyant les ouvrages de Michel-Ange et les statues antiques. Il devint même si passionné par la ligne serpentine qu’il la porta à un excès ridicule, particulièrement dans ses draperies. Cependant le soin avec lequel il étudia la nature ne lui permit pas de rester longtemps dans cette erreur. Pierre de Cortone a su tirer un meilleur parti de ces lignes dans ses draperies. Mais c’est dans les ouvrages du Corrège que le principe de la ligne serpentine paraît le mieux entendu, surtout dans son tableau de Junon et Ixion, bien que les proportions de ses figures soient quelquefois si mauvaises qu’un peintre d’enseignes pourrait mieux les dessiner. Albrecht Dürer, qui dessinait tout mathématiquement, ne s’écarta jamais de ces règles de proportion, pour sacrifier aux grâces. Ce qu’il aurait pu cependant faire quelquefois en copiant la nature, s’il n’avait pas été arrêté par ses impraticables règles de proportion.

    Guido di Pietro, dit Fra Angelico, Saint Pierre prêchant en présence de saint Marc, vers 1433.

    Tempera sur panneau de bois, 39 x 56 cm. Museo di San Marco, Florence.

    Mais ce qui doit surprendre davantage, c’est que Van Dyck, un des meilleurs peintres de portraits qui ait existé, paraît ne pas avoir connu le principe de la grâce. On ne trouve jamais dans ses portraits, que la grâce qui était naturelle à ses modèles. Il y a un portrait de la duchesse de Wharton, gravé d’après lui par Van Gunst, lequel est totalement dépourvu d’élégance. Or, si Van Dyck avait connu le principe de la ligne serpentine, il lui aurait été aussi impossible de s’en écarter dans toutes les parties de ce tableau qu’il l’aurait été à Addison d’écrire d’une manière incorrecte, à moins qu’il ne l’eût fait à dessein. Cependant les peintres, éblouis par les autres grandes parties de Van Dyck, ont donné à ce défaut de grâce dans les attitudes, etc., le nom de simplicité. Et, en effet, cette épithète y convient souvent parfaitement.

    Les peintres de notre temps ne paraissent ni moins incertains, ni moins contradictoires entre eux sur ce principe que les maîtres dont je viens de parler, quelque chose qu’ils puissent dire pour s’en défendre. Pour m’en convaincre, je fis paraître, en 1745, un frontispice pour mes ouvrages gravés, sur lequel je plaçais sur une palette une ligne serpentine avec ces mots au bas : « la ligne de la beauté » . Ce stratagème me réussit, et jamais hiéroglyphe égyptien n’embarrassa davantage nos doctes antiquaires, que ce simple trait n’intrigua pendant quelque temps les peintres et les sculpteurs. Ils vinrent me consulter pour en avoir l’explication, et lorsque je leur eus fait comprendre mon idée, ils ne manquèrent pas de me dire qu’ils le savaient, quoique l’idée qu’ils en donnassent fut à peu près aussi satisfaisante que celle qu’un manœuvre pourrait fournir des propriétés du levier dont il se sert tous les jours.

    D’autres, tels que les simples peintres de portraits et les copistes, nièrent qu’il pût exister une pareille règle dans l’art ou dans la nature. Ils prétendirent même que mon système n’était fondé sur aucun principe raisonnable. Mais devais-je m’en étonner puisqu’ils n’avaient aucun besoin de ces principes. Car, bien qu’un simple copiste de tableaux puisse quelquefois rivaliser avec les originaux qu’il imite, il ne lui faut cependant pas plus de talent, de génie, ni de connaissance de la nature, qu’à un ouvrier des Gobelins qui travaille à l’envers par pièces et par morceaux, d’après quelque tableau, sans savoir pour ainsi dire, si c’est un homme ou un cheval qu’il fait, et qui

    Enjoying the preview?
    Page 1 of 1