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GHB (Gros-horrible et bête)
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Ebook250 pages3 hours

GHB (Gros-horrible et bête)

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About this ebook

De la table de la brasserie de Pointe Saint-Charles qui lui sert de bureau, Dick Lefebvre se trompe en livrant sa dope à Marcel, un tueur à gages très recherché. Au lieu des speeds que Marcel consomme allègrement quand il doit « travailler », Dick lui a refilé du GDB, la drogue du viol, celle qui efface tout souvenir. Évidemment, Marcel ne le sait pas. Comme il doit effectuer un petit « contrat », il prend la drogue, confiant dans la qualité des produits et services de Dick. Deux jours plus tard, quand on finit enfin par retrouver Marcel, celui-ci ne se souvient plus de rien et est incapable de dire à ses employeurs si le travail a été effectué. Quel travail, au fait? GHB, un livre Grivois, Hilarant et Bidonnant.
LanguageFrançais
PublisherPratiko
Release dateMar 16, 2011
ISBN9782922889680
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    GHB (Gros-horrible et bête) - Richard Pierre H.

    Pierre H. Richard

    GHB

    1ère édition © 2007 Éditions Pratiko 

    Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle sans le consentement de l’éditeur est interdite.

    Révision linguistique : Chantal Lemay

    Édition électronique : Infoscan Collette inc.

    Maquette de la couverture : Nathalie Daunais

    Conversion au format ePub : Studio C1C4

    Diffusion pour le Canada :

    DLL PRESSE DIFFUSION INC.

    1650, boul. Lionel-Bertrand

    Boisbriand (Québec) J7H 1N7

    ISBN 978-2-922889-68-0

    Dépôt légal : 1er trimestre 2007

    Bibliothèque nationale du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    PROLOGUE

    L’air hagard, complètement hébété, comme s’il fonctionnait au radar, Christian se glissa dans un des fauteuils de la table ronde située juste auprès des pompes à bière, le « bureau » de Richard « Dick » Lefebvre, qui l’avait vu arriver avec un regard amusé et un sourire intrigué.

    Dick, la cinquantaine bien sonnée, les cheveux courts, toujours en tenue sport mais soignée, avait constamment une étincelle de sarcasme dans les yeux.

    Sans dire un mot, la serveuse avait déposé une grosse bouteille de Molson Ex devant Christian, déjà suintante. Dick lui fit signe de lui en servir une aussi.

    Dick observait Christian qui faisait des ronds avec sa bouche en soupirant doucement.

    — Grosse veillée ? demanda-t-il en guise de salutations. Christian nia de la tête. En tremblant, il versa un peu de la bière dans le verre glacé qu’on avait déposé devant lui. Il avala une gorgée de bière, qu’il sembla goûter longuement, et soupira de nouveau comme s’il tentait de retrouver son souffle.

    Il releva la tête et regarda Dick dans les yeux, insistant.

    — C’est quoi lestuff que tu m’as vendu ?

    — Ben… Comme d’habitude, pourquoi ?

    — Parce que… Parce que…

    — Parce que quoi ?

    — Parce que ça fait pas le même effet.

    Dick n’aimait pas qu’on conteste la qualité de ses produits. Un pusher autorisé a de la fierté et il aimait dire qu’il ne vendait pas de cochonneries, surtout à ses amis, surtout à ceux qui venaient prendre place à son « bureau », cette table ronde qu’il occupait depuis des années, de dix heures le matin à sept heures le soir, et autour de laquelle s’agglutinaient des connaissances de toujours qui constituaient également la base de son commerce.

    — C’est quoi, le problème ? demanda-t-il. Ça vient pourtant de mes fournisseurs habituels.

    En tremblant, Christian essaya de rattraper son verre de bière.

    — D’habitude, les speeds, ça me donne du pep. Mais là…

    — Là, quoi ?

    — Là… Ben, je peux pas te dire, j’ai tout oublié de ma soirée.

    — Comment ça ?

    — Comme ça ! Je ne me rappelle plus de rien. Je me suis réveillé ce matin en tremblant comme si j’avais pris la brosse du siècle. J’te dis pas comment la grosse m’a servi mes œufs ! Je l’ai jamais vue avec l’air aussi bête ! Paraît que je suis tombé dans le coma vers huit heures hier soir et qu’il y avait plus rien à faire avec moi. Je suis bien obligé de la croire, je me souviens plus de rien.

    — T’as pris un coup ?

    Christian nia vigoureusement de la tête en avalant une gorgée de bière.

    — Pas plus que d’habitude, dit-il enfin.

    Il regarda obstinément la table comme s’il cherchait à y lire quelque chose.

    — Non, dit-il enfin, j’ai pas bu. Juste un peu de vinasse pendant le souper. Puis je devais aller chercher un char pour les gars, hier soir. Ils en ont besoin. J’ai repéré un gars avec une Nissan bourgogne et j’en ai trouvé une autre, même modèle, même couleur. Je devais aller piquer un des deux chars et changer les plaques. Pour la job, tu comprends…

    Dick fit signe du nez qu’il comprenait très bien.

    — Fait que… Ben, je voulais être top shape. Fait que j’ai pris une de tes pilules.

    — Pis ?

    — Ben… Rien… Me souviens plus. Pis la grosse, à matin, qui me tombe dessus parce que j’étais plus mou qu’une flanelle, qu’elle m’a dit. Et je te conte pas comment j’ai mal au bloc. T’es sûr que c’est du speed ?

    — Sûr, sûr, sûr, dit Dick, qui commençait tout de même à se poser des questions. Il t’en reste encore ?

    Christian fouilla dans sa poche et sortit une petite boîte métallique qui, à l’origine, avait contenu des aspirines. Dick s’en empara et l’ouvrit calmement, sans même jeter un coup d’œil aux autres clients qui, de toute façon, savaient tous comment il gagnait sa vie. Il prit une des pilules et l’examina attentivement en pâlissant un peu.

    — T’as un problème ? demanda Christian. Dick tordit le nez alors qu’il attrapait son verre de bière.

    — Je pense que je vais prendre deux semaines de vacances, dit-il. Si on me cherche, tu diras que je suis parti dans le Sud.

    — Tu peux m’expliquer ?

    Pour toute réponse, Dick fouilla dans ses poches et sortit deux sacs contenant de petites pilules. Il versa le contenu de la petite boîte métallique dans un des sacs et la remplit avec des pilules de l’autre sac, avant d’en glisser une vers Christian.

    — Tiens, prends ça, ça va te remettre sur le piton, réponditil simplement.

    Bon garçon, Christian examina attentivement la pilule et, satisfait de son observation, avala le comprimé avec une gorgée de bière pendant que Dick semblait fondre dans son fauteuil, les deux mains refermées sur son verre de bière.

    — Je me suis trompé, dit-il, les yeux perdus dans le vide. Je t’ai refilé du GHB à la place des speeds. Toutes mes excuses. Pour ça que j’ai rempli ta boîte. C’est quand même le double de ce que tu as acheté. Je m’excuse encore.

    — Du GHB ? La drogue du viol ? Celle qui fait tout oublier ?

    — Oui, répondit Dick d’une voix faible.

    L’effet de la drogue se faisait déjà sentir chez Christian qui retrouvait le sourire. Il allongea une petite tape amicale à l’épaule de Dick.

    — Fais pas cette tête-là ! Depuis le temps que je te connais, je le sais bien que tu n’as pas fait exprès. Et puis, je peux te dire que ça marche, ton GHB.

    — Sûr, sûr, sûr que je ne l’ai pas fait exprès.

    Christian se tourna sur son fauteuil pour voir où se trouvait la serveuse. Quand il l’eut repérée, il leva le bras et ouvrit deux doigts. La fille lui fit signe de la tête qu’elle avait compris. Elle s’était mise en direction des énormes frigos pleins à craquer de bouteilles de bière.

    Les mains toujours refermées sur son verre de bière, Dick la vit, comme dans un songe, déposer devant eux deux grosses bouteilles décapsulées.

    En étendant les mains devant lui, Christian constata que le tremblement avait presque disparu.

    — Bon, je vais pouvoir m’occuper des Nissan. J’espère juste que les gars seront pas trop fâchés du retard. C’est quand même pas souvent que ça m’arrive de pas livrer à temps. Je vais les appeler pour leur expliquer.

    Il retira un petit téléphone de sa poche et appuya sur un bouton. Perdu dans ses pensées, Dick l’entendit proférer des paroles qui ne lui parvenaient pas. Il avait l’air sonné d’un type qui vient d’avaler une bouteille de vodka. Christian se mit à rire auprès de lui en repliant son minuscule téléphone.

    — Tout baigne, dit-il en rangeant l’appareil dans sa poche.

    Il regarda attentivement Dick, qui semblait s’enfoncer un peu plus dans son fauteuil, le teint gris.

    — Je te l’ai dit, fais pas cette tête-là, reprit Christian, complètement requinqué. Tout le monde peut faire une erreur.

    — Toi, c’est pas grave, répondit sourdement Dick.

    — C’est quoi le problème ?

    En tournant lentement la tête vers Christian, Dick avait l’air de vouloir claquer des dents, alors que ses paupières s’étiraient vers le bas, à chaque extrémité des yeux, comme s’il allait se mettre à pleurer.

    — Je pense bien, dit-il en tremblant, que j’ai fait la même erreur avec Marcel.

    — Quel Marcel ?

    — Le gros Marcel…

    — Le gros, gros, là ?

    — Oui, le gros, gros, là.

    Christian se cala dans son fauteuil en avançant les lèvres comme s’il expirait de l’air, ce qui l’aidait à réfléchir. En penchant la tête sur le côté, il leva l’index, qu’il agita en direction de Dick.

    — Ouf ! Je pense que je comprends pourquoi tu veux prendre des vacances. Moi, à ta place, je l’appellerais tout de suite. Des fois qu’il serait sur une job… Dick avait vieilli de dix ans au cours des cinq dernières minutes.

    — Tout le monde le cherche depuis deux jours, murmurat-il faiblement.

    1

    La chambre ressemblait, en plus grand, à un plat de guacamole après le passage d’une multitude de chips. Ce n’était plus qu’une masse informe d’objets qui, un jour, il n’y a pas si longtemps, avaient dû être utiles.

    De la porte, l’homme jeta un coup d’œil et se pinça le nez en dirigeant son regard vers le fond de la pièce, encore sombre, d’où émanait un bruit de moteur de tondeuse à gazon. Le bruit montait en crescendo pour mourir sur un soupir et un petit cri strident avant de se répéter. Partout dans la pièce, des vêtements jonchaient le sol et un nombre impressionnant de bouteilles, vides, attendaient tranquillement sur les tables et le plancher qu’on les dirige vers la poubelle. Le nombre de condoms, visiblement usagés, qui jonchaient le plancher indiquaient à eux seuls le risque que représentait un slalom dans cette pièce obscure.

    L’homme, à la porte, se décida à entrer en se tenant toujours le nez. Il avait le front haut au-dessus de ses lunettes à la monture noire qu’il repoussa d’un index hésitant en s’avançant dans la pièce tout en prenant bien soin d’éviter les bouteilles en rabattant sur lui les pans de son trench-coat qu’il voulait absolument éviter de salir.

    Il s’approcha du lit pour constater qu’une masse imposante y reposait, d’où émanait le bruit de moteur à tondeuse. Les couvertures s’entassaient les unes sur les autres et cachaient le corps qui reposait dans le lit. Seul un pied, boudiné, apparaissait là où aurait dû se trouver, normalement, la tête du dormeur.

    Sans examiner plus longtemps le pied, il se dirigea vers les rideaux qu’il ouvrit immédiatement pour laisser le soleil envahir la pièce. Il ouvrit aussi la fenêtre toute grande avant de se retourner pour examiner l’endroit. Éclairée, la pièce n’était pas plus attrayante que dans la pénombre, mais l’homme constata avec satisfaction que le courant d’air chassait les remugles des agapes qui y avaient eu lieu.

    La chambre était modeste. Les murs souffraient depuis longtemps de la négligence du plâtrier, sans parler de celle du peintre. Le tapis, quant à lui, agonisait, ses dernières fibres n’ayant pu résister aux brûlures des mégots qui le parsemaient. D’un coup d’œil, l’homme observa les cendriers. Il y en avait partout, pleins à craquer. Personne ne s’était donné la peine de les vider, à tel point qu’on retrouvait des verres à moitié remplis d’eau dans lesquels baignaient des cigarettes qui se décomposaient en laissant échapper une vilaine couleur jaunâtre.

    L’homme au trench retourna à la porte et soupira fortement en aspirant une bouffée d’air. Il alluma une cigarette sans plus se préoccuper du décor.

    En se retournant, il regarda de nouveau les bouteilles éparses. Il soupira une nouvelle fois en songeant que ce qu’il avait bu de plus violent dans sa vie était une canette de Coke. Il laissa échapper un couinement de désapprobation et examina, dans le courant d’air qui tentait de chasser les odeurs de la pièce, le pied qui dépassait des couvertures.

    Ce pied le sidérait. Il était rebondi, sur le dessus comme au-dessous. Les cinq orteils qui pointaient vers le plafond étaient courts et ronds, gras comme le restant du pied attaché à une cheville lourde. Les orteils étaient vraiment impressionnants. L’homme au trench nota que les ongles en étaient courts et bien entretenus mais que, compte tenu de la graisse qui s’accumulait à la plante des pieds, il devait y avoir bien longtemps que ces orteils avaient touché le sol.

    Il se tourna vers le parking où l’attendait sa voiture. Récemment, il avait acheté une Lexus bourgogne dont il était fier. Son père et sa mère étaient décédés en lui laissant un bon paquet d’argent dans lequel il avait pigé pour acheter sa première voiture neuve, lui qui avait plus de cinquante ans. Il repéra une autre voiture, complètement dans le fond du parking. Une Subaru vert forêt devant laquelle il avait dû passer une dizaine de fois au cours des derniers jours sans même la remarquer.

    D’une pichenette, il envoya valser sa cigarette dans une flaque d’eau qui s’évaporerait le jour même, si on se fiait à la température ambiante.

    Il couina de nouveau en soupirant, comme s’il avait un énorme travail qui l’attendait. Il couinait toujours, d’ailleurs. C’était sa façon à lui de démontrer son ennui ou d’exprimer l’ingratitude des gens. Là, c’était pour démontrer l’ingratitude. Il se retourna et regarda la chambre dévastée en avançant le nez et en le plissant pour voir s’il y avait encore ces horribles odeurs qu’il avait perçues en arrivant. Il couina de nouveau discrètement en constatant que l’odeur d’étable n’avait pas été complètement chassée par le courant d’air, mais il nota une nette amélioration.

    Appuyé au cadre de porte, il jeta un nouveau coup d’œil au pied rebondi qui dépassait des couvertures. Un instant, il écouta le rythme irrégulier de la respiration du dormeur et se dit qu’il devrait y voir. Sans être médecin, il soupçonnait une apnée du sommeil, ce qui, selon ce qu’il en savait, représentait un risque pour la santé. Il couina de nouveau doucement, juste assez fort pour qu’il puisse s’entendre, juste assez pour démontrer qu’il aurait aimé mieux être ailleurs. Puis, il prit une grande respiration et s’avança dans la chambre pour se rapprocher du lit dont il lança les couvertures sur le plancher.

    Un gros type barbu, aux cheveux jusqu’aux seins, était allongé sur le lit, complètement nu. Son énorme bedaine montait et descendait au rythme de ses ronflements. L’homme au trench l’observa un moment sans dire un mot, laissant courir son regard de la tête aux pieds, en se disant que finalement, pour un si gros homme, la nature n’avait pas été généreuse à son égard en matière de robinet. Mais si l’engin était modeste, la dévastation de la pièce démontrait que le monsieur savait au moins s’en servir ou, à tout le moins, qu’il ne manquait pas de fougue.

    Le dormeur ouvrit la bouche sans qu’il en sorte un son. Subitement, tout son corps s’était immobilisé.

    L’homme au trench regarda le géant avec un air ébahi, comme s’il était étonné que toute cette masse, subitement, se soit figée.

    D’un seul coup, il allongea une magistrale claque sur la gueule du dormeur. Et une deuxième, tout aussi rapidement.

    Le gros ouvrit tout d’abord des yeux stupéfaits puis roula, rapidement, sur le côté. Avec une vitesse et une agilité étonnantes, il se retrouva de l’autre côté du lit pour se relever en tenant une arme dans la main.

    — Jean-François ! dit le gros. Qu’est-ce que tu fais là ?

    — Ben… Je suis venu…

    — C’est toi qui vient de me donner deux claques sur la gueule ?

    — Ben… Oui… Tu respirais plus…

    Toujours nu, à genoux derrière le lit, Marcel se releva, en baissant son arme.

    — Tu peux te compter chanceux que je te connaisse !

    — Mais, Marcel…

    — Quoi ?

    — Tu respirais plus !

    — Ma blonde me dit ça aussi ! Et elle me tape pas sur la gueule, elle !

    — Moi… C’était pour ton bien, Marcel.

    Marcel, l’arme pendante au bout du bras, se tourna vers la fenêtre et jeta un coup d’œil à l’extérieur. Le ciel était clair. Un peu plus loin, l’autoroute était déjà congestionnée. Dans le parking, des gens allaient et venaient, sans qu’il se soucie ni d’être nu, ni d’être vu. Il se disait d’ailleurs qu’il ne pouvait être indécent, surtout debout.

    Il mastiqua dans le vide pendant une seconde, comme s’il cherchait à savoir si sa mâchoire fonctionnait toujours.

    — Il est quelle heure ?

    — Un peu plus d’une heure.

    — T’aurais pu venir me chercher plus tôt. Là, je vais être obligé de payer une journée de plus au motel.

    — Ouais, ben y aurait fallu que je sache où tu étais avant de pouvoir te réveiller, dit Jean-François.

    — Comment ça ?

    — Ça fait deux jours que je te cherche.

    Marcel, toujours flambant nu, se retourna vers Jean-François en portant le canon de son arme à la bouche, qu’il entreprit de sucer doucement, le regard perdu dans le vague. Il retira doucement le canon de sa bouche et le pointa à deux ou trois reprises vers Jean-François.

    — Comment ça, deux jours ?

    — Ben… Comme ça. Ça fait deux jours que tout le monde te cherche.

    — Comment ça ?

    — Parce que personne savait où t’étais, tiens !

    Reportant le canon de son arme à sa bouche, Marcel entreprit de le suçoter de nouveau, perdu dans ses pensées. Jean-François l’observait attentivement, tellement que le manège tira Marcel de ses réflexions.

    — Qu’est-ce que tu regardes ?

    — Rien, rien, fit Jean-François.

    — Comment ça, rien ?

    Jean-François couina doucement, un peu plus fort que lorsqu’il était tout seul.

    — Ben… Oui, je me demandais quelque chose…

    Il hésita encore une seconde et regarda Marcel qui suçait toujours le canon de son arme en le regardant d’un œil inquisiteur.

    — Ben, je te regardais, là, dit Jean-François. Et je me demandais qui était sur le dessus, d’habitude…

    2

    Marcel sortit de la chambre en trombe, une serviette à la main, les cheveux attachés à la va-vite en une queue de cheval improvisée. Sa veste, ouverte sur son énorme bedaine, laissait voir une chemise d’un blanc impeccable dans les circonstances, dont un pan dépassait du pantalon et contrastait résolument avec le marine de son costume qui allait mourir sur des bottes de cow-boy qui réclamaient un traitement d’urgence. Il ouvrit rageusement la porte de la Subaru et lança la serviette à l’intérieur.

    Loin derrière lui, Jean-François sortait de la chambre qu’il venait de quitter, les lunettes de travers, les yeux au beurre noir et le nez enflé.

    — C’était pas nécessaire, Marcel. Moi, c’était juste une question que je posais comme ça.

    Marcel le regarda, encore furieux, mais malgré tout satisfait du résultat. C’était quelque chose d’être sadique et d’avoir un masochiste sous la main. Une situation voluptueuse qui se présentait rarement. Aujourd’hui, la combinaison parfaite s’était présentée. Il y a des jours bénis, malgré tout. Marcel examina de nouveau Jean-François en se demandant quelle excuse il pourrait bien trouver pour le frapper de nouveau. Pas trop, quand même, parce que l’autre aimait ça et qu’il en redemandait. Debout près de sa voiture, il ferma un œil pour mieux l’examiner et levant le bras, il l’appela du doigt. Jean-François s’approcha craintivement alors que Marcel avait toujours le bras tendu et le doigt replié.

    — As-tu eu ta réponse ?

    Jean-François ravala sans tenter de cacher sa gêne et sa crainte. Sa pomme d’Adam avait fait un long aller-retour qui ne faisait qu’accentuer l’angoisse qui se dégageait de ses yeux pleins d’eau, striés de filaments sanguins, démesurément grossis à travers ses lunettes.

    — Ma réponse ? À propos de quoi ?

    Marcel avança la tête, l’air subitement méchant. Jean-François esquissa un petit sourire en se cachant le visage de ses deux bras.

    Le gros, en soupirant, se dit qu’il le frapperait plus tard, quand il ne s’y attendrait pas. Pour l’instant, Jean-François souffrait beaucoup plus en étant privé de la gifle qu’il savait mériter.

    En baissant le bras, Marcel soupira.

    — Pourquoi tu me cherchais, toi ?

    — Pas moi qui te cherche, dit Jean-François derrière ses bras.

    — Qui, alors ?

    — Ben…

    Jean-François baissa les bras, étonné et un peu vexé de ne pas avoir été frappé. Depuis toujours, Marcel le frappait pour

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